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Édith Piaf : La Voix Éternelle et le Destin Tragique de « La Môme Piaf » 🌹🎤

Édith Giovanna Gassion (née le 19 décembre 1915 à Paris et morte le 10 octobre 1963 à Grasse, Alpes-Maritimes), universellement connue sous le nom de scène Édith Piaf, est l’une des figures majeures de la chanson française. Surnommée « La Môme Piaf » à ses débuts, elle s’est imposée comme une chanteuse, parolière, compositrice et actrice française, dont le genre musical se situe entre la chanson française, la chanson réaliste, la java et la ballade.

Dotée d’une voix extraordinaire et d’une interprétation saisissante, elle est à l’origine de succès devenus des classiques du répertoire, notamment La Vie en rose, Non, je ne regrette rien, Hymne à l’amour, Mon légionnaire, La Foule, Milord, Mon Dieu et L’Accordéoniste. Piaf a été active de 1935 jusqu’à sa mort en 1963 à l’âge de 47 ans. Malgré une carrière assombrie par de graves problèmes de santé vers la fin, elle a acquis une renommée internationale et a été la mentor de nombreux jeunes artistes tels qu’Yves Montand, Charles Aznavour, Les Compagnons de la chanson et Georges Moustaki.

I. Naissance et Misère des Faubourgs (1915–1930) 👶🏽

A. La Légende de Belleville face à la Réalité 🏙️

Édith Giovanna Gassion est née le 19 décembre 1915. Sa naissance fut entourée de légendes : une plaque commémorative posée en 1963 au 72, rue de Belleville, à Paris, témoigne de la tradition selon laquelle elle serait née « sur les marches » de la porte d’entrée de cet immeuble, recueillie dans la pèlerine d’un agent de police.

Toutefois, l’état civil de Paris révèle qu’elle est née à l’hôpital Tenon, au 4 rue de la Chine, suite à un accouchement assisté. Ses parents étaient Louis Alphonse Gassion (34 ans), artiste acrobate, et son épouse Annetta Giovanna Maillard (20 ans), dite Line Marsa, artiste lyrique. Ils étaient domiciliés au 72, rue de Belleville. Louis Gassion et Annetta Maillard s’étaient mariés le 4 septembre 1914 à Sens, alors que Louis était mobilisé comme « seconde classe » dans le 89e régiment d’infanterie, en permission de trois jours. Le couple divorcera en 1929.

B. Des Origines Familiales Issues du Monde du Spectacle

Édith Piaf était une « enfant de la balle », ses ascendants appartenant au monde du spectacle depuis deux générations.

Côté Paternelle : Son père, Louis Alphonse Gassion (mort en 1944), était un artiste de cirque, contorsionniste et antipodiste, surnommé « l’homme qui marche la tête à l’envers ». Son père, Victor Alphonse Gassion, était écuyer de cirque, marié à Léontine Louise Descamps, dite « Maman Tine », qui était la patronne d’une maison close à Bernay, en Normandie, où Piaf résida quelque temps.
Côté Maternelle : Sa mère, Annetta Maillard (morte en 1945), était une chanteuse de cabaret et de rue connue sous le nom de Line Marsa. Elle avait commencé sa carrière comme écuyère de cirque et funambule, mais avait une réputation d’alcoolique et de droguée. Les grands-parents maternels d’Édith étaient Auguste Eugène Maillard et Emma Saïd Ben Mohamed, dite Aïcha, elle-même artiste de cirque connue pour un numéro de puces sauteuses. Emma, née en 1876, avait pour père Saïd Ben Mohammed, un acrobate de cirque né en Kabylie (Algérie), attestant ainsi des origines kabyles (berbères d’Algérie) de sa grand-mère maternelle.

C. La Prime Enfance et la Vie dans les Maisons Closes 💔

Ses parents ayant peu la fibre maternelle et étant trop pauvres, Piaf fut rapidement confiée à d’autres.

