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Yasser Arafat : Figure Centrale de la Cause Palestinienne et Artisan Controversé de la Paix 🇵🇸
Yasser Arafat (né Mohamed Abdel Raouf Arafat al-Qoudwa al-Husseini) fut une personnalité incontournable et très controversée de la politique moyen-orientale, dirigeant du Fatah et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) pendant plusieurs décennies. Connu également sous son nom de guerre, ou kounya, Abou Ammar, il a incarné les aspirations nationales des Palestiniens avant de devenir un partenaire de discussions pour Israël dans les années 1990, s’inscrivant dans le processus de paix israélo-palestinien. Sa vie fut marquée par la lutte armée, des avancées diplomatiques majeures, des accusations de corruption et un isolement final avant sa mort en 2004.
Identité et Premières Années (1929–1959) 👶
Naissance Contestée et Lignée Familiale
Yasser Arafat est né officiellement le 24 août 1929 au Caire, en Égypte. Son nom complet est Mohammed Abdel Rahman Abdel Raouf Arafat al-Qudua al-Husseini. Son prénom est Mohammed Abdel Rahman, le nom de son père est Abdel Raouf, celui de son grand-père est Arafat, le nom de sa famille est al-Qudua, et al-Husseini est le nom du clan de Gaza auquel les al-Qudua appartiennent. Yasser, signifiant « facile à vivre » en arabe, était son surnom d’enfance.
Il a passé les premières années de sa vie dans le quartier du Caire appelé Sakakini, un secteur où cohabitaient Juifs et Musulmans. Des chercheurs français ont confirmé, grâce à des documents découverts à l’université du Caire, qu’il était bien né dans la capitale égyptienne. Son père, Abdel Raouf al-Qudua al-Husseini, était un riche marchand d’épices et propriétaire terrien originaire de Gaza. Sa mère, Zahwa Abul Saud, était originaire de Jérusalem, sa famille prétendant descendre directement du prophète Mahomet. Le père de Yasser Arafat réclamait par ailleurs « une grande partie du Caire qu’il croyait être la propriété légitime de sa famille ».
Cependant, Yasser Arafat prétendait être né à Jérusalem le 4 août 1929, une affirmation que les vérifications historiques ont infirmée. Il insistait sur le fait qu’il aurait vu le jour dans une maison en pierre près du Mur des Lamentations, expliquant ensuite avoir vécu à Jérusalem chez son oncle Salim Abou Saoud avant d’en être expulsé lors de la création d’Israël en 1948. Arafat utilisait ce récit pour se présenter comme une victime du sionisme, cherchant à accroître sa crédibilité en tant que dirigeant palestinien.
En réalité, après le décès de sa mère alors qu’il avait quatre ans, il passa quatre ans à Jérusalem, avec son frère Fathi Arafat (qui deviendra président du Croissant-Rouge palestinien), chez un de leurs oncles maternels, Salim Abul Saoud, un mufti responsable des tribunaux islamiques. Sa maison d’enfance sera d’ailleurs rasée par les autorités israéliennes lors de l’annexion de Jérusalem-Est en 1967.
Jeunesse au Caire et Engagement Précoce
De retour au Caire, Arafat bénéficie de l’enseignement gratuit offert par les écoles égyptiennes. Il passe la majeure partie de son enfance et de son adolescence avec ses six frères et sœurs. Sa sœur le décrivait comme n’aimant pas l’école, préférant le camping dans le jardin et étant un chef de bande à l’extérieur, « portant un bâton pour battre ceux qui n’obéissaient pas à ses ordres ».
Au Caire, il fréquentait les Macchabées (clubs sportifs juifs) dans le but d’« étudier leur mentalité ». Il lisait également les textes de penseurs sionistes tels que Theodor Herzl et Vladimir Jabotinsky, expliquant : « Il faut que je comprenne mon ennemi ».
En 1946, il fait la rencontre de Mohammed Amin al-Husseini, le grand mufti de Jérusalem, qu’il en vint à admirer. Il rejoint son organisation, servant d’assistant du cheikh Hassan, un religieux et proche confident du mufti. Il s’occupait de livrer des lettres, de collecter des fonds et de fournir des informations sur les activités politiques au sein des écoles et universités égyptiennes. Malgré ses activités militantes, il s’inscrit en 1947 à l’université Roi Fouad Ier, probablement soutenu financièrement par le cheikh Hassan et le mufti, impressionnés par ce « jeune activiste dynamique ».
Peu avant la guerre de 1948, il prit conscience de la « perception politique de la présence sioniste en Palestine ». Lors de la guerre civile en Palestine mandataire, il participa, de manière marginale, à l’achat et à l’envoi d’armes légères aux partisans du mufti — les combattants de la Jaysh al-Jihad al-Muqaddas — qui affrontaient des forces juives mieux équipées et entraînées. À vingt ans, il entre en 1949 à l’école d’ingénieurs de l’université Roi Fouad Ier, où il obtient un diplôme d’ingénieur civil.
La Lutte Politique en Égypte et l’Éloignement des Régimes Arabes
Durant ses études universitaires, Arafat rencontre Khaled Moheidine, professeur d’art militaire, qui dispensait une formation aux officiers de réserve. Arafat suivait assidûment son cours et obtint le certificat d’officier de réserve, ce qui lui permit de côtoyer des fonctionnaires du gouvernement égyptien. L’investissement dans cette formation retarda l’obtention de son diplôme d’ingénieur jusqu’en juillet 1956.
Il se rapproche, sans y adhérer, de la confrérie des Frères musulmans. Avec eux, il participe à des opérations dirigées contre les Britanniques. De 1952 à 1956, il est président de l’Union générale des étudiants palestiniens (GUPS) et édite le magazine La Voix de la Palestine.
En 1952, son père décède, mais Yasser n’assiste pas aux funérailles. La sévérité paternelle, ses mariages successifs et son expulsion à Gaza avaient contribué à l’éloignement entre le père et le fils.
