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Stefan Zweig : Écrivain, Biographe et Chroniqueur de l’Âge d’Or Européen 🌍
Stefan Zweig (prononcé /ˈʃtɛ.fant͡svaɪ̯k/ en allemand) est une figure majeure de la littérature autrichienne et mondiale, reconnu comme écrivain, biographe, romancier, essayiste, poète, journaliste, dramaturge, critique littéraire et traducteur. Né le 28 novembre 1881 à Vienne, en Autriche-Hongrie, et décédé tragiquement le 22 février 1942 à Petrópolis, au Brésil, son œuvre est intrinsèquement liée aux bouleversements et à la « faillite de la civilisation » européenne du début du XXe siècle.
Ami proche de personnalités intellectuelles telles que Sigmund Freud, Romain Rolland, Arthur Schnitzler, Richard Strauss et Émile Verhaeren, Zweig a fait partie de l’intelligentsia viennoise. Contraint à l’exil en 1934 à cause de la montée du nazisme et de ses origines juives, il passa ses dernières années à Londres, puis au Brésil.
Son œuvre est caractérisée par une grande acuité psychologique et inclut des nouvelles célèbres explorant les passions intenses, telles que Le Joueur d’échecs, Vingt-quatre Heures de la vie d’une femme, La Confusion des sentiments, La Pitié dangereuse, Amok ou le Fou de Malaisie, La Peur et Lettre d’une inconnue. Il est également célèbre pour ses biographies fouillées (sur Joseph Fouché, Marie-Antoinette, Marie Stuart, Magellan). Son livre testamentaire, Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, est une chronique poignante de l’« âge d’or » de l’Europe, qu’il considérait comme une civilisation perdue.
1. Biographie : Une Vie Marquée par l’Exil et la Faillite de la Civilisation (1881-1942)
Stefan Zweig fut actif de 1901 à 1942. Son parcours, de son éducation bourgeoise à Vienne à son suicide en exil, reflète la désintégration progressive de l’Europe qu’il chérissait.
1.1. Naissance et Jeunesse à Vienne : 1881-1904 🎓
Stefan Zweig naît le 28 novembre 1881 à Vienne. Il est issu d’une famille juive aisée. Son père, Moritz Zweig (né en 1845, originaire de Moravie), était marchand avant de fonder une tissanderie en Bohême et de faire fortune comme fabricant de tissus. Sa mère, Ida Brettauer (née en 1854), était la fille d’un banquier viennois.
Élevé avec son frère aîné, Alfred, dans un environnement bourgeois et conformiste sur le Ring, la famille visait l’intégration et une éducation laïque. Zweig ne pratiquait pas les traditions culturelles juives, ne parlait pas le yiddish, et n’aimait pas qu’on lui rappelle ses origines. Il a décrit plus tard que ses parents étaient juifs par « le hasard de leur naissance ».
Inscrit en 1887 au Maximilian Gymnasium (actuel Gymnasium Wasagasse), il qualifie l’enseignement qu’il y subit comme « un bagne » en raison de son caractère rigide et autoritaire. Il obtient néanmoins son baccalauréat en juillet 1900 avec des mentions en allemand, physique et histoire. Il s’inscrit ensuite à l’Université de Vienne pour étudier la philosophie, l’histoire de la littérature, la germanistique et la romanistique, et est associé au mouvement d’avant-garde Jeune Vienne.
À dix-neuf ans, il quitte le foyer familial pour une chambre d’étudiant. Attiré par l’écriture, il s’intéresse particulièrement aux poètes Rainer Maria Rilke et Hugo von Hofmannsthal. En 1901, il publie un recueil de poèmes, Les Cordes d’argent (Silberne Saiten), qui lui apporte un succès d’estime, même s’il le reniera plus tard. Ses premiers essais, publiés sous forme de feuilleton dans des journaux, paraissent dans la Die Neue Freie Presse, dont le rédacteur littéraire était Theodor Herzl, le fondateur du mouvement sioniste. Bien qu’il n’ait jamais été attiré par le sionisme, Zweig rendra hommage tardivement à Herzl.
