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L’HISTOIRE SECRÈTE CACHÉE DANS LES HIÉROGLYPHES: CE QUE CHAMPOLLION N’A PAS EU LE TEMPS DE RÉVÉLER AU MONDE :
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Jean-François Champollion : L’Architecte du Démêlé des Hiéroglyphes Égyptiens 📜✨
Introduction : L’Égyptologie Dévoilée par un Génie
Jean-François Champollion, surnommé Champollion le Jeune, est une figure emblématique de l’histoire intellectuelle française, dont les travaux ont révolutionné notre compréhension de l’Égypte ancienne. Né le 23 décembre 1790 à Figeac, dans le Lot, et décédé le 4 mars 1832 à Paris, ce linguiste, historien et égyptologue français est universellement reconnu pour avoir déchiffré les hiéroglyphes égyptiens, un exploit monumental qui a véritablement ouvert la voie à l’égyptologie moderne. Son parcours, jalonné de défis personnels et académiques, est celui d’une détermination inébranlable à percer les mystères d’une civilisation millénaire, faisant de lui une icône de la découverte scientifique.
Avant Champollion, les textes inscrits sur les monuments égyptiens restaient un livre fermé, des symboles énigmatiques que des générations de savants avaient vainement tenté d’interpréter. Grâce à son génie, sa persévérance et sa maîtrise exceptionnelle des langues anciennes, il a non seulement rendu intelligible une écriture oubliée depuis des siècles, mais il a également permis de replacer l’Égypte dans son histoire authentique, en donnant une voix à ses pharaons et à son peuple. Cet article explore la vie fascinante et les contributions inestimables de cet homme extraordinaire, depuis ses humbles débuts jusqu’à sa consécration en tant que père de l’égyptologie.
I. Les Racines d’un Passionné : Jeunesse et Influences Fondatrices 🌳
Le destin de Jean-François Champollion, celui de déchiffreur des secrets de l’Égypte, s’enracine profondément dans son enfance et les influences marquantes de sa famille, en particulier celle de son frère aîné, Jacques-Joseph.
A. Origines Familiales et Naissance à Figeac
La famille paternelle de Jean-François est originaire du Valbonnais, un village de l’Isère nommé Valjouffrey. Ces ancêtres étaient des paysans qui, pendant les hivers rigoureux, parcouraient les régions en tant que colporteurs. Ses grands-parents, Barthélemy Champollion, né en 1694 et illettré, et Marie Géréoud ou Géroux, née en 1709, se sont mariés à Valbonnais en 1727 et ont eu cinq enfants.
L’un d’eux, Jacques, né en 1744, a dû quitter son hameau natal, peut-être pour des raisons politiques, et a également parcouru la France comme colporteur avant de s’établir à Figeac. Il y fut probablement invité par un cousin, chanoine de la basilique Saint-Sauveur. En 1773, Jacques épousa Jeanne-Françoise Gualieu, issue d’une famille bourgeoise de Figeac, et acquit une maison en 1772, puis une boutique de libraire et une nouvelle maison qui deviendra le musée Champollion en 1779. De cette union naquirent sept enfants, dont Jean-François, le dernier, en 1790.
Une anecdote singulière entoure la naissance de Jean-François : sa mère, alors âgée de quarante-huit ans et souffrant de rhumatisme, aurait été guérie par un paysan qui lui aurait promis la naissance d’un fils. Un an plus tard, Jean-François naît à Figeac le 23 décembre 1790 et est baptisé le soir même. Cette période est marquée par la Révolution française, et son père est réputé proche des idées jacobines, bien que son rôle de secrétaire de police soit incertain.
B. Une Éducation Guidée par Son Frère Jacques-Joseph
Jean-François, ou « le Jeune », est élevé principalement par son frère aîné, Jacques-Joseph. Cependant, Jacques-Joseph quitte Figeac pour Grenoble en juillet 1798. Jean-François intègre l’école en novembre de la même année. Enfant, il rencontre de grandes difficultés en mathématiques et en orthographe, cette dernière ne s’améliorant que bien plus tard. Son caractère réputé difficile lui cause également de nombreux tracas. Il bénéficie néanmoins d’un précepteur, l’abbé Jean-Joseph Calmels, qui l’initie à la culture et lui enseigne les rudiments de latin, de grec ancien et d’histoire naturelle. Malgré la distance, son grand frère continue de veiller sur son éducation par une abondante correspondance.
En mars 1801, Jean-François quitte Figeac pour rejoindre son frère Jacques-Joseph à Grenoble, qui prend alors la direction de son éducation. Jacques-Joseph lui donne lui-même des cours, mais la tâche s’avère trop lourde. Il confie alors Jean-François à l’abbé Dussert, pédagogue renommé de Grenoble, de novembre 1802 aux vacances d’été 1804. L’abbé lui enseigne le latin et le grec, tandis qu’il commence l’étude de l’hébreu et acquiert des notions d’arabe, de syriaque et de « chaldéen » (araméen biblique). Son frère, grand admirateur de l’Orient, lui transmet son goût pour l’archéologie, suscitant chez le jeune Champollion un réel enthousiasme pour ces études.
C. La Naissance d’une Vocation Égyptienne 🇪🇬
En mars 1804, après avoir réussi brillamment le concours d’entrée, Jean-François intègre le Lycée impérial de Grenoble, qu’il fréquente jusqu’en août 1807, année du décès de sa mère. Parmi ses maîtres figurent l’abbé Claude-Marie Gattel, qui l’accompagne dans son apprentissage linguistique, et le botaniste Dominique Villars. La discipline rigoureuse du lycée le rend malheureux, malgré ses fonctions de « caporal » (surveillant d’élèves), et il est gêné par les faibles moyens de son frère, à qui il doit tout demander.