Estimant que la monarchie égyptienne était corrompue, Arafat se tourne ensuite vers le Mouvement des officiers libres (mené par Mohammed Naguib, Gamal Abdel Nasser et Anouar el-Sadate) qui préparaient le renversement du régime. Lorsque ce mouvement accède au pouvoir en juillet 1952, Arafat présente l’année suivante au président Mohammed Naguib une pétition rédigée en lettres de sang au nom des étudiants palestiniens, portant les mots : « N’oubliez pas la Palestine ».
Toutefois, en octobre 1955, il est arrêté quelques jours lors de la liquidation par Gamal Abdel Nasser de l’organisation des Frères musulmans, qui s’opposaient au programme de Nasser, jugé « nationaliste athée ». Durant la crise du canal de Suez, Arafat sert dans l’armée égyptienne avec le grade de sous-lieutenant. Cependant, la défaite des armées arabes le pousse à s’éloigner des dirigeants arabes, qu’il jugeait incapables de libérer la Palestine. Il quitte Le Caire à l’âge de 28 ans.
Fondation du Fatah et Émergence de l’OLP (1959–1970) ✊
L’Exil au Koweït et la Naissance du Fatah
Après avoir été arrêté plusieurs fois en Égypte pour ses activités politiques avec les Frères musulmans, Yasser Arafat s’installe dans l’émirat du Koweït, où résidaient de nombreux Palestiniens. À cette époque, le Koweït était un protectorat britannique et les visas de travail étaient délivrés par l’ambassade britannique au Caire, qui était très stricte sur les compétences professionnelles et voyait d’un très mauvais œil les activités politiques. Le fait qu’Arafat ait obtenu un visa est difficile à expliquer, mais l’auteur palestinien Audeh Butus Audeh pense que les Britanniques le lui ont accordé car il était opposé à Nasser.
Au Koweït, Arafat travaille comme ingénieur au département des travaux publics, puis à la ville de Koweït, avant de lancer sa propre affaire. Son entreprise devint prospère, lui permettant de rouler en voiture de sport rouge. Les revenus générés par cette activité furent cruciaux, puisqu’ils lui permirent de financer la création du Fatah en 1958.
Arafat était le seul parmi les fondateurs du mouvement à ne pas avoir d’enfants. Il adopte alors le nom de guerre d’Abou Ammar, en hommage à Ammar Ben Yasser, compagnon du prophète Mahomet et premier chahid de l’islam (Abou signifiant « père de » en arabe).
Il fonde le Harakat Tahrir Filastin (Mouvement de libération de la Palestine), rapidement rebaptisé Fatah (« la conquête » en arabe), avec Salah Khalaf, Khalil al-Wazir et Farouk Kaddoumi. Le Fatah avait pour objectif initial l’établissement d’un État palestinien allant de la Méditerranée au Jourdain, englobant ainsi les territoires d’Israël. Une doctrine quasi « hérétique » à l’époque du panarabisme triomphant de Nasser : le Fatah affirmait que la libération de la Palestine était avant tout l’affaire des Palestiniens eux-mêmes, et ne devait pas être confiée aux régimes arabes. En 1959, Arafat et Salah Khalaf fondent le journal Filistinuna (Notre Palestine), qui préconisait la lutte armée contre Israël, désigné comme « ennemi sioniste ».
Pour légitimer son organisation, Arafat contacte les gouvernements arabes et réussit à ouvrir un bureau à Alger en 1965.
L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) : un Mouvement Nationaliste
L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) fut créée en 1964 à l’instigation de Nasser et de la Ligue arabe, dans le but de combattre l’État israélien. Initialement, l’OLP était vue par Nasser comme un moyen de contrôler les commandos palestiniens qui risquaient de saboter l’armistice de 1957, tout en montrant son soutien aux Palestiniens.
Selon l’ancien chef de la Securitate roumaine, Ion Mihai Pacepa, l’URSS et ses alliés (Syriens, Égyptiens) ont joué un rôle crucial dans la redéfinition de la lutte contre Israël comme une lutte de libération nationale, conduisant à la création de l’OLP. Après l’échec d’Ahmed Choukairy, Arafat fut choisi pour diriger l’organisation. Pacepa explique qu’il fut alors « façonné » : on lui donna le costume de Che Guevara moyen-oriental, une barbe de trois jours de baroudeur, afin de « séduire [les] militants et [les] relais en Europe ».
En avril 1964, le Conseil national palestinien adopte la Charte nationale palestinienne à Jérusalem-Est. La branche politique de l’OLP est le Fatah, mais son bras militaire, l’Armée de libération de la Palestine, était placé sous le commandement des armées arabes.
En 1964, Arafat rencontre le pape Paul VI, à une époque où le Vatican ne reconnaissait pas encore Israël. En décembre de la même année, le Fatah mène sa première opération militaire, la destruction d’une pompe à eau israélienne. Bien que l’attaque ait été un échec et condamnée par presque tous les gouvernements arabes, le Fatah poursuivit ses opérations, notamment contre des cibles civiles en 1965.
En 1966, Arafat fut arrêté par les autorités syriennes pour son implication dans l’assassinat d’un activiste palestinien. Il fut libéré grâce à l’intervention de Farouk Kaddoumi et d’Abu Ali Iyad auprès de Hafez el-Assad, alors ministre de la Défense. Assad accepta de le libérer mais les mit en garde contre Arafat, soupçonné d’être un agent égyptien en raison de son accent dialectal égyptien.
Jusqu’à la guerre des Six Jours, la branche armée du Fatah mena une « centaine de raids ». Ce début de lutte armée valut à Arafat le soutien croissant de la diaspora, lui permettant de prendre les rênes de l’OLP.
La Guerre des Six Jours et la Bataille de Karameh : l’Ascension
La Guerre des Six Jours en 1967 marqua un tournant, l’Égypte, la Syrie et la Jordanie étant défaites par Israël, qui conquit Jérusalem-Est, la Cisjordanie, la bande de Gaza, le Sinaï et le Golan.
