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Tous ceux qui tombent: Visages du massacre de la Saint-Barthélemy :
La Saint-Barthélemy. Les mystères d’un crime d’État (24 août 1572) :
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Le Massacre de la Saint-Barthélemy : Comprendre une Nuit de Sang et Ses Profondes Répercussions
Le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, une tuerie de masse d’une ampleur sans précédent éclate à Paris, marquant un tournant sanglant dans l’histoire de France. Plusieurs milliers de protestants (huguenots) sont massacrés par des catholiques dans la capitale, un événement qui se propage ensuite dans plus d’une vingtaine de villes françaises durant les semaines et mois suivants. Ce drame, bien plus qu’une simple émeute, est le fruit d’un enchevêtrement complexe de facteurs religieux, politiques et sociaux qui déchirent la noblesse française et mettent le royaume sous une tension extrême. Longtemps attribué à la préméditation du roi Charles IX et de sa mère, Catherine de Médicis, l’historiographie contemporaine nuance aujourd’hui cette vision, explorant les multiples dynamiques et responsabilités qui ont conduit à ce que d’aucuns qualifient de crime d’État.
Cet article propose de plonger au cœur de cet événement majeur des Guerres de Religion, en explorant son contexte, son déroulement, ses répercussions en France et en Europe, et les diverses interprétations que les historiens en ont offertes au fil des siècles.
Les Origines d’une Tragédie : Un Contexte Explosif 💥
Le massacre de la Saint-Barthélemy ne survient pas de manière isolée ; il est l’aboutissement d’une série d’événements et de tensions accumulées.
Les Guerres de Religion et la Paix de Saint-Germain-en-Laye
La France est alors en proie aux Guerres de Religion, des conflits civils qui opposent catholiques et protestants. La troisième de ces guerres, particulièrement meurtrière, s’achève avec la signature de la paix de Saint-Germain-en-Laye le 8 août 1570. Cette paix, censée ramener la concorde, accorde aux protestants une liberté limitée de pratiquer leur culte. Cependant, cette accalmie est fragile. Les catholiques les plus intransigeants ne l’acceptent pas, et le retour des protestants à la cour de France, notamment celui de l’amiral de Coligny, chef du parti protestant, choque profondément. Malgré ces réticences, la reine-mère Catherine de Médicis et son fils, le roi Charles IX, sont déterminés à éviter une reprise de la guerre, conscients des difficultés financières du royaume. Ils œuvrent pour la paix et permettent à Coligny de réintégrer le conseil royal.
Le Mariage Royal : Une Union à Haut Risque 💍
Afin de consolider cette paix précaire entre les deux factions religieuses, Catherine de Médicis met en œuvre un projet audacieux : le mariage de sa fille, Marguerite de Valois, avec le prince protestant Henri de Navarre, futur Henri IV. Ce mariage princier, initialement prévu pour mai 1572, est repoussé au 18 août 1572 après le décès de Jeanne d’Albret, mère d’Henri de Navarre.
Cette union est loin de faire l’unanimité. Elle est rejetée par les intransigeants des deux camps et, surtout, par le pape, qui exige la conversion du fiancé et refuse d’envoyer la dispense de consanguinité. Le pape Grégoire XIII et le roi d’Espagne, Philippe II, condamnent vigoureusement ce projet politique de Catherine de Médicis, le percevant comme une alliance dangereuse avec le protestantisme.
Paris, une Poudrière Anti-Huguenote 🔥
Le mariage, célébré le 18 août 1572, est l’occasion de festivités grandioses. Il rassemble à Paris non seulement les grands du royaume, mais aussi un très grand nombre de gentilshommes protestants venus escorter leur prince. Or, Paris est une ville farouchement anti-huguenote, où les habitants, catholiques extrémistes, n’acceptent absolument pas la présence de ces protestants.
Les prédicateurs, notamment capucins et dominicains, ont longtemps martelé l’idée que le mariage d’une fille de France avec un protestant était une horreur. À cette ferveur religieuse s’ajoute un profond mécontentement populaire : les récoltes ont été mauvaises, la hausse des prix est générale, et le luxe ostentatoire des noces royales ne fait qu’accentuer la colère du peuple parisien. L’état de la ville est quasi-insurrectionnel ; dès décembre 1571, des maisons protestantes avaient déjà été pillées.