Chez Emma : Sa mère la confia très petite à sa grand-mère maternelle, Emma Saïd Ben Mohamed, qui habitait rue Rébeval, dans les hauteurs de Belleville. Cette grand-mère, décrite comme alcoolique, la laissa vivre dans la saleté et le manque d’hygiène. La légende veut que ses biberons étaient faits au vin rouge, un point que certains biographes contestent.
Chez Louise : Après environ 18 mois, son père (en permission du front) la confia à sa grand-mère paternelle, Louise Gassion, patronne d’une maison close à Bernay, en Normandie. Bien que Louise « n’aimait guère l’enfant », Édith y fut choyée par les prostituées, mangeant pour la première fois à sa faim et buvant du lait de Normandie.

C’est durant cette période qu’Édith Piaf aurait perdu la vue, entre 3 et 8 ans selon les biographes, le médecin diagnostiquant une double kératite due au manque d’hygiène et de soins. Sa grand-mère l’emmena alors prier sur la tombe de Thérèse de l’Enfant-Jésus à Lisieux, et Édith recouvra la vue après huit jours, un événement qui la rendit pieuse pour le reste de sa vie et lui inspira une dévotion pour la « petite Thérèse ».

D. Le Début dans la Rue et la Tragédie de Marcelle

En 1922, à l’âge de 7 ans, son père, Louis Gassion, la reprit avec lui pour vivre la vie misérable d’artiste de cirques itinérants et de chanteuse de rue. Dès l’âge de 9 ans, après le numéro d’acrobatie de son père, Édith Piaf révéla son talent en chantant des airs populaires. À cette époque, elle était annoncée sous le nom de scène « Miss Édith, phénomène vocal ».

En 1930, à 15 ans, elle quitta définitivement son père pour chanter en duo dans les rues de Paris, notamment dans les quartiers ouvriers et chics, avec Simone Berteaut, dite « Momone », qui deviendra son amie, alter ego et son « ange maudit ».

En 1932, elle rencontra son premier grand amour, Louis Dupont, dit P’tit Louis. De cette union naquit une fille, Marcelle, surnommée « Cécelle », le 11 février 1933, à l’hôpital Tenon. Louis, ne supportant pas qu’Édith chante dans la rue avec le bébé ou fasse l’entraîneuse dans les boîtes de Pigalle, reprit l’enfant. La petite Marcelle mourut d’une méningite tuberculeuse le 7 juillet 1935, à 28 mois. C’est à ce moment que Piaf avoua avoir eu recours à la prostitution afin de pouvoir payer l’enterrement de sa fille.

II. L’Ascension Fulgurante et les Mentors (1934–1945) 🇫🇷

A. La Découverte et le Surnom 🦢

En 1934, elle fut découverte par Louis Maitrier, pianiste de Jazz, qui l’engagea pour l’orchestre de Radio Vitus. Bien qu’elle n’eût jamais entendu de jazz, sa voix était déjà d’une « incroyable puissance », d’une « sonorité bouleversante » et avec une diction parfaite.

À l’automne 1935, alors qu’elle chantait au coin de l’avenue Mac-Mahon, elle fut remarquée par Louis Leplée, gérant du cabaret Le Gerny’s sur les Champs-Élysées. Leplée devint son mentor et lui choisit son nom de scène : « La Môme Piaf » (« piaf » étant un moineau en argot) en raison de sa petite taille (1,47 m) et de sa silhouette gracile.

Leplée la fit travailler avec le philosophe Jacques Bourgeat pour corriger son français et la rendre moins vulgaire. En 1936, Jacques Canetti (directeur artistique de Radio Cité) lui fit enregistrer son premier disque chez Polydor, Les Mômes de la cloche, qui connut un succès immédiat.

B. Le Scandale et la Professionnalisation

Le succès au Gerny’s fut interrompu par l’assassinat de Louis Leplée dans son lit le 6 avril 1936. Édith Piaf fut impliquée dans l’enquête, et des petites frappes de Pigalle, ses connaissances, furent évoquées comme tueurs possibles, mais l’affaire fut classée faute de preuves. Cet assassinat provoqua une vindicte médiatique contre la chanteuse, qui risqua de retomber dans la misère.

Elle fut sauvée par le compositeur Raymond Asso, qui devint son nouveau pygmalion. Il la prit en main, l’éloigna de son milieu malsain et la fit travailler pour en faire une chanteuse professionnelle de music-hall. C’est avec lui que « La Môme Piaf » devint « Édith Piaf ». Elle triompha à l’ABC, le music-hall le plus prestigieux de Paris, en mars 1937, lançant officiellement sa carrière de vedette.