Les échanges fréquents avec son frère Jacques-Joseph, alors secrétaire de l’Académie delphinale, placent l’Égypte au cœur de leurs préoccupations. En juin 1804, Jacques-Joseph présente à l’Académie une communication sur les inscriptions de la Pierre de Rosette – une stèle bilingue (grec, démotique, hiéroglyphes) découverte en 1799. Il publie ensuite une « Lettre sur une inscription grecque du temple de Denderah ».
C’est à cette période que se multiplient les rencontres déterminantes. En juin 1805, par l’intermédiaire du préfet Joseph Fourier, il rencontre Dom Raphaël de Monachis, un moine melchite proche de Bonaparte, qui a participé à l’expédition d’Égypte. Il est probable que ce dernier lui démontre le lien entre le copte et l’égyptien ancien, éveillant chez Champollion le désir ardent d’étudier cette langue. Grenoble offrant peu de ressources pour cette étude, il ne peut s’y engager immédiatement.
Sa passion pour les hiéroglyphes égyptiens prend racine, notamment grâce à la lecture de l’ouvrage de Bernard de Montfaucon, « L’Antiquité expliquée et représentée en figures » (1719), qui s’avérera d’une aide précieuse pour ses futurs travaux de traduction.
En janvier 1806, il exprime clairement sa vocation dans une lettre à ses parents : « Je veux faire de cette antique nation une étude approfondie et continuelle. L’enthousiasme où la description de leurs monuments énormes m’a porté, l’admiration dont m’ont rempli leur puissance et leurs connaissances, vont s’accroître par les nouvelles notions que j’acquérrai. De tous les peuples que j’aime le mieux, je vous avouerai qu’aucun ne balance les Égyptiens dans mon cœur. ».
Ses premiers travaux académiques attestent de cette orientation. En mai 1806, il présente des « Remarques sur la fable des Géants d’après les étymologies hébraïques ». Il rédige également plusieurs opuscules, dont un « Dictionnaire géographique de l’Orient » et un « Commentaire sur Isaïe ». Désireux de poursuivre des études plus spécialisées, les possibilités étant limitées à Grenoble, il exprime le souhait de partir pour Paris. Son frère se rend alors dans la capitale d’août à septembre 1806 pour tenter d’obtenir son admission dans un établissement spécialisé.
Le 1er septembre 1807, alors qu’il vient de quitter le lycée, Jean-François Champollion, fort de ses connaissances en langues orientales, présente à l’Académie des sciences et des Arts de Grenoble un « Essai de description géographique de l’Égypte avant la conquête de Cambyse ». Cette prestation impressionne et intéresse à tel point que six mois plus tard, il est élu membre correspondant de cette académie. Le maire de Grenoble, Charles Renauldon, lui annonce la nouvelle en des termes qui soulignent l’espoir placé en lui : « En vous nommant un de ses membres malgré votre jeunesse, l’Académie a compté sur ce que vous avez fait, elle compte encore plus sur ce que vous pouvez faire. Elle aime à croire que vous justifierez ses espérances et si un jour vos travaux vous font un nom, vous vous souviendrez que vous avez reçu d’elle les premiers encouragements ».
Après le mariage de son frère Jacques-Joseph avec Zoé Berriat en juillet 1807, Jean-François fait de fréquents séjours au domaine des Ombrages à Vif, propriété des Berriat, un lieu de calme propice au travail et au repos familial. Ce domaine deviendra plus tard le Musée Champollion de Vif.
II. L’Éclosion Intellectuelle à Paris et les Premières Percées 🧠
L’arrivée de Jean-François Champollion à Paris marque le début d’une période d’intense apprentissage et de premières découvertes cruciales dans sa quête du déchiffrement.
A. Un Étudiant Passionné dans la Capitale
Le 13 septembre 1807, après soixante-dix heures de voyage en diligence, Jean-François arrive enfin à Paris. Son objectif est d’approfondir ses connaissances en langues, notamment le copte et l’amharique. Malgré l’obtention d’une bourse, ses moyens sont limités, et son frère doit subvenir à ses besoins en payant sa chambre et sa nourriture.
Il suit assidûment les cours de langues orientales au Collège de France, notamment ceux d’arabe dispensés par Antoine-Isaac Silvestre de Sacy, de persan par Louis Langlès et d’hébreu par Prosper Audran. Il fréquente également l’École des langues orientales pour les mêmes matières et la Bibliothèque impériale. Il tisse des liens précieux, notamment avec Aubin Louis Millin, conservateur du cabinet des antiques, qui l’initie à la numismatique. Prosper Audran, impressionné par son talent, lui confie même ses cours au Collège de France lors de ses absences. C’est aussi grâce à Dom Raphaël de Monachis qu’il rencontre un prêtre égyptien, Geha Cheftitchi, qui lui enseigne le copte, une étape fondamentale. Sa maîtrise des langues est telle qu’en décembre, un homme nommé Id Saouda le prend pour un Arabe.