1.2. L’Éclosion de l’Écrivain et les Voyages Formateurs : 1904-1914 ✈️
Après ses premiers succès, Zweig séjourne à Berlin, où il découvre Dostoïevski et la peinture d’Edvard Munch. Poussé par une « inquiétude intérieure déjà intolérable », il multiplie les voyages (Wanderjahre) pour connaître et apprendre, mais aussi pour se fuir. Il parcourt l’Europe, visitant Paris, Berlin, Bruxelles, et Londres. Il voyage également en Inde en 1910, puis aux États-Unis et au Canada en 1911. Certaines de ses chroniques de voyage sont publiées dans le Frankfurter Zeitung.
De retour à Vienne, il obtient son titre de docteur en philosophie au printemps 1904 en défendant sa thèse sur le philosophe et historien français Hippolyte Taine.
Durant cette période, il publie un recueil de nouvelles en 1904. Il est aussi un traducteur passionné, notamment de Paul Verlaine et d’Émile Verhaeren. Il rencontre Verhaeren à Bruxelles, dont la vitalité influencera durablement le jeune Zweig, contrastant avec l’atmosphère étouffante de Vienne. En 1907, il fait une tentative dans le théâtre avec la pièce Thersite, qu’il renie par la suite.
En février 1910, il rencontre l’écrivain français Romain Rolland, avec qui il partage des idéaux paneuropéens et un esprit de tolérance, s’opposant aux nationalismes étriqués. Leur amitié est décisive et profonde, reposant sur leur intuition commune concernant l’Europe et la culture. Zweig admire Rolland comme son maître, séduit par son pacifisme et son humanisme, qu’il voit comme une synthèse entre les cultures allemande et française. Leur correspondance est abondante : 520 lettres de Zweig à Rolland et 277 lettres de Rolland à Zweig ont été retrouvées. En 1912, Zweig publie un article dans le Berliner Tageblatt saluant Jean-Christophe de Rolland comme un « événement éthique plus encore que littéraire ». Zweig travaille inlassablement à faire connaître Rolland en Allemagne.
En 1911, Zweig commence une idylle avec Friderike Maria Burger (1882-1971), déjà mariée et mère de deux filles. Ils mènent une vie paisible jusqu’à la guerre.
1.3. La Première Guerre mondiale et l’Idéal Pacifiste (1914-1916) 🕊️
L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin 1914 plonge l’Europe dans la guerre. Zweig, de retour à Vienne, cède brièvement à l’élan patriotique en rédigeant des articles prenant parti pour « l’esprit allemand ». Il retrouve cependant rapidement ses idéaux de fraternité et d’universalité.
Lui et Romain Rolland sont atterrés par le conflit. Rolland exprime son horreur face à la « faillite de la civilisation ». Contrairement à Zweig, Rolland publie rapidement son engagement pacifiste avec Au-dessus de la mêlée en 1915. L’opiniâtreté de Rolland dans sa lutte contre la guerre sauve Zweig de la dépression et renforce son admiration pour son ami.
Jugé inapte au front, Zweig est enrôlé dans les services des archives militaires. Il y prend conscience de l’ampleur des destructions et des morts par milliers. Envoyé sur le front polonais pour collecter des documents, il est témoin direct des souffrances et des ruines. Ces scènes déchirantes le poussent à la conviction que la défaite et la paix seraient préférables à la poursuite de ce conflit insensé. Il prend également conscience du sort des Juifs confinés dans des ghettos.
À cette époque, encouragé par Léon Bazalgette, son style gagne en réalisme, s’éloignant de l’ésotérisme.
1.4. Célébrité Littéraire et Engagement Européen (1916-1934) 🌟
De retour en Autriche, Zweig quitte Vienne pour s’installer à Kalksburg avec Friderike. Il termine sa pièce Jérémie (1916), qui laisse entrevoir la possibilité d’une défaite de l’Autriche. En 1917, lors des répétitions de sa pièce à Zurich, il se rend en Suisse où il rencontre de nombreux pacifistes, dont Romain Rolland à Genève. Ils appellent les intellectuels à un pacifisme actif. Zweig restera toute sa vie un ardent défenseur de l’unification de l’Europe.
Après l’armistice de 1918, Zweig retourne en Autriche en mars 1919 et s’installe à Salzbourg au Kapuzinerberg. Il épouse Friderike Maria Burger en 1920.
Les années 1920 sont marquées par une production abondante et la consécration.