Les Tensions à la Cour : Conflits Nobiliaires et Pression Papale
La cour elle-même est sous tension extrême. Catherine de Médicis n’a pas obtenu l’accord du pape pour le mariage, ce qui laisse les prélats français indécis. Il faut toute l’habileté de la reine-mère pour convaincre Charles Ier de Bourbon, archevêque de Rouen et oncle du futur marié, de procéder à l’union.
Par ailleurs, les rivalités entre les grandes familles nobiliaires réapparaissent de manière virulente. La Maison de Guise, catholique, et le clan des Châtillon-Montmorency, composé de catholiques modérés et de protestants, sont en pleine vendetta, un élément central dans l’escalade des violences. Les Guise ne sont pas prêts à laisser leur place aux Montmorency. François, duc de Montmorency et gouverneur de Paris, incapable de contrôler les troubles urbains, préfère quitter la ville quelques jours après le mariage, laissant la situation sans contrôle.
L’Étincelle : L’Attentat Contre l’Amiral de Coligny 🎯
Dans ce climat délétère, un événement vient mettre le feu aux poudres : la tentative d’assassinat de l’amiral Gaspard de Coligny.
L’Amiral Gaspard de Coligny : Une Figure Centrale
Gaspard II de Coligny est le chef respecté du parti protestant. Son retour au conseil royal, où il défend l’idée d’une guerre contre l’Espagne aux Pays-Bas pour consolider l’union des catholiques et protestants français, en fait une figure d’influence et une menace pour certains. Le roi Charles IX aurait même fait de lui son favori, l’appelant familièrement « mon père », ce qui, selon une tradition historiographique, aurait attisé la jalousie de Catherine de Médicis.
Les Circonstances de l’Attentat
Le 22 août 1572, à peine quatre jours après le mariage, un attentat à l’arquebuse est perpétré contre Coligny. L’amiral est visé alors qu’il quitte le Louvre pour se rendre à son hôtel rue Béthizy. Il s’en tire blessé, avec l’index de la main droite arraché et le bras gauche touché. Les soupçons se portent rapidement sur des proches des Guise, et la complicité de Catherine de Médicis est même évoquée, bien que probablement à tort.
L’attentat constitue l’événement déclencheur de la crise, le « premier acte » qui mène au massacre. Il compromet la paix et met la capitale au bord de la guerre civile entre les partisans des Guise et les huguenots. Le roi, venu au chevet de Coligny, promet justice pour rassurer les protestants, qui réclament vengeance.
Les Suspects : Entre Vengeance Guisarde, Intrigue Espagnole et Jalousie Royale
L’historiographie a retenu plusieurs hypothèses concernant l’instigateur de cet attentat, bien qu’il soit aujourd’hui impossible de connaître avec certitude son commanditaire.
La Piste des Guise 🗡️
Les Guise sont considérés comme les suspects les plus probables. Meneurs du parti catholique, leur motif aurait été de venger la mort du duc François de Guise, assassiné neuf ans plus tôt, un crime qu’ils attribuaient à Coligny. Le tir provenait d’une maison appartenant à un de leurs familiers, et des membres éminents de la famille, comme Charles de Guise, cardinal de Lorraine, le duc d’Aumale et la duchesse douairière Antoinette de Bourbon, étaient particulièrement déterminés. Cependant, certains historiens doutent de leur culpabilité, arguant que les Guise étaient trop désireux de regagner les faveurs royales pour commettre une telle imprudence.
L’Ombre de Philippe II d’Espagne 🇪🇸
Une autre hypothèse pointe vers Ferdinand Alvare de Tolède, duc d’Albe, gouverneur des Pays-Bas au nom de Philippe II d’Espagne. Coligny projetait en effet d’intervenir militairement aux Pays-Bas pour les libérer du joug espagnol, ayant même envoyé clandestinement des troupes au secours des protestants de Mons en juin. L’amiral représentait donc une menace directe pour les intérêts espagnols. Pourtant, la correspondance diplomatique de l’époque ne permet pas de prouver l’implication de la couronne espagnole. L’ambassadeur espagnol Don Diégue de Zuniga estimait même que la présence de Coligny aux côtés de Charles IX freinait une guerre ouverte, la couronne française préférant une guerre « couverte » pour ne pas renforcer l’influence de l’amiral.