C. Le Rôle Ambigu durant l’Occupation Allemande

Durant l’Occupation, Piaf continua de donner des concerts, notamment à l’ABC. En 1942, elle s’installa au troisième étage d’une maison close huppée (L’Étoile de Kléber, rue Villejust) qui était réservée aux officiers allemands et aux collaborateurs, et qui était située à deux pas du siège de la Gestapo française. Elle y côtoyait l’amant de son amie, Henri Lafont, chef de la Gestapo française, et s’accommodait de la présence des officiers allemands. Un soir de 1942, elle interpréta Où sont-ils tous mes copains ? devant des officiers allemands, illuminée par le drapeau tricolore, ce qui fit exulter le public français.

Piaf se rendit à Berlin en 1943 et 1944 pour promouvoir la chanson française. À la Libération, elle fut blanchie par un comité d’épuration. Sa secrétaire, membre de la Résistance, témoigna que Piaf, en tournée en Allemagne, se serait laissé photographier avec des prisonniers français des stalags, photos qui auraient servi à fabriquer de faux papiers, permettant à 118 d’entre eux de s’évader. Cependant, le nombre important de prisonniers libérés sans passer par un réseau de résistance et l’absence de témoignage confirmant cette histoire font douter les biographes de sa véracité. Dans certains milieux, elle avait une réputation de collaboratrice, ce qui entraîna l’interruption d’un de ses concerts à Sarrebruck par le gouverneur militaire français en 1946.

III. Gloire Internationale et La Vie en Rose (1945–1959) 🌟

A. La Mentor et la Star

Dès 1944, Piaf lança la carrière du jeune Yves Montand, rencontré au Moulin-Rouge, en l’initiant aux ficelles du métier et en le présentant à des gens importants du monde du spectacle. Elle le quitta en 1946, l’année où il devint une vedette.

En 1945, elle écrivit La Vie en rose, sa chanson la plus célèbre, qui devint un classique, et dont le manuscrit original fut acquis aux enchères par Bruno Ledoux en 2017. Elle se familiarisa avec l’anglais et les techniques de scène à l’américaine. Elle fut également la mentor des Compagnons de la chanson (avec qui elle enregistra Les Trois Cloches) et de Charles Aznavour.

Piaf s’était assurée son statut d’auteure-parolière en réussissant l’examen de la SACEM en février 1944. Elle écrivit un total de 87 chansons entre 1940 et 1963.

B. Le Grand Amour : Marcel Cerdan

De 1946 à 1948, Piaf fut la compagne de Jean-Louis Jaubert (directeur des Compagnons de la chanson). Mais en octobre 1947, lors d’une tournée triomphale à New York, elle rencontra l’amour de sa vie : le boxeur Marcel Cerdan. Cerdan devint champion du monde des poids moyens en 1948.

Leur histoire fut si passionnée qu’en 1949, Piaf écrivit Hymne à l’amour pour lui (musique de Marguerite Monnot). Quelques jours avant sa mort, elle avait confié à Jacques Bourgeat qu’elle voulait le quitter car il était trop attaché à sa femme et ses trois enfants.

Le 28 octobre 1949, Marcel Cerdan mourut dans un accident d’avion aux Açores. Il venait la rejoindre à sa demande, car elle trouvait trop long qu’il prenne le prochain bateau. Anéantie par cette disparition, et souffrant d’un sentiment de culpabilité, Piaf, déjà atteinte de polyarthrite aiguë, commença à prendre de fortes doses de morphine pour calmer la douleur. Elle installa, dans son hôtel particulier récemment acheté, les trois enfants de Marcel Cerdan et leur mère, Marinette.

C. Addictions et Relations Complexes

L’état de Piaf fut délabré par l’alcool et la drogue suite au drame de Cerdan, la forçant à refuser des rôles au cinéma. Elle parvint à se désintoxiquer de la morphine en 1955, après plusieurs cures, mais se réfugia dans l’alcool et soignait sa polyarthrite rhumatoïde avec de la cortisone.