L’Ère des Biographies et des Essais
Il publie plusieurs recueils d’essais sous le titre Die Baumeister der Welt (Les Bâtisseurs du Monde) :
- Trois maîtres (sur Balzac, Dickens, Dostoïevski).
- Le Combat avec le démon (sur Kleist, Hölderlin et Nietzsche).
- Trois poètes de leur vie (essais sur Stendhal, Casanova et Tolstoï).
- La Guérison par l’esprit (sur Mesmer, Mary Baker Eddy et Freud).
Polyglotte accompli, il traduit des œuvres de Paul Verlaine, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud et John Keats. Il fait représenter le Théâtre de la Révolution de Romain Rolland, qui lui dédie d’ailleurs sa pièce Le Jeu de l’amour et de la mort en 1924, reconnaissant l’importance de Zweig dans son travail. Les deux amis se voient régulièrement, notamment à Paris, Salzbourg, et Vienne, où Zweig présente Rolland à Sigmund Freud en 1924.
Célébrité et Sollicitations
Sa célébrité explose avec la nouvelle Amok en 1922. Dès lors, tous ses ouvrages rencontrent un immense succès de librairie, assuré également par sa maison d’édition allemande Insel. Sa notoriété, amplifiée par les traductions en plusieurs langues, lui apporte une sécurité financière mais aussi un lot d’engagements qui l’épuisent. Il ne trouve le repos que dans l’isolement de sa villa à Salzbourg.
En 1925, il remanie la pièce Volpone de Ben Jonson, adaptation qui est un succès enthousiaste et contribue à sa renommée.
Il publie des biographies importantes :
- Joseph Fouché (1929) : l’homme politique français y préfigure déjà les jeux de coulisse qu’il perçoit dans les États européens.
- Marie-Antoinette (1932) : un ouvrage explorant le thème des êtres qui trouvent rédemption et dignité dans le malheur.
Pour Zweig, la biographie est l’occasion d’éclairer le présent à la lumière du passé, soulignant « l’incapacité apparente des hommes à apprendre de leurs erreurs ».
Dette envers Freud et Collection de Manuscrits
Zweig reconnaît l’influence fondamentale de Sigmund Freud sur sa vie et son œuvre. Dans une lettre de 1926, il confie que la psychologie est « la grande affaire de [sa] vie ». Il estime que Freud a donné du « courage » à des écrivains comme Proust, Joyce et D. H. Lawrence, en levant leurs inhibitions et en permettant de « voir » et de « dire » beaucoup de choses, améliorant notamment la clarté et l’audace de l’autobiographie. Zweig fera d’ailleurs lire ses nouvelles à Freud avant leur parution et rédigera son oraison funèbre en 1939.
Parallèlement à son écriture, Zweig consacre une grande partie de son temps et de ses revenus à constituer une collection inestimable de manuscrits, partitions et autographes. Ce trésor comprenait notamment une page des Carnets de Léonard de Vinci, un manuscrit de Nietzsche, le dernier poème manuscrit de Goethe, et des partitions de Brahms et de Beethoven. Cette collection lui inspira le texte La Collection invisible. Tragiquement, cette collection sera confisquée par les nazis, dispersée et largement détruite.
1.5. La Montée du Nazisme et le Premier Exil (1933-1934) 🚪
L’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir en 1933 bouleverse la vie de Zweig. Témoin de l’exil forcé de ses amis allemands, lui-même juif, il suit les troubles avec effarement.
Il hésite d’abord à prendre position politique, cherchant la neutralité. Le compositeur Richard Strauss lui commande le livret de son opéra Die schweigsame Frau (La Femme silencieuse) et refuse de retirer le nom de Zweig de l’affiche à Dresde. Cependant, Zweig se sent mal à l’aise avec Strauss qui ne s’oppose pas ouvertement au régime. Jugé comme une « œuvre juive », l’opéra ne sera présenté que trois fois.
La colère des nazis est également suscitée par l’adaptation cinématographique en 1933 de sa nouvelle Brûlant secret (Brennendes Geheimnis, 1911). Ses œuvres sont victimes d’un autodafé à Berlin.
Zweig s’intéresse alors à Érasme, en qui il voit un modèle humaniste. Sa neutralité est compromise lorsque l’Autriche elle-même succombe à la répression austrofasciste. Une perquisition de la police à son domicile met fin à ses hésitations. Persuadé que la menace grandit, il décide de quitter le pays en février 1934. Son rêve de paix s’évanouit.