Le Rôle Présumé de Catherine de Médicis 👑
Selon une tradition tenace, Catherine de Médicis aurait commandité l’attentat par jalousie de l’influence grandissante de Coligny sur son fils, et par crainte que l’amiral n’entraîne le royaume dans une guerre contre l’Espagne. Cependant, la plupart des historiens contemporains peinent à croire en sa culpabilité, au vu de ses efforts pour la paix intérieure et la stabilité de l’État. De plus, l’influence décisive de Coligny sur Charles IX n’est pas avérée.
L’Hypothèse d’un Acte Isolé
Enfin, une dernière hypothèse suggère un acte isolé, commandité ou même commis par un personnage moins important, proche du milieu guisard et pro-espagnol. Le nom de Charles de Louviers, seigneur de Maurevert, est le plus souvent avancé comme l’auteur de l’arquebusade.
La Nuit de Sang : Le Déroulement du Massacre 🩸
L’attentat contre Coligny plonge la cour et la ville dans une situation de crise sans précédent.
Une Crise Imminente : La Peur du Roi et de la Reine Mère
Face aux protestants réclamant justice, le roi promet de les venger. Cette reculade du roi conduit les Guise à feindre de quitter la capitale, laissant Charles IX et Catherine de Médicis dans le plus grand désarroi. Le couple royal craint de se retrouver seul face aux protestants. Depuis la surprise de Meaux en 1567, Catherine de Médicis a toujours eu une grande appréhension à l’égard des protestants, et des protestants viennent bruyamment lui réclamer justice lors de son repas.
Le Conseil Étroit : La Décision Fatale 🗣️
Le soir du 23 août 1572, dans l’urgence de la situation, le roi aurait tenu une réunion cruciale avec ses conseillers, le « conseil étroit ». Autour de la reine mère se trouvent des figures importantes comme le duc d’Anjou, le garde des Sceaux René de Birague, le maréchal de Tavannes, le baron de Retz et le duc de Nevers.
C’est très probablement lors de ce conseil que la décision est prise de procéder à une « justice extraordinaire » : éliminer les chefs militaires protestants. Il est toutefois décidé d’épargner les jeunes princes du sang, notamment Henri de Navarre et le prince de Condé. La certitude de cette décision prise lors de cette réunion est difficile à établir faute de documents. Peu de temps après cette délibération, les autorités municipales de Paris sont convoquées et reçoivent l’ordre de fermer les portes de la ville et d’armer les bourgeois pour prévenir tout soulèvement. Le commandement des opérations militaires est confié au duc de Guise et à son oncle, le duc d’Aumale, avec l’appui de princes intransigeants comme le duc de Nevers, le duc de Montpensier et le bâtard d’Angoulême.
Les Premiers Actes : L’Élimination des Chefs
Faute de sources concordantes, la chronologie exacte des opérations et le moment précis du début de la tuerie restent incertains.
L’Assassinat de Coligny 🔪
Le « commando » du duc de Guise se dirige d’abord vers le logis de l’amiral de Coligny, rue de Béthizy. Coligny est tiré de son lit, achevé, puis défenestré. Son corps, retrouvé plus tard par la foule, sera émasculé, jeté dans la Seine puis pendu au gibet de Montfaucon.
Le Massacre au Louvre et au Faubourg Saint-Germain
Les nobles protestants logés au Louvre sont ensuite évacués du palais et massacrés dans les rues avoisinantes. Parmi les victimes figurent Pardaillan, Saint-Martin, Bources, Armand de Clermont de Piles, Beaudiné, Puy Viaud, Berny, Quellenec et le baron du Pons. Leurs corps sont dénudés, traînés dans les rues puis jetés dans la Seine.