Son emploi du temps, tel qu’il le décrit à son frère le 27 décembre 1807, témoigne de son engagement total : « Le lundi, à huit heures et quart, je pars pour le Collège de France, où j’arrive à neuf heures : tu sais qu’il y a beaucoup de chemin : c’est place Cambrai près le Panthéon. À neuf heures, je suis le cours de persan de M. de Sacy, jusqu’à dix. En sortant du cours de persan, comme celui d’hébreu, de syriaque et de chaldéen se fait à midi, je vais de suite chez M. Audran, qui m’a proposé de me garder chez lui les lundis, mercredis et vendredis, depuis dix heures jusqu’à midi. Il reste dans l’intérieur du Collège de France. Nous passons ces deux heures à causer langues orientales, à traduire de l’hébreu, du syriaque, du chaldéen ou de l’arabe. Nous consacrons toujours une demi-heure à travailler à sa « Grammaire chaldéenne et syriaque ». À midi, nous descendons et il fait son cours d’hébreu. Il m’appelle le « patriarche de la classe », parce que je suis le plus fort. En sortant de ce cours, à une heure, je traverse tout Paris, et je vais à l’École spéciale suivre à deux heures le cours de M. Langlès, qui me donne des soins particuliers. Le mardi je vais au cours de M. de Sacy à une heure à l’École spéciale. Le mercredi je vais au Collège de France à neuf heures. À dix heures je monte chez M. Audran. À midi, je vais à son cours. À une heure, je vais à l’École spéciale pour (deux heures) le cours de M. Langlès ; et le soir, à cinq heures je suis celui de Dom Raphaël, qui nous fait traduire les fables de La Fontaine en arabe. Le jeudi à une heure, le cours de M. de Sacy. Le vendredi je vais comme le lundi au Collège de France, et chez M. Audran. Le samedi, chez M. Langlès à deux heures. Je voulais aussi suivre le cours de turc chez M. Jaubert qui est excellent ; mais comme cela me fatiguait trop de courir tant, j’ai remis cette fatigue à l’année prochaine. ».
B. Le Déclic Hiéroglyphique et les Premières Intuitions
Un événement de 1808 va catalyser l’orientation de ses études. Sur le chemin du Collège de France, un camarade lui annonce la publication par l’archéologue Alexandre Lenoir d’un « déchiffrement complet » des hiéroglyphes égyptiens. Bien que cette publication se révèle fantaisiste, elle décide Champollion à consacrer une partie de ses travaux au déchiffrement des hiéroglyphes.
Grâce à l’abbé de Tersan, un collectionneur, il obtient une copie de la Pierre de Rosette. Cependant, il préfère d’abord étudier des papyrus en écritures cursives. En 1808, il fait une découverte importante : le principe des ligatures (regroupement) des signes. S’appuyant sur des analogies avec l’un des dialectes coptes, il postule l’absence de voyelles dans l’écriture égyptienne et, le 15 août 1808, il parvient à ses premières conclusions, comme il l’explique dans une lettre à son frère : « J’ai fait un assez grand pas dans cette étude : 1° j’ai prouvé par des rapprochements que tous les papyrus appartiennent à un même système d’écriture – 2° que j’ai la valeur de toutes les lettres par l’inscription de Rosette qu’elles sont absolument les mêmes – 3° que j’ai déchiffré le commencement du papyrus gravé dans Denon, planche 138 […] qui en copte veut dire mot pour mot : « Dis : repose en paix, ô Égyptien, remplis ta dernière destination, échappe aux Ténèbres du tombeau et de la mort. » ».
Malgré ces avancées, il se laisse un temps distraire par l’histoire étrusque, écrivant : « Les Étrusques m’occupent en ce moment, langue, médailles, pierres gravées, monuments, sarcophages, tout se grave dans ma tête ; et pourquoi ? Parce que les Étrusques viennent de l’Égypte. ». Mais son frère le rappelle à l’ordre : « Étudie donc une chose au lieu de divaguer sur tous les coins du monde et d’effleurer la matière ». Il reprend alors ses études égyptiennes, craignant qu’Étienne Quatremère ne déchiffre les hiéroglyphes avant lui, dont les « Recherches critiques et historiques sur la langue égyptienne » sont publiées en juin 1809.
Au printemps 1809, il commence à rédiger une grammaire copte et étudie le texte démotique de la Pierre de Rosette. Il décide de faire « table rase » des précédentes tentatives de déchiffrement, considérant que les explications des membres de la Commission d’Égypte n’étaient que de l’« eau de boudin ». Il lance de vives critiques contre d’autres chercheurs, déclarant : « Tout ce qu’ont dit sur les obélisques les Kircher, Jablonsky, Warburton, etc., ne sert qu’à y prouver qu’on n’y entend rien et qu’on n’y entendra jamais rien ». Durant l’été 1809, il entreprend une grammaire du « langage thébain-sahidique », celui de la communauté copte de la région de Saïd.
Sa lettre à son frère, en mars ou avril 1809, illustre son immersion totale dans cette langue : « Je me livre entièrement au kopte. […] Je veux savoir l’égyptien comme mon français parce que sur cette langue sera basé mon grand travail sur les papyrus égyptiens. […] Je ne fais que du kopte, égyptien. […] J’ai fait 1) une grammaire thébaine saïdique (la seule qui existe). 2) une memphitique. 3) la concordance des deux dialectes. 4) J’ai transcrit la grammaire saïdique en arabe, d’un manuscrit copte. 5) J’ai copié les textes. 6) J’ai fait la lettre « A » d’un dictionnaire saïdique. 7) J’ai parachevé sept lettres d’un dictionnaire memphitique par racines. ».
Après avoir étudié la Bible, il critique également « les juifs ignorants et superstitieux qui veulent soutenir que le bon père Abraham et les prêtres hébreux ont appris les quatre règles de l’arithmétique et tous les arts aux Égyptiens ». Il continue ses efforts pour déchiffrer le texte démotique de la Pierre de Rosette, mais rencontre de nombreux obstacles. Une lettre à son frère du 17 juin 1809 en témoigne : « La tentative sur le texte égyptien n’a produit aucun résultat… Les noms propres que j’ai lus comme Äkerblad (quoique différent sur la manière de dégrouper les lettres simples) ne sont point en exacte concordance avec le texte grec… Ainsi la marche que tu m’as indiquée n’est point praticable, puisqu’elle est basée sur l’entière conformité des textes grec et égyptien… ».