Suite à cette défaite arabe, les organisations palestiniennes se réorganisèrent. Le Fatah, sous l’impulsion d’Arafat, décida d’accentuer la lutte armée. L’attention d’Israël se tourna alors vers les organisations palestiniennes.
Entre 1967 et début 1968, le Fatah organisa la lutte interne en Cisjordanie via des cellules, des sabotages et des attentats. Arafat lui-même se rendit dans plusieurs villes avant de frôler l’arrestation par le Shin Beth. Devant la répression israélienne « implacable », le Fatah changea de tactique, établissant son quartier général à Karameh, en Jordanie, pour lancer des opérations avec le soutien de la Légion arabe.
En mars 1968, l’armée israélienne lança une opération majeure en représailles à l’explosion d’un bus scolaire sur une mine déposée par des fedayins. À la Bataille de Karameh, 300 Palestiniens (auxquels Arafat avait ordonné de « tenir tête à l’ennemi »), épaulés par une centaine de Jordaniens, affrontèrent près de 6 500 soldats israéliens soutenus par l’aviation. Le camp fut rasé, mais les Israéliens se retirèrent après dix heures de combat. Malgré un bilan lourd côté arabe, le Fatah considéra cet événement comme une victoire. Arafat annonça la victoire à la radio et organisa des funérailles officielles pour les fedayins morts à Amman.
Cette victoire symbolique permit au Fatah de s’émanciper de la tutelle des services de renseignements arabes (Moukhabarat) et de prendre le contrôle de l’OLP la même année. Nasser reconnut Arafat et son organisation, le finançant largement pour représenter le peuple palestinien.
Le 17 juillet 1968, la Charte de l’OLP fut modifiée, déclarant le territoire de la Palestine mandataire comme « indivisible » et comme la « patrie du peuple arabe palestinien ». Cette Charte, visant l’anéantissement de l’État d’Israël par la lutte armée, fut considérée par Israël comme une déclaration de guerre.
Direction de l’OLP et Stratégies de Lutte Armée (1970–1982) 💥
Grâce au soutien de Nasser, Arafat fut promu à la tête du Fatah, assurant une base solide même auprès de ses détracteurs internes. Le 4 février 1969, il fut nommé président du comité exécutif de l’OLP.
Arafat déplaça la nature du combat palestinien sur un terrain plus politique, transformant l’OLP d’un mouvement panarabe en un mouvement consacré à la « cause nationale palestinienne ». Bien que la lutte armée contre Israël ait été acceptée par les accords du Caire en 1969, l’OLP sous sa présidence recourut à la violence, notamment le détournement d’avions, la prise d’otages et des actions armées contre des civils israéliens, opérations qu’Arafat dirigeait et planifiait.
Le Septembre Noir en Jordanie et l’Exil au Liban
Après la Guerre des Six Jours, entre 230 000 et 300 000 nouveaux réfugiés et fedayins s’installèrent en Jordanie. L’OLP déplaça son quartier général de Damas à Amman. Le prestige croissant de l’OLP et la présence armée palestinienne transformèrent le pays en une base de lutte, créant un « État dans l’État » en Jordanie.
Suite au détournement et à la destruction de trois avions par le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine) sur le sol jordanien, ainsi qu’à une tentative d’assassinat manquée contre lui, le roi Hussein de Jordanie ordonna, le 17 septembre 1970, le massacre de dizaines de milliers de Palestiniens (réfugiés ou fedayins). Cet épisode est connu sous le nom de Septembre noir.
Nasser réussit à imposer un accord entre le roi Hussein et Arafat le 27 septembre 1970, quelques heures avant sa propre mort. Chassé de Jordanie, Arafat s’installa au Liban avec deux mille de ses combattants.
L’Ère de la Confrontation et les Actions Terroristes
Au Liban, Arafat devint le commandant en chef des forces révolutionnaires palestiniennes en 1972, puis le dirigeant du département politique de l’OLP en 1973. La nouvelle charte de l’OLP, définie à Beyrouth, prévoyait de « s’attaquer aux intérêts sionistes partout dans le monde ».
Le gouvernement libanais, affaibli, ne put empêcher l’OLP d’opérer comme un « État indépendant », surnommé parfois Fatah land. Les camps de réfugiés servaient de bases d’entraînement pour les attaques contre la frontière nord d’Israël ou les actions terroristes à l’étranger. L’armée libanaise tenta de reprendre le contrôle en 1969, mais un accord signé au Caire sous Nasser reconnut l’extraterritorialité des camps des fedayins.
Le financement de l’OLP était contrôlé directement par Arafat. Il exigeait des donateurs que les chèques soient rédigés à son ordre personnel avant qu’il n’en refasse un à l’ordre de l’OLP. Mustapha Tlas constata : « Ainsi, personne ne peut rien faire ». Les services soviétiques lui remettaient également environ 200 000 dollars en espèces chaque mois dans les années 1970.
Les Jeux Olympiques de Munich (1972) 🎯
En septembre 1972, huit Palestiniens du groupe Septembre noir pénétrèrent le village olympique à Munich, tuant deux membres de l’équipe israélienne et en kidnappant neuf autres. Lors de la tentative de libération, tous les athlètes furent tués.
Selon Benny Morris, le Fatah avait décidé de créer le groupe Septembre noir lors d’un congrès à Damas en 1971. La condamnation internationale de l’attaque poussa le Fatah à se distancier du groupe. Arafat aurait même ordonné l’assassinat de deux de ses membres qui refusaient d’arrêter leurs activités. Néanmoins, Mohammed Daoud Odeh, leader du commando, affirma qu’Arafat avait été informé des plans, même si l’intention n’avait jamais été de tuer les athlètes. Said Aburich notait qu’il n’y avait pas de preuve de l’implication personnelle d’Arafat dans les actions de Septembre noir, mais qu’il avait les moyens d’y mettre fin et ne l’avait pas fait.