Les troupes de Guise s’attaquent ensuite aux chefs protestants logés dans le faubourg Saint-Germain, alors en dehors de la ville. Cependant, le contretemps causé par la fermeture des portes de la ville et la disparition de leurs clés permet à certains protestants, comme Jacques Nompar de Caumont et Gabriel Ier de Montgommery, d’organiser une riposte et de s’enfuir. Ces assassinats ciblés de chefs protestants constituent le « deuxième acte » du massacre.
La Généralisation : Le Déchaînement Populaire 🎭
Le « troisième acte » du massacre débute au cours de la nuit, et marque un tournant terrifiant : les assassinats ciblés de chefs protestants se transforment en un massacre généralisé de tous les protestants, sans distinction d’âge, de sexe ou de rang social.
Le Tocsin de Saint-Germain-l’Auxerrois
Alertés par le bruit et l’agitation des opérations militaires, les Parisiens les plus exaltés se laissent emporter par la peur et la violence. Attribuant à tort le trouble nocturne aux protestants, ils se mettent à les poursuivre, convaincus d’agir pour la défense de leur ville. C’est dans ce contexte que le tocsin sonne à la cloche de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, proche du Louvre, un signal rapidement repris par d’autres clochers de la ville, déclenchant l’horreur.
La Violence Incontrôlable
La tuerie se prolonge pendant plusieurs jours. Les protestants, enfermés dans une ville quadrillée par la milice bourgeoise, ont peu de chances de survie. Leurs maisons sont pillées, et leurs cadavres dénudés sont jetés dans la Seine. Ceux qui parviennent à se réfugier chez des proches sont traqués, les maisons des catholiques tenus en suspicion sont fouillées. Même les étrangers, notamment les Italiens, sont touchés par le massacre. La floraison inopinée d’une aubépine dans le cimetière des Innocents, au matin du 24 août, est perçue comme un signe divin, renforçant la conviction du peuple dans le bien-fondé de cette « épuration ».
Les Tentatives Vaines de Charles IX
Dès le matin du 24 août 1572, le roi Charles IX ordonne en vain l’arrêt du massacre. Il prend différentes mesures pour tenter de rétablir l’ordre et de protéger la vie des personnes menacées. Le roi envoie notamment le duc de Guise et le duc de Nevers pour protéger les protestants bénéficiant d’un statut ou d’un rang particulier, comme ceux qui s’étaient réfugiés à l’hôtel de l’ambassadeur d’Angleterre Francis Walsingham, assiégé par les Parisiens. D’autres trouvent refuge à l’hôtel de Guise et à l’hôtel de Nemours, où la grand-tante protestante du roi, Renée de France, s’était abritée. Les familiers de la famille royale et les princes et princesses de sang sont mis à l’abri au Louvre.
Malgré ces efforts, la violence populaire est difficile à juguler. Le 26 août, lors d’un lit de justice, Charles IX endosse la responsabilité de l’assassinat des chefs protestants, déclarant avoir voulu « prévenir l’exécution d’une malheureuse et détestable conspiration » dirigée par Coligny et ses adhérents contre le roi, la reine sa mère, ses frères, le roi de Navarre et les autres princes et seigneurs.
La « Saison des Saint-Barthélemy » : L’Horreur S’étend en Province 🏞️
La contagion de la violence ne se limite pas à Paris. Alertées par des témoins, des courriers de commerçants, et parfois encouragées par des agitateurs, les villes de province déclenchent leurs propres massacres.
La Propagation du Massacre
Le 25 août, la tuerie atteint Orléans (où un millier de victimes est estimé) et Meaux. Elle se propage ensuite à La Charité-sur-Loire le 26, puis à Saumur et Angers les 28 et 29 août. Le 31 août, c’est au tour de Lyon, où le musicien Claude Goudimel est assassiné. Le 11 septembre, Bourges est touchée, suivie par Bordeaux le 3 octobre, et Troyes, Rouen, Toulouse le 4 octobre. Albi, Gaillac, Romans, Valence et Orange sont également victimes de ces violences. Il est difficile de reconstituer l’étendue exacte de la violence dans toutes les villes faute de sources.
Les Réactions Diverses des Autorités Locales
Les autorités provinciales réagissent de manière très variable face à ces massacres.