Côté vie personnelle, il entretient deux relations importantes durant cette période : avec Pauline Berriat, sœur de la femme de son frère, d’octobre 1807 à l’automne 1808, puis avec Louise Deschamps, épouse d’un fonctionnaire plus âgé, de l’automne 1808 jusqu’à son retour à Grenoble en 1809.
III. Le Professeur et ses Théories Révolutionnaires à Grenoble 🧑🏫
Le retour de Champollion à Grenoble marque une nouvelle étape dans sa carrière, où il concilie son enseignement avec l’approfondissement de ses recherches égyptologiques, affinant ses théories sur l’écriture des pharaons.
A. Une Chaire d’Histoire et un Engagement Intellectuel
En juillet 1809, à seulement dix-huit ans, Jean-François est nommé professeur adjoint d’histoire à l’université de Grenoble. Cette nomination est rendue possible grâce à l’influence de Louis de Fontanes, grand maître de l’Université impériale, et à celle de son frère, professeur de grec et bibliothécaire adjoint de la ville. Il prend ses fonctions à Grenoble le 15 octobre 1809. L’année suivante, les deux frères Champollion sont tous deux nommés docteurs ès lettres par décret impérial, un diplôme correspondant à la charge de professeur.
Le 30 mai 1810, il prononce la leçon inaugurale de son cours, une occasion qu’il saisit pour dénoncer la complaisance des historiens face à l’autorité : « la tendance naturelle qui vient à l’esprit de l’homme est de juger les événements d’après leurs résultats [menant] à faire l’éloge d’une coupable entreprise […] couronnée par le succès. […] Cette manière d’apprécier les faits est une suite naturelle de cette lâche et criminelle complaisance née de l’oubli des principes, qui trouvent la justice là où elle voit le triomphe. Cette servilité est de tous les temps et de tous les lieux… ».
Les frères Champollion s’investissent également activement dans la bibliothèque de la ville, dont Jacques-Joseph est le bibliothécaire, et contribuent aux « Annales du département de l’Isère », où Jean-François publie des articles sur l’Antiquité. Ils fréquentent Joseph Fourier et animent les soirées de l’hôtel de Lesdiguières, au côté de personnalités grenobloises influentes. De 1812 à 1815, puis de 1818 à 1821, Jean-François occupe la fonction de professeur d’histoire à l’université de Grenoble, marquant ainsi une période de stabilité académique relative.
B. L’Écriture Égyptienne : Phonogrammes et Idéogrammes
Jean-François continue ses travaux égyptologiques, bénéficiant du soutien de l’abbé Claude-Marie Gattel, qui fut le premier à soutenir, dès 1801, que les hiéroglyphes possédaient un « alphabet ». Le 7 août 1810, lors d’une communication à l’Académie delphinale intitulée « L’Écriture des Égyptiens », il avance des idées fondamentales. Il décrète que le démotique est une simplification des hiéroglyphes. À partir de cette prémisse, il prouve que le démotique est une écriture alphabétique de vingt-cinq lettres. Quant aux hiéroglyphes, il les décrit comme une écriture capable d’exprimer soit des sons ou des syllabes (des phonogrammes), soit des « symboles » ou des idées (des idéogrammes). Il précise ensuite que « tous les monosyllabes avaient une valeur déterminée », signifiant qu’un signe correspondait à un son précis. Se basant sur ce postulat et sur l’antériorité du démotique sur les autres écritures, il propose alors une hypothèse sur les quatre écritures égyptiennes, qui se révélera erronée : « Il en résulte de ce que nous avons dit que des quatre écritures des Égyptiens, l’une servait aux usages vulgaires et était employée dans le commerce, la seconde, hiérogrammatique, servait à écrire les liturgies […] et était entendue par la classe instruite du peuple ainsi que la hiéroglyphique qui n’était à proprement parler que l’écriture des monuments. La véritable écriture sacerdotale qui n’était comprise que par les prêtres, était la symbolique dont ils ne communiquaient la pratique qu’aux initiés et aux premières classes de l’État. ».
Il se trouve alors en concurrence avec Étienne Quatremère, qui s’apprête à publier un « Mémoire historique et géographique sur l’Égypte », s’opposant à l’ouvrage « Égypte sous les pharaons » que Champollion est en train de préparer. Pour contrer Quatremère, il publie la préface de son propre ouvrage le 1er mars 1811. Bien que cette publication ait lieu après celle de son concurrent, elle rencontre un vif succès, notamment auprès d’Edme François Jomard, directeur de la « Description de l’Égypte ».
Il continue ses travaux de déchiffrement et écrit à son ami Antoine-Jean Saint-Martin, le 15 octobre 1812, concernant l’avancement de ses recherches : « Ma grammaire égyptienne n’est point encore rédigée mais le plan est complet. […] J’ai tellement analysé la langue copte ou égyptienne que je me fais fort d’enseigner la grammaire à quelqu’un dans un seul jour. […] Je commencerai par prouver que les mots de deux syllabes sont des mots composés de deux autres. Cette analyse complète de la langue égyptienne me donne incontestablement le fond du système hiéroglyphique et je le prouverai. ».