Bataille et Victoire Diplomatiques à l’ONU
Face aux oppositions internes à l’OLP, notamment la crainte de voir une reconnaissance d’Israël émerger, Arafat convoqua la douzième conférence du Conseil national palestinien pour accepter une démarche par étapes. Les habitants des territoires occupés, en particulier les Cisjordaniens, étaient en effet favorables à un règlement politique.
Le sommet arabe d’Alger en novembre 1973 désigna l’OLP comme le seul représentant des Palestiniens.
Devant les caméras de l’ONU, Arafat lança une remarque ironique, se référant aux mots de Golda Meir : « Je viens de créer un pays et un peuple qui jusque-là n’existait pas ».
L’année 1974 fut marquée par d’importantes avancées diplomatiques :
💡 14 mai 1974 : L’ONU reconnut l’OLP comme représentant du peuple palestinien par 105 voix contre 4. 💡 21 octobre 1974 : Arafat rencontra Jean Sauvagnargues, ministre français des Affaires étrangères, faisant de la France le premier pays occidental à recevoir Arafat. 💡 13 novembre 1974 : Arafat prononça un discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, se présentant « porteur d’un rameau d’olivier et d’un fusil de combattant ». Il y définit le sionisme comme une idéologie « raciste », « impérialiste » et « colonialiste ». Il défendit l’idée d’un État unique démocratique (chrétien, juif, musulman) mais rejeta toute forme de reconnaissance d’un État israélien. 💡 22 novembre 1974 : L’OLP fut admise comme membre observateur à l’ONU. Arafat devint le premier représentant d’une organisation non gouvernementale à participer à une session plénière de l’Assemblée générale de l’ONU.
Dans le monde arabe, Arafat fit accepter en juin le principe de la création d’un État palestinien sur les territoires qui seraient libérés. En octobre 1976, au 8e sommet arabe à Rabat, l’OLP fut admise comme membre à part entière de la Ligue arabe.
Malgré le souhait affiché de ne pas voir « versée une seule goutte de sang, juif ou arabe », Arafat n’abrogea pas la partie de la Charte de l’OLP visant la fin du sionisme étatique.
Guerre Civile au Liban et Interventions Israéliennes
À partir de 1975, la guerre civile ravagea le Liban. Bien qu’Arafat ait cherché à limiter l’implication de ses fedayins, le blocus phalangiste de Tell-el-Zaatar et le massacre de la Quarantaine en janvier 1976 précipitèrent l’engagement de l’OLP aux côtés du Mouvement national libanais.
De sa base de Beyrouth, l’OLP gérait les services sociaux des réfugiés, tout en armant et organisant les fedayins qui menaient des attaques contre Israël, notamment en mars 1978, où un commando prit des passagers d’un bus en otage, causant 39 morts civils. Israël, ne pouvant compter sur le Liban pour contrôler les activités palestiniennes, intervint militairement à deux reprises : en 1978 (Opération Litani) et plus largement en 1982. L’objectif était d’éloigner les roquettes de l’OLP et de chasser l’organisation de Beyrouth.
En 1982, l’Opération Paix en Galilée fut lancée suite à un attentat contre l’ambassadeur israélien Shlomo Argov à Londres (perpétré par Abou Nidal). Arafat dirigea 15 000 Palestiniens contre 85 000 soldats israéliens. La défaite fut amère : la structure de commandement imaginée par Arafat s’effondra, les officiers prenant la fuite. Said K. Aburish nota qu’« La légendaire tendance d’Arafat à s’entourer d’incapables flagorneurs et son manque d’organisation coutaient cher aux Palestiniens ».
Durant le siège de Beyrouth, l’Arabie saoudite et l’Égypte invitèrent le président libanais et Arafat à reconnaître la légitimité de la présence des troupes syriennes au Liban, officialisant la Force arabe de dissuasion (FAD).
Malgré les appels d’Arafat, les pays arabes restèrent inactifs. La Syrie, alliée d’Arafat, signa même une trêve unilatérale avec Israël.
Pendant cette seconde intervention, des civils palestiniens (entre 800 et 3 500 selon les sources) furent massacrés dans les camps de réfugiés de Sabra et de Chatila par les milices chrétiennes phalangistes. Israël, en tant que puissance occupante, fut tenue indirectement responsable des violences. Cet événement eut un impact négatif durable, notamment sur l’avenir politique d’Ariel Sharon.
Exil à Tunis et Virage Diplomatique (1982–1994) 🕊️
Retrait Forcé du Liban
En 1982, Arafat échappa de justesse à la mort lorsqu’un immeuble fut bombardé par une bombe israélienne. Contraint de quitter Beyrouth, il fut exfiltré le 30 août 1982, à bord d’un navire marchand grec, protégé par une escorte franco-américaine. Il fut emmené en Grèce puis en Tunisie, ce qui désorganisa en partie ses rentrées financières. Le président tunisien, Habib Bourguiba, accepta de l’héberger sous la pression de la Ligue arabe.
Un an plus tard, de retour à Tripoli (Liban), ses partisans furent repoussés par des dissidents de l’OLP (dirigés par Abou Moussa) soutenus par les troupes syriennes. Arafat fut contraint à un nouvel exil. Devant le refus de l’URSS de protéger ses navires (pour éviter un conflit avec les États-Unis), il demanda l’aide de la France, qui accepta.
Arafat et 4 000 de ses partisans quittèrent Tripoli en 1983 sous protection française. Il installa son quartier général près de Tunis, à Borj Cédria, où il vivait constamment sur ses gardes, ne dormant jamais plus d’une nuit au même endroit.
En octobre 1985, il échappa de nouveau à la mort lorsque des avions de chasse israéliens bombardèrent le siège de l’OLP à Tunis ; Arafat arriva en retard au meeting prévu. Cette opération était une réponse à l’assassinat de trois Israéliens à Chypre.
Malgré que l’OLP ait renoncé au terrorisme au Caire en novembre 1985, l’organisation fut impliquée dans plus de 100 actes terroristes au cours des deux années suivantes.