- Encouragement des massacres : Dans certaines villes comme Meaux, c’est le procureur du roi qui donne le signal des tueries. À Bordeaux, le gouverneur Charles de Montferrand participe aux violences, et à Toulouse, le vicomte de Joyeuse, gouverneur, y est très favorable.
- Tentatives de protection : Assez souvent, les autorités tentent de protéger les huguenots. À Alençon, le gouverneur Matignon fait fermer les portes de la ville et établit des corps-de-garde pour empêcher les massacres par les habitants catholiques. Au Mans et à Tours, les gouverneurs mettent les protestants en prison pour les protéger. Cependant, ces tentatives ne sont pas toujours couronnées de succès : les prisons sont parfois forcées et les protestants y sont massacrés, comme à Lyon, Rouen ou Albi. Des gouverneurs militaires comme Gordes en Dauphiné essaient également d’empêcher les massacres. Charles IX avait initialement envoyé des messagers avec l’ordre verbal de tuer les protestants, avant d’interdire ces exécutions le 28 août.
Le Bilan Humain : Des Chiffres Controversés 📊
Au total, le nombre de morts est estimé à environ 3 000 à Paris. Pour l’ensemble de la France, les estimations varient de 5 000 à 10 000 victimes, voire jusqu’à 30 000. Le chiffre de 30 000 est avancé par Jacques-Auguste de Thou, tandis que Jean de Serres, un auteur calviniste ayant échappé au massacre, parle de 3 000 victimes pour la France entière. Les écrivains protestants de l’époque ont eu tendance à exagérer les chiffres pour souligner la dimension religieuse de l’événement.
Réactions et Conséquences : Un Événement aux Répercussions Profondes 🌍
Le massacre de la Saint-Barthélemy est un choc immense, dont les répercussions se font sentir bien au-delà des frontières françaises.
L’Europe Face au Massacre : Entre Réjouissance et Condamnation
Les réactions en Europe sont fortement influencées par la version des faits communiquée par Charles IX, qui évolue au fil des jours.
La Version Officielle de Charles IX
Dès le 24 août, le roi envoie en province et à l’étranger des déclarations présentant le drame comme une vendetta entre les familles Guise et Châtillon. Le 25, de nouveaux messagers partent avec une explication différente : un complot protestant dirigé contre le roi. Cette dernière thèse est reprise le 26 août devant le parlement de Paris, où Charles IX déclare que l’événement est survenu par son « exprès commandement » pour obvier et prévenir l’exécution d’une « malheureuse conspiration » de l’amiral et de ses complices. Cette déclaration, confirmée le 27 août, devient la version officielle des événements, celle qui se propage en Europe.
Le Jubilé du Pape Grégoire XIII et la Satisfaction de Philippe II
La réaction de la papauté est sans équivoque. Le pape Grégoire XIII se réjouit du massacre et fait chanter un Te Deum en remerciement à Dieu. Une médaille à l’effigie du souverain pontife est même frappée pour célébrer l’événement, et le pape commande au peintre Giorgio Vasari une série de fresques illustrant la tuerie.
Philippe II d’Espagne fait également part de sa satisfaction, déclarant qu’il s’agit du « plus beau jour de ma vie ».
La Désapprobation de Maximilien II et la Prudence d’Élisabeth Ire
D’autres souverains européens expriment leur désapprobation. Le cousin de Philippe II, Maximilien II, empereur des Romains et archiduc d’Autriche (et beau-père de Charles IX), adopte une position très différente. Dans une lettre au prince-électeur Auguste Ier de Saxe, il déclare : « Régler les querelles religieuses par l’épée ou par la force n’est ni possible, ni moralement justifiable ».
Élisabeth Ire d’Angleterre prend le deuil et fait attendre longuement l’ambassadeur français avant d’accepter, pour des raisons diplomatiques, la thèse du complot huguenot et du « massacre préventif ». En mémoire de ce massacre, les Genevois observent le jeûne, une pratique courante en ces temps d’affrontements religieux récurrents.
Les Conséquences Politiques et Religieuses en France
Le massacre de la Saint-Barthélemy a des conséquences durables sur la situation religieuse et politique de la France.