1.6. Les Années Londoniennes (1934-1940) et la Naturalisation Britannique 🇬🇧
Réfugié à Londres, Zweig commence une biographie de Marie Stuart (publiée en 1935). Ce personnage, comme Marie-Antoinette, l’intéresse car leur destin illustre le côté impitoyable de la politique qu’il exècre.
Il entame une liaison avec sa secrétaire, Lotte (Charlotte Elisabeth Altmann) (1908-1942). Friderike refuse de le rejoindre, ne jugeant pas ses appréhensions fondées, et, comme certains amis, lui reproche d’être un prophète de malheur.
Zweig maintient son choix de neutralité et de conscience individuelle face à l’alignement politique, s’inspirant d’Érasme. Cette attitude l’éloigne de vieux amis, comme Romain Rolland, qui avait épousé la cause du marxisme-léninisme. Il écrit en 1936 Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin.
Voyage au Brésil : 1936
Lorsque la guerre civile espagnole éclate en 1936, Zweig accepte une invitation au Brésil. Accueilli avec les honneurs en raison de sa célébrité, il est subjugué par Rio de Janeiro et séjourne au Copacabana Palace.
Il y entreprend la biographie de l’explorateur Magellan (publiée en 1938), qu’il voit comme un héros obscur resté fidèle à lui-même. Bien qu’il termine l’ouvrage, il est en proie à des tourments qui s’apparentent à la dépression.
Naturalisation Britannique
De retour à Londres, il suit l’actualité autrichienne. Le 12 mars 1938, Adolf Hitler annexe l’Autriche (Anschluss). Zweig est dépossédé de sa nationalité autrichienne et devient un réfugié politique. Pour échapper aux brimades réservées aux expatriés, il demande la naturalisation britannique.
Entre-temps, il rompt avec Friderike et épouse Lotte. Il reçoit finalement son certificat de naturalisation.
Pour compenser sa condition d’expatrié, il se plonge dans le travail. Son roman La Pitié dangereuse (Ungeduld des Herzens), le seul roman qu’il ait achevé, paraît en 1939.
En été 1940, avant le début des bombardements allemands sur Londres, lui et Lotte quittent l’Angleterre. Zweig est alors de plus en plus en proie au désespoir.
1.7. L’Ultime Exil au Brésil et la Fin Tragique (1940-1942) 🇧🇷
Sa première escale est New York, où sa nationalité allemande lui vaut de l’hostilité. Il part ensuite pour le Brésil, un pays qui lui avait fait forte impression. Il est toujours accompagné de Lotte, dont la santé fragile pèse sur le couple.
Installé à Rio de Janeiro, il parcourt le continent, donnant des conférences en Argentine et en Uruguay. Il retourne à New York une dernière fois en mars 1941, où il revoit Friderike, qui avait réussi à émigrer aux États-Unis.
En mai 1941, il prononce sa dernière conférence. Désespéré et honteux du tort causé par l’Allemagne, il réitère néanmoins sa confiance en l’homme, tout en étant très désabusé. Il publie également Le Brésil, Terre d’avenir en 1941.
De retour au Brésil durant l’été, il commence la rédaction de ses mémoires, qui deviendront Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen. Ce texte, dont il expédie le manuscrit la veille de son suicide, sera publié à titre posthume deux ans après sa mort. C’est un hymne à la culture européenne qu’il considérait comme irrémédiablement perdue. Il y témoigne d’un monde en destruction, souhaitant conserver une trace du monde d’hier qu’il chérissait.
Dans Le Monde d’hier, il déclare : « Né en 1881 dans un grand et puissant empire […], il m’a fallu le quitter comme un criminel. Mon œuvre littéraire, dans sa langue originale, a été réduite en cendres. Étranger partout, l’Europe est perdue pour moi… J’ai été le témoin de la plus effroyable défaite de la raison […]. Cette pestilence des pestilences, le nationalisme, a empoisonné la fleur de notre culture européenne ».
Il déménage à Petrópolis, où il célèbre son soixantième anniversaire le 28 novembre 1941, loin de ses amis et des honneurs.