Cinq mois plus tard, après avoir méticuleusement compté le nombre de signes sur la Pierre de Rosette (486 mots grecs pour 1 519 hiéroglyphes), il formule une idée novatrice : les signes peuvent être à la fois des idéogrammes (exprimant une idée) et des phonogrammes (exprimant un son, notamment pour la transcription de noms étrangers). Il explicite cette théorie en affirmant qu’il existe « dans les hiéroglyphes […] deux sortes de signes : 1) Six signes alphabétiques 2) Un nombre […] déterminé d’imitations d’objets naturels ».
En 1812, il établit également une chronologie des écritures égyptiennes, postulant que les écritures cursives (hiératique et démotique) sont des versions simplifiées et postérieures aux hiéroglyphes. Une autre de ses découvertes importantes de cette période concerne les vases canopes : en examinant un morceau momifié trouvé dans l’un de ces vases à la bibliothèque de Grenoble, il en déduit qu’ils servaient à conserver les viscères des défunts. Il en conclut également que si ces vases sont surmontés de têtes d’animaux, ils doivent être liés au jugement des âmes.
IV. Entre Troubles Politiques et Persévérance dans l’Exil 🌪️
La vie de Champollion est profondément marquée par les bouleversements politiques de son temps, qui l’éloignent de Grenoble mais ne l’empêchent pas de poursuivre ses recherches essentielles.
A. Les Répercussions des Changements de Régime
Les frères Champollion vivent relativement bien la période de la Première Restauration, Jacques-Joseph recevant même l’ordre du Lys. Jean-François publie son ouvrage « L’Égypte sous les pharaons » en août 1814, qu’il dédicace à Louis XVIII. Sur le plan personnel, il tombe amoureux de Rose dite Rosine Blanc, issue d’une riche famille de gantiers.
Cependant, les Cent-Jours, le bref retour de Napoléon, vont changer la donne. Napoléon, de passage à Grenoble, prend Jacques-Joseph comme secrétaire, ce qui permet à Jean-François d’obtenir l’opportunité de faire imprimer son futur « Dictionnaire de la langue copte » aux frais du gouvernement. Jacques-Joseph suit Napoléon à Paris et reçoit la Légion d’honneur. Pendant ce temps, Jean-François, à la tête des « Annales de l’Isère », soutient le régime dans ses orientations libérales. Son engagement culmine avec un article du 18 juin 1815, où il proclame : « Napoléon est notre seul prince légitime ».
La chute de Napoléon entraîne des conséquences immédiates et sévères pour Jean-François. Son dictionnaire est refusé par l’Académie le 17 juillet 1815. Il est destitué de sa fonction de directeur des « Annales de l’Isère » et placé « sous surveillance immédiate » dès le 28 juillet 1815. La Faculté de lettres de Grenoble est supprimée le 18 janvier 1816. Finalement, en raison de ses opinions politiques, il est contraint de partir en exil à Figeac avec son frère le 18 mars 1816. Le texte mentionne que Champollion, qui fut tantôt bonapartiste, tantôt royaliste et même fervent catholique (comme il le déclara lors de l’« affaire du Zodiaque de Paris »), n’a d’autre choix que l’exil durant cette période de nombreux changements personnels.
B. L’Exil à Figeac et la Poursuite des Recherches
Arrivés à Figeac le 2 avril 1816, les deux frères Champollion s’installent dans la maison de leur père. Malheureusement, leur père est tombé dans l’alcoolisme pendant leur absence, et ses affaires sont en déclin. N’ayant pu emporter aucun de leurs biens de Grenoble, les frères s’ennuient profondément dans leur ville natale. Jacques-Joseph tente en vain d’obtenir leur amnistie. Jean-François, quant à lui, s’amuse dans les salons de Figeac, écrit des poèmes et des satires politiques. Il doit également soutenir son frère, accusé de malversation dans sa charge de bibliothécaire, ce qui lui vaudra d’être destitué.
À partir de juin 1816, les frères s’engagent dans des recherches archéologiques locales, cherchant le site de l’oppidum d’Uxellodunum, qu’ils identifient alors comme l’actuelle Capdenac. Ils introduisent également à Figeac le système d’enseignement primaire de l’École mutuelle de Joseph Lancaster, basé sur le monitorat où les élèves plus âgés enseignent aux plus jeunes. Après leur départ, ils continuent de soutenir cette initiative.
Le 29 novembre 1816, Jacques-Joseph est autorisé à retourner à Grenoble grâce à ses amis parisiens, mais Jean-François doit attendre le 14 janvier 1817 pour obtenir la même autorisation. L’aîné part pour Paris en avril, tandis que le cadet reste à Figeac pour régler les dettes de leur père. Malgré ces contraintes, Jean-François continue son travail sur son dictionnaire copte. En juillet, il fait venir son matériel de déchiffrement, témoignant de sa détermination inébranlable à poursuivre sa tâche intellectuelle malgré les difficultés personnelles et politiques.
V. Le Retour, les Insurrections et la Révélation Finale du Code Égyptien 🗝️
Le parcours de Champollion est celui d’une détermination sans faille, alternant les périodes de recherche intense avec les turbulences politiques, avant d’atteindre le sommet de sa carrière avec le déchiffrement des hiéroglyphes.
A. Un Retour Tumultueux à Grenoble et de Nouvelles Controverses
Jean-François Champollion rentre finalement à Grenoble le 21 octobre 1817, où il est accueilli chaleureusement par ses amis libéraux, le climat de répression s’étant apaisé. Il devient l’« homme de confiance » du préfet François Chopin d’Arnouville. Il prend en charge l’éducation d’Ali, le fils aîné de Jacques-Joseph, âgé de neuf ans, et continue son engagement social en implantant des écoles d’enseignement mutuel à Grenoble et à Vif, malgré l’opposition du clergé local.