La Première Intifada et la Déclaration d’Alger
En 1988, la Première Intifada (la « révolte des pierres ») éclata en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Bien que l’OLP ait été impliquée, la révolte fut principalement menée par le Commandement unifié de l’Intifada, plutôt que par la faction tunisienne d’Arafat.
L’Intifada précipita la proclamation, depuis Alger, d’un État palestinien dans la nuit du 14 au 15 novembre 1988. Arafat fut élu président de ce nouvel État par le Conseil national palestinien. Parallèlement, l’OLP reconnut la Résolution 181 de l’ONU (1947), reconnaissant de facto l’existence de l’État israélien, et réaffirma sa condamnation du terrorisme.
L’Ouverture Diplomatique Internationale
Arafat s’engagea dans une nouvelle démarche diplomatique. Le 13 décembre 1988, devant l’Assemblée générale de l’ONU à Genève, il réclama une résolution pacifique du conflit basée sur les résolutions 181, 242 et 338, et rappela le rejet du terrorisme par l’OLP. Le lendemain, lors d’une conférence de presse, il aurait précisé que l’OLP reconnaissait la résolution 242, le droit à l’existence d’Israël, et renonçait au terrorisme.
En conséquence, le président américain Ronald Reagan mit fin à treize années d’interdiction de dialogue avec l’OLP, officialisant l’ouverture des discussions le 14 décembre 1988.
Arafat rencontra le pape Jean-Paul II au Vatican en décembre 1988. Il utilisait des références chrétiennes (qualifiant Jésus-Christ de « palestinien » car né à Bethléem) pour rallier la minorité chrétienne palestinienne, souvent persécutée par les intégristes musulmans.
Le 2 mai 1989, lors de sa première visite officielle à Paris, Arafat déclara « caduque » la charte de l’OLP qui affirmait que « la lutte armée est la seule voie pour la libération de la Palestine », une condition posée par François Mitterrand pour le rencontrer.
Vie Privée et Alliance Controversée avec Saddam Hussein
Alors qu’il affirmait avoir « épousé la Palestine », Arafat se maria à 60 ans avec sa secrétaire, Souha Tawil, de trente-quatre ans sa cadette, en 1990. Souha, de confession grecque orthodoxe, se convertit à l’islam. Le mariage fut célébré secrètement à Tunis. Arafat souhaitait le garder secret en raison de la Guerre du Golfe et de la Première Intifada.
Le couple eut une fille, Zahwa, née à Paris en 1995. Souha, qui se plaignait de cette vie « terrible et injuste » et de ses goûts de luxe contrastant avec l’austérité de son mari, quitta Arafat pour vivre à Paris au début de la Seconde Intifada en 2000.
Après la désintégration du Bloc socialiste et la fin de la guerre froide en 1989, Arafat se trouva marginalisé. Cherchant à rompre son isolement, il s’allia à Saddam Hussein et ne condamna pas l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990. Cette décision fut perçue comme une trahison par le Koweït. Bien qu’Arafat ait tenté une médiation avant l’invasion, la communauté palestinienne au Koweït (300 000 personnes) favorisa la prise du pays par l’armée irakienne. Cette alliance controversée mena à la faillite de l’OLP, l’Arabie saoudite et le Koweït retirant leur soutien financier.
Paradoxalement, Arafat fut « sauvé » par l’arrivée au pouvoir de la gauche israélienne (Yitzhak Rabin et Shimon Peres) en 1992, qui estimaient qu’il était désormais suffisamment affaibli pour leur donner toutes les garanties de sécurité nécessaires à la création d’un État autonome palestinien.
En 1992, Arafat fut impliqué dans un accident d’avion (un Antonov 26) en Libye, s’en sortant avec quelques contusions, bien que les deux pilotes et un ingénieur aient été tués. Il fut opéré d’urgence peu après pour un caillot au cerveau en Jordanie.
Le Processus d’Oslo et la Présidence de l’Autorité Palestinienne (1994–2001) 🤝
Les Accords et le Prix Nobel de la Paix
Alors que la Conférence de Madrid de 1991 n’avait donné aucun résultat, des négociations secrètes eurent lieu à Oslo. Le 13 septembre 1993, la Déclaration de Principes (Accords d’Oslo) fut signée à la Maison-Blanche. Le monde entier se souvient de la poignée de main historique échangée entre Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, sous l’égide de Bill Clinton.
Dans une lettre adressée à Rabin le 9 septembre 1993, Arafat déclara que l’OLP reconnaissait la légitimité d’Israël et renonçait officiellement à la lutte armée : « L’OLP reconnaît le droit de l’État d’Israël à vivre en paix et dans la sécurité. […] Ainsi, l’OLP renonce à recourir au terrorisme et à tout autre acte de violence ».
En 1994, Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin reçurent le Prix Nobel de la paix. Un des cinq jurés du comité Nobel démissionna pour protester contre l’attribution du prix à Arafat.
Arafat retourna à Gaza en juillet 1994, où il fut accueilli triomphalement. Suite à l’accord d’« Oslo II » (septembre 1995), des élections générales furent tenues en janvier 1996. Arafat fut élu avec 87,1 % des suffrages exprimés comme premier président de la nouvelle Autorité palestinienne.
L’assassinat d’Yitzhak Rabin en novembre 1995 attrista profondément Arafat, qui craignait de subir le même sort.
Suite au retrait de l’armée israélienne de Jénine, Arafat tenta de convaincre le Hamas de présenter des candidats aux élections législatives. Cependant, l’assassinat de Yahia Ayache par le Shin Beth mit fin à cet effort. En réponse, le Hamas perpétra quatre attentats-suicides faisant plus de 60 victimes israéliennes. Arafat fit alors arrêter des centaines d’activistes islamistes et interpeller plusieurs terroristes recherchés par Israël.
Le 21 avril 1996, le Conseil national palestinien modifia les articles de la charte qui refusaient l’existence d’Israël. Arafat prit officiellement le titre de Raïs (président) de l’Autorité palestinienne.