L’Interdiction du Culte Protestant et les Conversions Forcées 🚫
Charles IX et Catherine de Médicis, initialement désireux de garantir la liberté de conscience aux protestants et de leur rendre justice pour les pillages, cèdent sous la pression des catholiques intransigeants. Dans l’espoir de rétablir rapidement l’unité de la foi, ils font interdire l’exercice du culte protestant, rendant caduc l’édit de Saint-Germain. Dans les mois qui suivent, des mesures discriminatoires sont prises : l’accès à un emploi public est interdit aux protestants.
Le roi encourage vivement les conversions. Henri III de Navarre, beau-frère du roi, abjure le protestantisme le 26 septembre. Le prince et la princesse de Condé sont remariés selon le rite catholique. En novembre, les gouverneurs reçoivent l’ordre de persuader les gentilshommes protestants de se convertir. Ces conversions sont souvent forcées : à Rouen, 3 000 protestants abjurent. Les communautés protestantes minoritaires s’épuisent et se dissolvent, tandis que celles du sud de la France, plus importantes, parviennent à résister.
L’Émigration et la Résistance Protestante
Les exactions entraînent une forte émigration jusqu’à la fin de l’année 1572. De nombreux réfugiés trouvent asile à Genève, qui acquiert le surnom de « cité du refuge », accueillant dix à vingt réfugiés par jour après les événements.
Le parti huguenot est privé de la plupart de ses chefs militaires, à l’exception de quelques-uns protégés par le roi. Charles IX tente de rétablir son autorité sur le royaume en négociant avec La Rochelle, qui fait figure de capitale pour les protestants. L’échec de ces pourparlers débouche sur la quatrième guerre de Religion.
La Remise en Cause du Pouvoir Royal : Les Monarchomaques 👑
Sur le plan politique, les événements de la Saint-Barthélemy provoquent une remise en cause radicale du pouvoir royal. Les monarchomaques, un courant de pensée né chez les protestants et diffusé ensuite chez les catholiques modérés, estiment que le pouvoir du roi doit être limité, notamment par la tenue régulière des États généraux. Cette réflexion débouche sur la mise en place des Provinces de l’Union et sur la conjuration des Malcontents en 1574.
Le Débat Historiographique : Comprendre l’Incompréhensible 📚
La violence inouïe du massacre de la Saint-Barthélemy a rendu sa compréhension difficile pour les contemporains et a très tôt transformé cet événement en un enjeu historiographique majeur.
La Tradition : Préméditation et Rôle Central de Catherine de Médicis
Face aux contradictions de la politique royale, les premières interprétations ont privilégié l’idée d’un massacre prémédité. L’hypothèse la plus répandue était que Catherine de Médicis aurait attiré les protestants à Paris pour mieux s’en débarrasser.
Ultérieurement, les historiens ont cherché à expliquer les contradictions de la politique royale par un antagonisme entre le roi et sa mère. Catherine de Médicis aurait, par jalousie de l’influence de l’amiral sur Charles IX, commandité son assassinat, déclenchant une série d’événements qu’elle n’avait pas forcément prémédités. Prise de panique à l’idée d’être découverte et de subir la vengeance protestante, elle aurait, avec ses conseillers, forcé la main à un roi hésitant pour décider l’exécution des principaux chefs militaires. C’est cette hypothèse qui a longtemps prévalu.
Les Difficultés des Sources Contemporaines
La partialité des sources contemporaines a rendu difficile l’établissement d’une explication claire. Les écrivains protestants tendaient à exagérer le nombre de morts et à présenter l’événement comme purement religieux. Du côté catholique, les protagonistes cherchaient à se disculper, rejetant la faute sur autrui. Des figures comme le maréchal de Saulx-Tavannes ou Marguerite de Valois affirmaient n’avoir rien su. Même des décennies plus tard, des auteurs comme Jacques-Auguste de Thou n’ont pas réussi à se dégager complètement des écrits polémiques.