Pendant ce temps, son frère Jacques-Joseph se lie d’amitié avec Bon-Joseph Dacier, secrétaire perpétuel de l’Institut de France, mais ne parvient pas à se faire élire membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, dont il est pourtant déjà membre correspondant.
Jean-François, lui, poursuit sans relâche son travail de déchiffreur. Dans une lettre à son frère du 7 avril 1818, il fait le point sur ses avancées, insistant sur la rigueur de sa méthode : « Il n’y a dans mon affaire ni charlatanisme ni mysticité ; tout est le résultat d’une comparaison et non d’un système fait par avance. J’ai déjà retrouvé des articles, la formation des pluriels et quelques conjonctions, mais cela ne suffit point pour déterminer de sitôt le système de cette écriture. ».
Le 18 juin 1818, il réintègre sa fonction de bibliothécaire. Le 24 juillet, il présente à l’Académie delphinale son mémoire « Quelques hiéroglyphes de la Pierre de Rosette », exposant les résultats de ses travaux sur la stèle, mais sans grand succès immédiat. Le 30 décembre 1818, il épouse enfin Rose Blanc à Grenoble, celle qu’il aimait depuis longtemps, malgré l’opposition initiale de son frère.
Le renvoi du Gouvernement Decazes marque un retour des ultras à Grenoble, et Champollion réagit en écrivant, en septembre 1819, une brochure intitulée « Attention ! » contre eux. En 1819, après une observation attentive des rouleaux de papyrus du Livre des Morts, il est convaincu que l’écriture hiératique est une simplification des hiéroglyphes, une avancée cruciale dans sa compréhension de l’évolution des écritures égyptiennes.
Le 20 mars 1821, il prend une part active à une insurrection à Grenoble, où il aurait même, selon la rumeur, remplacé le drapeau blanc du fort Rabot par un drapeau tricolore. Contraint de se cacher un temps au domaine familial des Ombrages à Vif, il échappe à la cour martiale grâce à ses amis et est acquitté par le tribunal local en juin. Cependant, il est chassé de la bibliothèque par le préfet et décide de quitter Grenoble le 11 juillet 1821.
B. Le Déchiffrement des Hiéroglyphes : L’Eureka de l’Égyptologie
Le déchiffrement des hiéroglyphes n’était pas une entreprise sans précédent. Avant Champollion, Ibn Wahshiyya, aux IXe et Xe siècles, avait déjà tenté cette tâche, bien que ses recherches aient été sévèrement critiquées par la suite.
À partir de 1821, Champollion concentre ses efforts sur les cartouches royaux, ces ovales qui encadrent les noms des pharaons. Il déchiffre d’abord celui de Ptolémée V sur la Pierre de Rosette, puis celui de Cléopâtre sur la base d’un obélisque et sur un papyrus bilingue. L’architecte Jean-Nicolas Huyot, un ami, lui envoie alors des reproductions de détails issus des temples d’Abou Simbel, récemment découverts. Dans un de ces cartouches, Champollion repère le signe solaire de Râ (Rê), un autre signe qu’il identifie comme M, et deux S. Il lit alors RâMSS, c’est-à-dire Ramsès, un nom qui signifie par ailleurs « Rê l’a mis au monde ». Par la même méthode, il déchiffre ThôtMS, ou Thoutmôsis.
Ce fut le moment de l’illumination. Le 14 septembre 1822, il s’exclame à son frère : « Je tiens mon affaire ! », avant, selon la légende familiale rapportée par Aimé-Louis, le fils de Jacques-Joseph, de tomber dans « une sorte d’assoupissement ».
Ce déchiffrement monumental marque l’acte de naissance d’une toute nouvelle discipline scientifique : l’égyptologie.
Le 27 septembre 1822, il rend publique sa découverte dans une œuvre majeure : la « Lettre à M. Dacier relative à l’alphabet des hiéroglyphes phonétiques ». Il y révèle la nature complexe de l’écriture égyptienne : « C’est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique, dans un même texte, une même phrase, je dirais presque dans un même mot ». Cette définition est cruciale, car elle dépasse la vision simpliste qui prévalait jusqu’alors et montre que les hiéroglyphes n’étaient pas purement idéographiques, mais combinaient des éléments figuratifs (images directes), symboliques (idées abstraites) et phonétiques (sons).
En 1822, il publie également sa « Lettre à M. le rédacteur de la Revue encyclopédique, relative au zodiaque de Dendérah ». Le zodiaque avait été amené en France en 1821. Dans cet écrit, il remet en question la méthode et la pertinence de la datation avancée par Jean-Baptiste Biot (l’an 716 avant notre ère). Champollion, qui ne cherchait pas lui-même à dater le zodiaque, insiste sur la nécessité de ne pas confondre un objet de culte, à caractère symbolique, avec un objet purement astronomique. Il alerte sur le danger d’interpréter les signes trop rapidement, car certains ne sont qu’un « système d’écriture », un domaine qu’il maîtrise désormais. Enfin, il infirme l’interprétation de Biot concernant quatre étoiles prétendument identifiées.
En 1824, Champollion publie son œuvre capitale, le « Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens », ouvrant ainsi les portes de l’égyptologie scientifique. Malgré l’importance de ses découvertes, elles suscitent des controverses et des critiques de la part de ses contemporains, notamment de son ancien maître Silvestre de Sacy, pour qui les « Hieroglyphica » d’Horapollon restaient la référence absolue, et qui favorise son concurrent Thomas Young en lui communiquant des informations. Cependant, il reçoit également de nombreux soutiens, comme celui de Wilhelm von Humboldt, ou de proches du roi, tels que le duc de Blacas et le vicomte de La Rochefoucauld.