En 1996, après que le nouveau Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, eut déclaré qu’il ne lui parlerait pas, Arafat ordonna des manifestations pour provoquer les Israéliens. Après les violences, Netanyahu fut blâmé et dut téléphoner à Arafat.
Un Pouvoir Contesté : Corruption et Violation des Droits 💸
Bien que l’économie palestinienne ait connu une croissance rapide durant cette période, le régime d’Arafat fut confronté à de nombreuses accusations de corruption et de violation des règles démocratiques.
Des chiffres circulent sur les sommes détournées par Arafat vers un compte personnel :
💰 Le FMI estima les détournements sur les financements alloués à l’Autorité palestinienne entre 1994 et 2000 à au moins 898 millions de dollars. 💰 Certains officiels américains estimaient sa fortune à 1 milliard de dollars. Le magazine Forbes l’évaluait à 300 millions de dollars.
Cette fortune provenait d’un système financier opaque. Arafat utilisait un « cabinet noir » et un système de blanchiment d’argent. Le ministre syrien de la Défense, Moustafa Tlas, rapportait qu’Arafat insistait pour que les chèques des chefs d’État arabes soient rédigés à son ordre personnel. Dès 1991, un allié d’Arafat l’accusait de « dégradation morale inconcevable » et de mégalomanie financière.
Ozrad Lev, un conseiller en investissement israélien, avoua en 2002 avoir transféré illégalement 300 millions de dollars de l’Autorité palestinienne vers un compte suisse secret au nom d’Arafat en 1997, géré avec l’agent financier d’Arafat, Muhammad Rachid.
Sur le plan intérieur, Arafat dirigeait l’Autorité palestinienne et le Fatah « d’une main de fer », muselant toute tentative d’opposition et censurant les médias. Amnesty International affirmait que les prisonniers politiques étaient souvent torturés avec son aval.
En 1999, 20 intellectuels et hommes politiques palestiniens signèrent une pétition dénonçant le gouvernement comme « corrompu, non juste et manipulateur » ; Arafat ordonna l’arrestation de 11 d’entre eux.
Arafat était également accusé de participer au conditionnement de la population palestinienne à la guerre contre Israël par l’école, la mosquée, la presse et la télévision.
Malgré ces critiques, Yasser Arafat était perçu par les Palestiniens comme leur père bienfaisant (al-Khityar), reconnaissant sa grande générosité et sa distribution d’argent (souvent transporté dans une mallette Samsonite) pour financer mariages, études ou funérailles.
Relations Tendues avec le Hamas
Sur la scène palestinienne, les relations entre Arafat et le Hamas étaient tendues. Le Hamas, qui rejetait la coopération avec l’OLP, sembla déclarer la guerre à Arafat dès son retour dans les territoires. Arafat accusa le gouvernement israélien d’avoir favorisé la création du Hamas par des subventions pour créer une organisation hostile à l’OLP.
Après qu’Arafat eut déclaré la fin de la lutte armée en 1996, les relations se dégradèrent davantage. L’Autorité palestinienne déclara avoir déjoué une tentative d’assassinat d’Arafat par le mouvement islamiste. Arafat assigna à résidence Ahmed Yassine, le chef spirituel du Hamas. Toutefois, lors de l’assassinat de Yassine par Israël en 2004, Arafat dénonça un « crime barbare » et décréta trois jours de deuil.
L’Échec du Sommet de Camp David II
En juillet 2000, le Sommet de Camp David se tint entre Yasser Arafat et Ehud Barak, sous l’égide de Bill Clinton. Le sommet, qui évoquait la reconnaissance d’un État palestinien, achoppa sur plusieurs points.
L’échec fut largement attribué à Arafat aux États-Unis et en Israël, l’accusant d’avoir quitté la table des négociations sans contre-proposition. Cependant, d’autres sources, comme Robert Malley (conseiller de Bill Clinton), affirmèrent que la proposition de Barak, prétendument généreuse, était en réalité un mythe.
Selon Shlomo Ben-Ami, ancien ministre israélien, « Arafat s’est montré tout à fait incapable d’accepter un compromis et d’orienter les négociations vers la paix ».
Isolement et Fin de Vie (2000–2004) 🏰
Le Déclenchement de la Seconde Intifada
La Seconde Intifada débuta en septembre 2000, suite à l’échec des discussions de Camp David. La visite d’Ariel Sharon (parlementaire du Likoud) sur l’Esplanade des Mosquées fut perçue comme la provocation déclenchante, malgré les avertissements d’Arafat à Ehud Barak.
La révolte dégénéra en guerre ouverte. Impuissant à contrôler les violences, y compris au sein des Faucons du Fatah, Arafat décida de se joindre au mouvement, exhortant les Palestiniens à se soulever contre « l’usurpateur israélien ». Néanmoins, la Seconde Intifada fut principalement dirigée par la faction du Fatah menée par Marouan Barghouti, qui n’obéissait à aucun ordre d’Arafat.
Des attentats-suicides visant la population civile furent perpétrés en Israël. Human Rights Watch déclara ne pas avoir trouvé de preuves de l’implication d’Arafat ou de l’Autorité palestinienne dans la mise en œuvre de ces attaques, mais souligna leur « degré de responsabilité politique élevé » pour ne pas avoir poursuivi les organisateurs ou pris de mesures préventives.
Le sommet de Taba, en janvier 2001, échoua, notamment parce qu’Arafat refusa les propositions de Bill Clinton de renoncer au droit au retour des réfugiés en échange du statut de Jérusalem comme capitale partagée. Son garde du corps rapporta qu’Arafat craignait d’être tué par son propre peuple s’il acceptait.
En février 2001, Ariel Sharon fut élu Premier ministre d’Israël et refusa de poursuivre les négociations avec Arafat, le jugeant inapte à être un interlocuteur valable.
L’Isolement à la Mouqata’a
Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et la « guerre contre le terrorisme » qui s’ensuivit marginalisèrent Arafat.