L’Héritage Populaire et Littéraire
En revendiquant le massacre, Charles IX est devenu le principal responsable devant la postérité. Pour l’historien Mariéjol (1911), collaborateur de l’Histoire de France d’Ernest Lavisse, Catherine de Médicis est « la grande criminelle », encore plus coupable que son fils. La tradition populaire a surtout retenu l’aspect religieux du massacre. Sous la Révolution française, la pièce de Marie-Joseph Chénier, Charles IX ou la Saint Barthélemy (1789), connaît un grand succès, utilisant le massacre pour dénoncer le fanatisme catholique. Au XIXe siècle, cette historiographie traditionnelle est pérennisée par des auteurs à succès comme Alexandre Dumas avec La Reine Margot (1845).
Les Nouvelles Orientations : Complexité et Nuances 🔄
À la fin du XXe siècle, plusieurs historiens ont proposé des explications plus nuancées, cherchant à dissocier l’exécution des chefs protestants du massacre populaire et à réévaluer le degré d’implication de la famille royale.
L’Interprétation de Jean-Louis Bourgeon
Pour Jean-Louis Bourgeon, les véritables responsables de l’attentat et du massacre sont les Parisiens, les Guise et les agents du roi Philippe II d’Espagne. Charles IX et Catherine de Médicis auraient été absolument étrangers aux préparatifs et auraient été contraints d’agir sous la pression de la ville quasi-insurrectionnelle. Le roi aurait été forcé de précéder l’émeute orchestrée par les Guise, la milice bourgeoise et le peuple.
L’Approche Idéologique de Denis Crouzet
Denis Crouzet replace le massacre dans le contexte idéologique du néoplatonisme, cher à Catherine de Médicis. Selon lui, Charles IX et Catherine de Médicis n’avaient pas l’intention d’assassiner Coligny, ce qui serait contraire à leur désir d’harmonie et de concorde. C’est une fois que l’attentat rompt l’équilibre et que la guerre civile menace de nouveau, que leur position change. Par crainte d’une reprise de la guerre et d’une insurrection protestante, ils auraient choisi d’étouffer ces menaces dans l’œuf, sacrifiant les chefs protestants pour conserver l’unité autour de la personne du roi.
La Thèse du Duc d’Anjou par Thierry Wanegffelen
Thierry Wanegffelen pointe du doigt le duc d’Anjou, frère du roi, comme l’un des principaux responsables au sein de la famille royale. Suite à l’attentat manqué contre Coligny (qu’il attribue aux Guise et à l’Espagne), les conseillers italiens de Catherine de Médicis auraient pu préconiser l’élimination d’une cinquantaine de chefs protestants. Si la reine mère et le roi s’y sont opposés, le duc d’Anjou, lieutenant général du royaume, aurait vu là une occasion de s’imposer. Il aurait alors contacté Henri de Guise et les autorités parisiennes, faisant de la Saint-Barthélemy parisienne le résultat de cette conjonction d’intérêts. Agissant au nom du lieutenant général, ses hommes étaient perçus comme agissant au nom du roi. Catherine de Médicis aurait ensuite fait condamner ces crimes et menacé les Guise, mais en apprenant l’implication du duc d’Anjou, elle et Charles IX auraient été contraints de couvrir l’entreprise, en demandant l’arrêt des massacres tout en en attribuant l’initiative au roi pour prévenir un complot protestant.
La Microhistoire de Jérémie Foa
En travaillant sur les archives notariales, Jérémie Foa propose une microhistoire de la Saint-Barthélemy. Il estime que les tueurs sont peu nombreux, une vingtaine à Paris, principalement issus de la bourgeoisie. Ces tueurs, bien entraînés par des années de harcèlement des protestants, savaient repérer leurs cibles. Foa en conclut que la Saint-Barthélemy est un « massacre qui a été préparé sans être prémédité ». Fait marquant, ces tueurs sont presque tous morts impunis, « gâtés d’honneurs et d’argent » par la famille royale, y compris Catherine de Médicis.
La Question du « Crime d’État » et la Phrase Apocryphe de Charles IX
Les historiens Arlette Jouanna et Thierry Ménissier qualifient la Saint-Barthélemy de crime d’État. Pour Ménissier, influencé par le machiavélisme à la cour, le massacre, bien que non planifié, « constitue le premier massacre de cette ampleur qui se trouve lié avec une politique d’État », préfigurant « de loin les génocides totalitaires ».