Elle eut plusieurs relations intenses :

Le cycliste Louis (Toto) Gérardin (1951–1952).
Le chanteur français Jacques Pills qu’elle épousa à New York le 20 septembre 1952. L’actrice Marlene Dietrich fut son témoin. Elle divorça de Pills en 1956.
Le chanteur romaniote Georges Moustaki (1958–1959). Elle le lança dans la chanson. En 1958, un grave accident de voiture avec Moustaki aggrava son état de santé et sa dépendance à la morphine. C’est ensemble qu’ils créèrent la chanson Milord (Moustaki aux paroles, Monnot à la musique).

En 1956, elle remporta un triomphe au Carnegie Hall de New York, faisant d’elle une habituée de la scène américaine.

IV. Le Chant du Cygne (1959–1963) 🕊️

A. Le Sauvetage de l’Olympia

Sa santé continuait de se dégrader, et la chanteuse s’effondra sur scène en 1959 à Dreux. Elle dut subir de nombreuses opérations (ulcères, hémorragies digestives).

En 1961, à la demande de Bruno Coquatrix, Édith Piaf donna une série de concerts mémorables à l’Olympia, salle menacée de faillite. Elle interpréta alors Non, je ne regrette rien, une chanson écrite par Charles Dumont et Michel Vaucaire, qui lui collait à la peau. Ces concerts sauvèrent l’Olympia de la faillite.

Cependant, à cause de sa polyarthrite très invalidante, elle avait du mal à se tenir debout et ne réussissait à chanter qu’à l’aide d’une injection de morphine. Le « Tout Paris des célébrités » (comme Michèle Morgan, Alain Delon, Romy Schneider, Jean-Paul Belmondo, Arletty, Marlene Dietrich et Louis Armstrong) se pressait au parterre pour la voir.

B. Le Dernier Mariage et la Mort

Le 9 octobre 1962, âgée de 46 ans, épuisée et malade, Édith Piaf épousa Théophánis Lamboukas, un garçon coiffeur de 26 ans, qu’elle baptisa Théo Sarapo. Ce dernier mari ne la quitta plus jusqu’à sa mort. Ils chantèrent en duo À quoi ça sert l’amour ?.

Sa dernière chanson, L’Homme de Berlin, fut enregistrée début 1963.

Édith Piaf mourut le 10 octobre 1963 à 13 h 10, à 47 ans, dans sa bastide de Plascassier (Grasse). La cause était une rupture d’anévrisme due à une insuffisance hépatique, conséquence des excès, de l’alcool, de la morphine et de la polyarthrite rhumatoïde qui l’avaient usée.

Ses derniers mots auraient été : « Chaque putain de chose qu’on fait dans cette vie, on doit la payer. ».

C. Les Obsèques Hystériques et le Refus de l’Église ⚰️

Afin de faire croire qu’elle était morte à Paris, un transport clandestin et illégal de sa dépouille fut organisé jusqu’à son appartement du boulevard Lannes. Sa mort fut annoncée officiellement le 11 octobre 1963 à Paris grâce à un faux certificat de décès postdaté. Six heures après l’annonce de sa mort, son ami, le poète Jean Cocteau, décéda à son tour, déclarant : « C’est le bateau qui achève de couler. C’est ma dernière journée sur cette Terre ».

Les obsèques, organisées par son ami et parolier Louis Amade, furent quasi nationales. Le convoi funèbre fut salué par un demi-million de personnes.

L’inhumation eut lieu au cimetière du Père-Lachaise (division 97). L’Église catholique lui refusa des obsèques religieuses, estimant qu’elle avait vécu « en état de péché public » et qu’elle était une « idole du bonheur préfabriqué ». Cependant, l’aumônier du théâtre lui accorda une dernière bénédiction. Au moins 40 000 personnes, dont Marlene Dietrich, se rendirent au cimetière, où la foule devint hystérique et déborda le service d’ordre. Des objets fétiches furent déposés dans la fosse, dont un lapin en peluche, un béret de marin, et une statuette de Sainte Thérèse de Lisieux.

Sa dépouille repose dans le caveau familial avec sa fille Marcelle, son père Louis Gassion, et plus tard Théo Sarapo, mort en 1970.