Considéré par Israël comme responsable de la Seconde Intifada et boycotté par le gouvernement américain, Yasser Arafat passa les dernières années de sa vie enfermé dans la Mouqata’a (son quartier général de Ramallah), encerclé par les forces israéliennes. Il perdit toute prise sur les événements, tout en conservant le contrôle de l’Autorité palestinienne et de l’OLP.
George W. Bush refusa de le recevoir et le qualifia d’inapte à gouverner, appelant les Palestiniens à élire de « nouveaux dirigeants qui ne soient pas compromis dans le terrorisme ». Arafat était considéré comme « diabolisé » et « infréquentable ».
En 2002, l’« Affaire du Karine A » (un bateau transportant 50 tonnes d’armement arraisonné par l’armée israélienne) fut utilisée pour impliquer directement Arafat, bien que certains officiels américains aient suggéré que la cargaison était destinée au Hezbollah plutôt qu’à l’Autorité palestinienne.
Sous la pression des Occidentaux (notamment les Américains), un poste de Premier ministre fut imposé à Arafat, dans le but de contourner son leadership. En février 2003, il nomma Mahmoud Abbas à ce poste.
Un bras de fer éclata rapidement entre Arafat et Abbas concernant la feuille de route pour la paix et le contrôle des forces de sécurité. Arafat refusa de conférer des pouvoirs essentiels à Abbas, ce qui limita sa capacité d’agir. Mahmoud Abbas démissionna en septembre 2003.
En 2003, des membres du gouvernement Sharon proposèrent publiquement de l’« éliminer ». En 2004, Ariel Sharon déclara qu’Arafat n’avait « aucune assurance » sur la vie. Le journaliste Uri Dan rapporta une conversation où Sharon, informant Bush qu’il ne se sentait plus tenu par sa promesse de ne pas attenter à la vie d’Arafat, aurait répondu à Bush (qui disait qu’il fallait laisser son destin entre les mains de Dieu) que « parfois, Dieu a besoin d’une aide ».
L’activiste israélien pro-palestinien Uri Avnery se rendit à la Mouqata’a, prêt à servir de bouclier humain pour protéger Arafat.
Hospitalisation et Décès à Clamart
En octobre 2004, Arafat se plaignit de douleurs à l’estomac. Sa santé se dégrada rapidement après une première intervention chirurgicale. Le 29 octobre 2004, il quitta Ramallah pour la France à bord d’un avion médicalisé.
Yasser Arafat est mort le 11 novembre 2004 à 3 h 30, heure de Paris, à l’hôpital d’instruction des armées Percy à Clamart (Hauts-de-Seine).
Après des hommages officiels en France et une cérémonie officielle au Caire, Yasser Arafat fut inhumé le 12 novembre dans la Mouqata’a, son dernier quartier général à Ramallah, en Cisjordanie. Le gouvernement israélien avait refusé qu’il soit enterré à Jérusalem, son souhait exprimé à plusieurs reprises. Une foule de près de 100 000 personnes accueillit sa dépouille à Ramallah.
À sa mort, Mahmoud Abbas fut nommé chef de l’OLP, Farouk Kaddoumi fut élu chef du Fatah, et Ahmed Qoreï fut maintenu comme chef du gouvernement.
Les Mystères de sa Mort : Enquêtes et Contradictions 🧪
Huit ans après son décès, une information judiciaire fut ouverte en août 2012 par le parquet de Nanterre, suite aux soupçons d’empoisonnement. Ces soupçons furent relancés par la découverte de polonium 210, une substance radioactive hautement toxique, sur des effets personnels de l’ancien dirigeant.
La veuve d’Arafat, Souha, déposa plainte contre X pour assassinat. En novembre 2012, elle obtint l’exhumation de la dépouille, et une soixantaine d’échantillons furent prélevés et adressés à trois équipes d’experts : suisse, française et russe.
Les Conclusions des Experts Suisses
En octobre 2013, la revue The Lancet publia les premiers résultats de l’équipe suisse. Ils conclurent que leurs analyses conduisaient à envisager « la possibilité » d’un scénario d’empoisonnement. Ils établirent la présence de « radio-activité élevée » due au polonium 210. Ils soulignèrent que cette découverte était cohérente avec les symptômes cliniques observés lors de l’hospitalisation (nausées, vomissements, fatigue, diarrhée, anorexie, puis défaillances hépatiques et rénales).
Le directeur du Centre universitaire romand de médecine légale, Patrice Mangin, indiquait que l’on pouvait « raisonnablement » supposer que la mort était la « conséquence d’un empoisonnement au polonium 210 », jugeant cette hypothèse comme la « plus cohérente ». Cependant, le CHUV admit plus tard, dans un article scientifique de 2015, que leur analyse ne permettait pas de trouver des preuves directes de l’empoisonnement, mais que toutes leurs observations étaient plus cohérentes avec l’hypothèse de l’empoisonnement au polonium qu’avec l’hypothèse alternative.
Les Conclusions des Équipes Française et Russe
Les experts russes, ayant eu accès au dossier, ont déclaré en décembre 2013 qu’ils excluaient tout empoisonnement au polonium et ont conclu à une mort naturelle.
L’équipe française parvint à une conclusion similaire : Yasser Arafat est mort de vieillesse, suite à une infection généralisée. Le professeur Marcel-Francis Kahn, qui avait eu accès au dossier médical, nota que bien que des traces de polonium soient présentes, le tableau clinique (comme le fait qu’Arafat ait gardé ses cheveux jusqu’au bout et l’absence de leucopénie) ne correspondait pas à un empoisonnement par ce radionucléide.
En 2015, le parquet de Nanterre classa l’enquête sans suite. La justice française confirma ce non-lieu en 2016. En 2021, la Cour européenne des droits de l’homme rejeta une requête de la veuve et de la fille d’Arafat, jugeant que « l’enquête conduite par la justice française avait été sérieuse ».
Néanmoins, le journaliste israélien Ronen Bergman confirma le désir de Sharon d’assassiner Arafat, notant que sa mort était survenue au « bon moment ».