Il est important de noter que la célèbre exclamation attribuée à Charles IX, « Eh bien soit ! Qu’on les tue ! Mais qu’on les tue tous ! Qu’il n’en reste plus un pour me le reprocher ! », est aujourd’hui considérée comme apocryphe. Sa première occurrence tardive, en 1628, dans un écrit de l’entourage des Gondi, visait à disculper leur ancêtre, Albert de Gondi, de toute implication, en attribuant la tirade au roi pour justifier les événements. Cette phrase participe d’une « réécriture des faits » à des fins apologétiques.
Chronologie des Événements Clés 🗓️
Pour mieux appréhender la complexité des événements, voici une chronologie synthétique des moments marquants menant au massacre :
- 1571
- Décembre : Émeute parisienne contre le déplacement de la croix de Gastines, symbole des tensions religieuses.
- 1572
- Janvier : Arrivée à Blois du légat papal pour une ligue chrétienne et de l’ambassadeur anglais pour une ligue protestante.
- 21 Février : Charles IX refuse officiellement d’entrer dans la ligue chrétienne du pape.
- 3 Mars : Arrivée à Blois de Jeanne d’Albret et Louis de Nassau.
- 11 Avril : Signature du contrat de mariage entre Marguerite de Valois et Henri de Navarre.
- 19 Avril : Signature du traité d’alliance entre la France et l’Angleterre contre l’Espagne.
- 24 et 29 Mai : Prise de Mons et Valenciennes par Louis de Nassau ; Charles IX et Catherine de Médicis partent pour Paris.
- 5 Juin : Arrivée du roi et de la cour à Paris.
- 9 Juin : Mort de Jeanne d’Albret.
- 25 Juin : Grand conseil au château de Madrid pour décider de la rupture avec l’Espagne, le roi part à la chasse.
- 8 Juillet : Entrée d’Henri de Navarre à Paris.
- 17 Juillet : Défaite de Jean d’Hangest, envoyé par Coligny pour secourir Louis de Nassau à Mons.
- 4 Août : Retour à Paris de Catherine de Médicis et Henri d’Anjou, inquiets des projets militaires protestants.
- 9 Août : Grand conseil où Catherine de Médicis s’oppose à Coligny et son parti belliciste.
- 10 Août : Départ de Catherine de Médicis pour Montceaux et des protestants pour Blandy.
- 17 Août : Fiançailles d’Henri de Navarre et Marguerite de France.
- 18 Août : Mariage à Notre-Dame de Paris et réception au palais de la Cité.
- 19-21 Août : Festivités du mariage à Paris.
- 22 Août : Attentat manqué contre Coligny (matin) et visite du roi à l’amiral (après-midi).
- 23 Août : Dans la nuit, début du massacre des chefs protestants.
- Dimanche 24 Août : Début du massacre général (la Saint-Barthélemy).
- 26 Août : Déclaration de Charles IX devant le parlement de Paris, endossant la responsabilité des meurtres pour prévenir un complot.
- 28 Août : Charles IX interdit les exécutions en province, mais les massacres continuent de s’étendre.
Conclusion : Un Événement Indélébile de l’Histoire de France 🇫🇷
Le massacre de la Saint-Barthélemy demeure l’un des épisodes les plus sombres et les plus complexes de l’histoire de France. Loin d’être un acte isolé, il est l’aboutissement de décennies de tensions religieuses, de luttes de pouvoir nobiliaires, de mécontentement populaire et d’intrigues internationales. Si la tradition historiographique a longtemps pointé du doigt la préméditation royale, les recherches contemporaines ont mis en lumière un faisceau de responsabilités et de dynamiques qui ont transformé un attentat ciblé en une tuerie généralisée, préparée sans être préméditée au sens strict du terme.
Ses conséquences, allant de la remise en cause du pouvoir royal à une forte émigration protestante et à des guerres de Religion exacerbées, ont durablement marqué la société française et continuent de nourrir les débats et les réflexions sur la violence politique et religieuse. La Saint-Barthélemy n’est pas seulement un massacre ; c’est un miroir des passions et des peurs d’une époque, un événement qui interpelle toujours notre compréhension des mécanismes du déchaînement de la violence de masse.