En 1824, sur l’intervention de son frère Jacques-Joseph et la recommandation du duc d’Orléans, Champollion passe plusieurs mois à Turin. Il est chargé d’établir le catalogue de la collection égyptienne de l’aventurier Bernardino Drovetti, ancien consul de France à Alexandrie, récemment acquise par le roi.
Le 1er mars 1824, sa fille, Zoraïde, naît à Grenoble de son union avec Rosine Blanc. Il ne la rencontrera pour la première fois qu’en mai 1824, lors d’un séjour au domaine des Ombrages à Vif.
VI. Consécration et Voyage en Égypte : Le Rêve Réalisé ✨
Le déchiffrement des hiéroglyphes propulse Champollion au rang des plus grands savants de son temps, lui offrant enfin l’opportunité de fouler la terre des pharaons et de valider ses théories.
A. Reconnaissance Officielle et Rôle au Louvre
En 1825, Champollion est nommé chevalier de la Légion d’honneur par le roi Charles X, une reconnaissance officielle de ses contributions. L’année suivante, en 1826, il est nommé conservateur chargé des collections égyptiennes au Musée du Louvre. Ce poste lui donne une influence considérable sur la valorisation du patrimoine égyptien en France. C’est lui qui convainc le roi Charles X d’acquérir la précieuse collection d’Henry Salt, alors consul britannique en Égypte, enrichissant ainsi considérablement les fonds égyptiens du Louvre.
B. La Mission en Égypte : Sur les Traces des Pharaons
De 1828 à 1829, Jean-François Champollion réalise enfin son rêve le plus cher : il part pour une mission scientifique en Égypte. Il est accompagné de son collaborateur et ami, l’italien Ippolito Rosellini. L’objectif principal de cette expédition est de recueillir de nombreuses données et objets sur place, afin de vérifier l’exactitude et la robustesse de son système de déchiffrement des hiéroglyphes.
Au cours de cette mission, il étudie notamment l’obélisque de Louxor et recommande avec succès son échange avec celui d’Alexandrie, offert à la France en 1828. Il vit alors une expérience bouleversante, confronté directement aux monuments antiques qu’il a appris à lire et à comprendre. Il écrit à son frère une phrase éloquente qui exprime à la fois son enthousiasme et le vertige de la découverte : « Jeté depuis six mois au milieu des monuments de l’Égypte, je suis effrayé de ce que j’y lis plus couramment encore que je n’osais l’imaginer. J’ai des résultats (ceci entre nous) extrêmement embarrassants sous une foule de rapports et qu’il faudra tenir sous le boisseau. ». Ces « résultats embarrassants » pourraient faire référence à des découvertes ou des interprétations qui remettaient en question certaines notions établies ou les attributions traditionnelles des monuments, nécessitant une prudence dans leur divulgation.
C. Le Crépuscule d’une Vie Brillante
De retour en France en décembre 1829, Champollion doit subir une quarantaine à Toulon dans un lazaret décrit comme humide et glacé. Cette épreuve aggrave sévèrement sa santé déjà fragile, caractérisée par la goutte, la tuberculose et probablement une bilharziose contractée en Égypte.
Malgré une santé déclinante, la reconnaissance continue de s’accroître. Il est élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres après la chute de Charles X, et obtient la prestigieuse chaire d’Antiquité égyptienne au Collège de France. Il y donne sa leçon inaugurale en 1831, marquant l’institutionnalisation de l’égyptologie comme discipline universitaire.
Cependant, affaibli par la maladie, Jean-François Champollion meurt prématurément à Paris le 4 mars 1832, à l’âge de quarante et un ans. La cause exacte de son décès reste incertaine, mais le choléra, qui frappait Paris en mars de cette année-là, est une hypothèse probable. Conformément à sa volonté, il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (division 18) à Paris, non loin de son ami Joseph Fourier, le préfet qui l’avait soutenu au début de sa carrière.
VII. Un Héritage Immortel : La Postérité de Champollion 🌟
La disparition prématurée de Jean-François Champollion n’a pas éteint la lumière de son œuvre. Au contraire, son héritage s’est perpétué à travers ses publications, les institutions et les hommages qui lui sont rendus, consacrant son rôle de père fondateur de l’égyptologie.
A. Œuvres Maîtresses et Publications Posthumes
Immédiatement après sa mort, la valeur de son travail est reconnue. Dès le 11 mars 1832, le conseil municipal de Figeac délibère pour ériger un monument à sa mémoire. Le 24 avril 1833, des crédits sont votés pour l’acquisition par l’État de ses manuscrits, dessins et livres, assurant la conservation de son précieux fonds de recherche.
L’ensemble de ses publications originales ainsi que plusieurs de ses manuscrits sont conservés notamment à la bibliothèque municipale de Grenoble et aux Archives départementales de l’Isère. Parmi ses œuvres les plus notables, on retrouve :
- 1814 : L’Égypte sous les Pharaons
- 1822 : Lettre à M. Dacier relative à l’alphabet des hiéroglyphes phonétiques
- 1823 : Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l’ancienne Égypte, d’après les monuments
- 1824 : Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens
- 1826 : Lettres à M. le Duc de Blacas d’Aulps
- 1827 : Notice descriptive des monuments égyptiens du musée Charles X
- 1828 : Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens ou Recherches sur les éléments premiers de cette écriture sacrée, sur leurs diverses combinaisons, et sur les rapports de ce système avec les autres méthodes graphiques égyptiennes (seconde édition enrichie)
- 1828-1829 : Lettres écrites d’Égypte et de Nubie
Plusieurs de ses travaux fondamentaux ont été publiés à titre posthume, témoignant de l’ampleur de son labeur :
- 1835-1845 : Monuments de l’Égypte et de la Nubie
- 1836 : Grammaire égyptienne
- 1841 : Dictionnaire égyptien en écriture hiéroglyphique
Ces ouvrages sont devenus les pierres angulaires de l’égyptologie, offrant les outils essentiels pour la compréhension et l’étude des textes antiques égyptiens.