Héritage et Regards Croisés sur Arafat 👀
Perception en Israël : de l’Ennemi au Partenaire
Yasser Arafat fut souvent considéré par Israël comme l’ennemi numéro un, qualifié de « chef terroriste » et de « menteur congénital », voire de « réincarnation d’Hitler ». Les Israéliens commencèrent à lui prêter attention après 1965, lorsqu’il s’engagea dans la lutte armée. Il devint une cible après la bataille de Karameh. Golda Meir adopta une position tranchée : « Yasser Arafat est le chef d’une bande d’assassins ».
Après le départ d’Arafat de Beyrouth, des députés de la gauche israélienne commencèrent à le rencontrer, bien qu’une loi en 1986 interdisait aux Israéliens de rencontrer des membres de l’OLP.
Son soutien à Saddam Hussein en 1991 fut perçu par les Israéliens comme une alliance avec l’homme qui bombardait leur pays de missiles Scud.
Suite aux Accords d’Oslo, la gauche israélienne adopta une position plus souple. Shimon Peres, qui partagea le Prix Nobel avec lui, déclara qu’Arafat avait commis sa plus grande erreur en se tournant vers le terrorisme, et ses plus grands succès en se tournant vers la paix.
Après le 11 septembre 2001, Ariel Sharon le compara à Oussama Ben Laden : « Nous aussi avons notre ben Laden : Arafat ». Les relations se dégradèrent, et Sharon refusa de le rencontrer.
Pour la majorité des Américains et des Israéliens, Arafat fut le principal responsable de l’échec des sommets de Camp David II et de Taba, pour avoir refusé ce qu’ils considéraient comme des offres généreuses. Après le déclenchement de la Seconde Intifada, il redevint, pour la plupart des Israéliens, un « assassin ».
Les Relations Complexes avec le Monde Arabe
Les dirigeants arabes ont eu des relations difficiles, complexes et ambivalentes avec Arafat, cherchant souvent à instrumentaliser la cause palestinienne pour étendre leur propre influence régionale. L’émergence d’une direction palestinienne autonome et incontrôlable perturbaient leurs plans.
Nasser, qui fut d’abord opposé à Arafat et l’emprisonna à plusieurs reprises, finit par devenir son allié. Hafez El-Assad, qui emprisonna Arafat en 1966, chercha constamment à affaiblir et à contrôler l’OLP, allant jusqu’à susciter des scissions et à intervenir militairement contre lui au Liban.
Le roi Hussein de Jordanie se méfiait d’Arafat, car les bases du Fatah constituaient un « État dans l’État », et les attaques israéliennes en représailles frappaient les villages jordaniens. Cette méfiance conduisit au Septembre noir. Anouar el-Sadate, premier chef d’État arabe à signer un traité de paix avec Israël, interrompit les contacts avec l’OLP, qui ne reprirent qu’après son assassinat.
Dans la « rue arabe », la popularité d’Arafat explosa après la Guerre des Six Jours, car ses combattants étaient considérés comme sauvant l’honneur des Arabes vaincus. Ils le surnommaient al-Khityar (le Vieux) par respect. Son retour triomphal à Gaza en 1994 fut accueilli par des millions de Palestiniens.
Son image se dégrada ensuite en raison du blocage du processus de paix, de la corruption et des fausses promesses, mais son siège à Ramallah augmenta sa popularité, faisant de lui une icône après sa mort.
Le Regard des Diplomates et la Figure du « Renard Rusé »
De nombreux diplomates ont relevé qu’Arafat transformait régulièrement les défaites en victoires pour maintenir le moral palestinien.
Dennis Ross, négociateur américain, le décrivait comme un acteur et un manipulateur ayant commis des erreurs catastrophiques, notant qu’Arafat niait systématiquement sa responsabilité dans les échecs. Terje Roed-Larsen, diplomate, le qualifiait de « guignol » qui « mentait tout le temps ».
Le journaliste et diplomate français Eric Rouleau considérait Arafat comme un fin stratège malgré ses faux-pas, mais reconnaissait sa versatilité, son double langage, ses demi-vérités et ses silences agaçants. Rouleau notait qu’Arafat niait systématiquement toute responsabilité, attribuant les échecs aux autres.
Bien qu’apparaissant comme charismatique et chaleureux, manifestant un « souci de plaire à tout prix » et agissant comme une « sorte de Machiavel sentimental », son gouvernement était centralisé et il dirigeait d’une main de fer.
Arafat était un musulman convaincu, utilisant des citations coraniques dans ses discours pour séduire une large audience islamique. Il était convaincu que la stabilité du Moyen-Orient dépendait de lui.
Apparence Publique et Symbolisme (Keffieh et Tenue Militaire)
Yasser Arafat adopta l’uniforme militaire et la barbe à la Che Guevara sur les conseils du KGB et des services secrets roumains, afin d’apparaître comme un soldat et non comme un terroriste.
Il portait le keffieh, coiffe arabe traditionnelle et symbole palestinien. Il le drapait sur son épaule droite de manière à ce qu’il symbolise la forme de la Palestine.
Son style de discours variait en fonction de son auditoire. Devant une audience européenne, il parlait de paix, tandis que devant une audience arabe, il évoquait la bataille, la conquête et le sacrifice d’« un million de shuhada » [martyrs] pour la rédemption de la Palestine. Ses conversations étaient souvent remplies de longues tirades qui n’aboutissaient à aucune réponse concrète, agaçant parfois ses interlocuteurs par leur vacuité.
Malgré son accent égyptien persistant, Arafat devint le symbole du mouvement nationaliste palestinien dans la culture populaire.
🎯 Un Symbole Durable : Yasser Arafat, par son mélange unique d’activisme révolutionnaire et de diplomatie de haut vol, est un peu comme une boussole cassée : il ne montrait pas toujours le nord, mais il orientait invariablement la direction du voyage politique de tout un peuple. Il est resté le point de ralliement, le père (Raïs), dont les défauts et les stratégies ambivalentes étaient tolérés parce qu’il symbolisait, à lui seul, l’espoir d’une nation en quête d’existence.