Suicide : 22 février 1942
L’entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941 fait perdre de plus en plus espoir à Zweig. Il continue néanmoins son œuvre et écrit Le Joueur d’échecs (Schachnovelle) durant les quatre derniers mois de sa vie (novembre 1941 à février 1942). Ce bref roman posthume met en scène un exilé autrichien que les méthodes d’interrogatoire nazies avaient poussé au bord de la folie.
En février 1942, il apprend la chute de Singapour, une base militaire britannique majeure. Hanté par la vieillesse, ne supportant plus l’asthme sévère de Lotte, et moralement détruit par la guerre, il décide qu’il ne peut plus assister impuissant à l’agonie du monde. Il rend visite à l’écrivain Georges Bernanos à Barbacena, qui tente en vain de lui redonner espoir.
Le 22 février 1942, Stefan Zweig se suicide en s’empoisonnant au Véronal (un barbiturique), en compagnie de Lotte, qui refuse de lui survivre. Il laisse un mot concernant son chien, confié à des amis, et sa lettre d’adieu.
Dans cette lettre, rédigée à Petrópolis, il exprime sa profonde gratitude pour l’hospitalité du Brésil, où il aurait aimé « édifier une nouvelle existence » mais reconnaît que le monde de sa langue a disparu et que son foyer spirituel, l’Europe, « s’est détruite elle-même ». Il conclut qu’à soixante ans passés, ses forces sont épuisées par les longues années d’errance et qu’il préfère mettre fin à son existence la tête haute, privilégiant toujours le travail intellectuel et la liberté individuelle. Il salue ses amis en souhaitant qu’ils voient l’aurore après la longue nuit, mais se dit « trop impatient » pour attendre.
Contrairement à ses vœux, il a droit à des funérailles nationales lors de son enterrement à Petrópolis.
1.8. Adaptations biographiques à l’écran 🎥
La vie de Zweig a inspiré plusieurs œuvres filmiques :
- En 2015, le documentaire Stefan Zweig, histoire d’un Européen de François Busnel et Jean-Pierre Devillers (51:30 minutes).
- En 2016, le film Vor der Morgenröte (littéralement : Avant l’aube), connu en français sous le titre Stefan Zweig, adieu l’Europe, réalisé par Maria Schrader, retrace les six dernières années de l’écrivain et ses voyages en Amérique. Josef Hader y interprète Zweig.
2. Œuvre Littéraire : L’Exploration des Passions et de l’Histoire 📚
L’œuvre de Stefan Zweig est remarquablement éclectique, s’étendant sur plusieurs genres, de la poésie aux livrets d’opéra.
2.1. Romans et Nouvelles : L’Âme Humaine sous Pression 💔
Zweig est surtout célèbre pour ses nouvelles (Novellen), souvent des histoires de passion intense pouvant mener jusqu’à la folie. Au total, il a écrit quarante-trois récits ou nouvelles et deux romans (dont un inachevé).
Parmi ses œuvres narratives majeures figurent :
- Le Joueur d’échecs (Schachnovelle) : nouvelle écrite à la fin de sa vie (1941-1942) et publiée à titre posthume en 1943.
- Amok ou le Fou de Malaisie (1922) : nouvelle qui marque le début de sa célébrité. Le recueil original de 1922 (Amok – Novellen einer Leidenschaft) incluait également Lettre d’une inconnue (Brief einer Unbekannten).
- La Confusion des sentiments (Verwirrung der Gefühle, 1926). Ce recueil incluait aussi Vingt-quatre Heures de la vie d’une femme et Destruction d’un cœur.
- Vingt-quatre Heures de la vie d’une femme (1927).
- La Pitié dangereuse (Ungeduld des Herzens, 1939) : le seul roman (au sens de la taille de l’œuvre) que l’auteur ait achevé.
- La Peur (Angst, publiée dans un recueil de 1925).
- Lettre d’une inconnue (publiée initialement en 1922).
- Ivresse de la métamorphose (Rausch der Verwandlung) : un roman inachevé (écrit en 1930/1931 et 1938/1939) publié à titre posthume.
- Clarissa : roman inachevé, retrouvé en 1981, portant la mention : « Vu à travers l’expérience d’une femme, le monde entre 1902 et le début de la guerre » (la Seconde).