B. Musées et Lieux de Mémoire
L’héritage de Champollion est également célébré à travers plusieurs institutions culturelles.
- Le Musée Champollion de Figeac : Un musée dédié à Jean-François Champollion a été créé dans la maison natale du père de l’égyptologue à Figeac, sa ville natale. Inauguré le 19 décembre 1986 en présence du président François Mitterrand, il a rouvert en 2007 après deux ans de travaux et d’extension. Le musée ne retrace pas seulement la vie et l’œuvre du déchiffreur, mais explore également l’histoire fascinante de l’écriture à travers les civilisations. La Place des Écritures, à Figeac, arbore une reproduction monumentale de la Pierre de Rosette, rappelant l’exploit fondateur de Champollion. L’artiste Pierre di Sciullo y a créé une installation typographique polyglotte, un moucharabieh percé de pictogrammes et d’idéogrammes du monde entier, symbolisant l’universalité de l’écriture.
- Le Musée Champollion de Vif : La Maison Champollion, située à Vif en Isère, est l’ancienne propriété du frère de l’égyptologue, connue sous le nom de « domaine des Ombrages ». Propriété du Conseil départemental de l’Isère depuis 2001, cette demeure familiale permet de découvrir le cadre de vie des frères Champollion, leurs études à Grenoble, le contexte de l’expédition d’Égypte, le processus du déchiffrement des hiéroglyphes, la création du Musée Charles X, ainsi que l’expédition franco-toscane en Égypte. Ouverte temporairement au public en 2004, la maison a été entièrement restructurée et a rouvert ses portes le 5 juin 2021, offrant une immersion plus profonde dans l’intimité et le travail des frères.
C. Hommages Divers et Célébrations Contemporaines
De nombreux hommages ont été rendus à Jean-François Champollion, soulignant son impact durable.
- Son nom a été donné à des lycées, collèges et écoles à Dijon, Figeac, Grenoble, Lattes et Vif, ainsi qu’à des instituts nationaux universitaires à Albi et Rodez.
- Une plaque commémorative orne le 28 rue Mazarine à Paris, où il vécut.
- En 1905, la veuve du sculpteur Bartholdi fait don à la ville de Grenoble de la statue en plâtre de Champollion, haute de deux mètres, qui servit de modèle à la sculpture en marbre du Collège de France à Paris. Après avoir été conservée à l’abri, puis au lycée Champollion à partir des années 1930, cette statue préside depuis 1994 la salle 17 du Musée de Grenoble.
- En 1970, l’Union astronomique internationale a baptisé un cratère lunaire « Champollion » en son honneur, attestant de sa renommée au-delà des disciplines terrestres.
L’année 2022 a marqué le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes, donnant lieu à de nombreuses célébrations :
- La Bibliothèque nationale de France a organisé une exposition intitulée « L’aventure Champollion Dans le secret des hiéroglyphes ».
- La ville de Figeac a orchestré un événement baptisé « Eurêka ! Champollion 2022 », comprenant des conférences, des visites, des rencontres et des expositions.
- Le département de l’Isère a proposé trois expositions temporaires entre septembre et novembre : « Un chantier déchiffré au musée Champollion », « La correspondance dévoilée entre les frères Champollion » aux Archives départementales de l’Isère et « Égyptomanie ! » au Musée dauphinois.
Ces événements témoignent de la vitalité de la mémoire de Champollion et de l’intérêt toujours renouvelé pour son œuvre et son parcours exceptionnel.
Conclusion : L’Héritage Indélébile du Déchiffreur 🌍
Jean-François Champollion, avec son intelligence précoce, sa passion indéfectible et son incroyable détermination, a non seulement résolu l’une des plus grandes énigmes linguistiques de l’histoire, mais il a également offert au monde les clés pour comprendre une civilisation qui avait gardé ses secrets pendant des millénaires. Son déchiffrement des hiéroglyphes en 1822 n’est pas qu’une prouesse intellectuelle ; c’est un acte fondateur qui a transformé une curiosité archéologique en une véritable discipline scientifique, l’égyptologie.
De Figeac à Paris, puis sur les rives du Nil, la vie de Champollion fut une quête inlassable de savoir, marquée par des défis politiques, des controverses académiques et des épreuves personnelles. Pourtant, rien n’a pu détourner cet esprit brillant de son objectif, armé d’une maîtrise exceptionnelle du copte et d’une intuition géniale. Ses travaux ont non seulement permis de lire les inscriptions des monuments et des papyrus, mais aussi de rétablir la chronologie des dynasties, de comprendre les rites funéraires, la mythologie et la vie quotidienne des anciens Égyptiens.
L’héritage de Champollion perdure aujourd’hui, non seulement à travers ses écrits et les musées qui portent son nom, mais surtout par la richesse incommensurable des connaissances que nous avons désormais sur l’Égypte ancienne. Il a ouvert une fenêtre sur un passé lointain, permettant à d’innombrables chercheurs et passionnés de plonger dans l’histoire fascinante de l’une des plus grandes civilisations de l’humanité. Jean-François Champollion reste à jamais le « père de l’égyptologie », l’homme qui a brisé le silence des hiéroglyphes et donné une voix éternelle aux pharaons.