Il est important de noter que Brûlant secret (Brennendes Geheimnis), publié en 1911, a été adapté au cinéma en 1933. D’autres nouvelles incluent Dans la neige (1901), L’Amour d’Erika Ewald (1904), La Scarlatine (1908), Le Jeu dangereux (1931), et Le Chandelier enterré (1937).
2.2. Biographies et Essais : Éclairer le Présent par le Passé 📜
Zweig était un biographe de talent, ses travaux se distinguant par leur analyse psychologique approfondie. Il travailla également pendant plus de vingt ans sur son recueil Les Très Riches Heures de l’humanité (Sternstunden der Menschheit, 1927), qui retrace douze (ou quatorze) événements marquants de l’histoire mondiale.
Ses biographies principales incluent :
- Joseph Fouché. Bildnis eines politischen Menschen (1929).
- Marie-Antoinette, Bildnis eines mittleren Charakters (1932).
- Triumph und Tragik des Erasmus von Rotterdam (1934).
- Maria Stuart (1935).
- Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin (1936).
- Magellan. Der Mann und seine Tat (1938).
- Balzac, le roman de sa vie (publié posthume en 1946).
- Amerigo : récit d’une erreur historique (écrit en 1941, publ. posthume en 1944).
Ses essais couvrent aussi ses mentors littéraires et spirituels, notamment Émile Verhaeren : sa vie, son œuvre (1910) et Romain Rolland : sa vie, son œuvre (1921).
2.3. Poésies et Théâtre 🎭
Bien que Zweig ait renié certaines de ses premières œuvres, sa production comprend des poésies et des pièces de théâtre.
- Poésies :
- Cordes d’argent (1901).
- Les Couronnes précoces (1906).
- La Vie d’un poète : Poèmes et écrits sur la poésie (traduction complète, 2021).
- Théâtre :
- Thersite. Tragédie en trois actes (1907).
- La Maison au bord de la mer (1911).
- Jérémie. Drame en neuf tableaux (1916).
- Volpone (adaptation de Ben Jonson, 1925).
- Un caprice de Bonaparte (Das Lamm des Armen, 1929).
- Livret d’opéra :
- La Femme silencieuse (Die schweigsame Frau, 1935), commandé par Richard Strauss.
2.4. L’Importance de la Correspondance et des Archives ✉️
L’héritage de Zweig est également enrichi par ses nombreuses correspondances, qui documentent ses relations intellectuelles et ses préoccupations politiques et psychologiques.
Les échanges notables incluent :
- Sa correspondance très riche avec Romain Rolland (1910-1940), essentielle pour comprendre leurs idéaux paneuropéens.
- La Correspondance avec Sigmund Freud.
- La Correspondance avec Richard Strauss (1931-1936).
- La Correspondance avec son ami l’écrivain Joseph Roth (1927-1938).
- L’Amour inquiet, Correspondance 1912-1942 avec sa première femme, Friderike Zweig.
- Lettres d’Amérique : New York, Argentine, Brésil, 1940-1942 avec Lotte Zweig, sa seconde épouse.
3. Les Thèmes Majeurs chez Zweig : Humanisme, Psychanalyse et Europe 💡
L’œuvre et la vie de Stefan Zweig sont structurées autour de trois piliers principaux : la nostalgie d’une culture européenne humaniste, l’influence de la psychologie freudienne sur l’exploration de l’âme, et un engagement pacifiste sans compromis.
3.1. Le Chroniqueur d’un Monde Perdu : Le Monde d’hier
L’autobiographie Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen (Die Welt von Gestern, 1942, publié posthume en 1944) est l’aboutissement de ses réflexions sur la chute de l’Europe. Commencé en 1934, ce texte est le témoignage d’un monde en destruction, chéri et conservé par l’écriture.
Zweig y dépeint la Vienne de son enfance, une atmosphère bourgeoise et conformiste sous l’Empereur François-Joseph, et le grand et puissant empire dans lequel il est né. L’ouvrage célèbre l’âge d’or d’une civilisation caractérisée par la raison et la culture, et analyse la manière dont le nationalisme, qu’il qualifie de « pestilence des pestilences », a empoisonné la culture européenne. Il se voit comme un « étranger partout » lorsque son foyer spirituel, l’Europe, s’est détruit elle-même.
3.2. L’Influence de la Psychanalyse et de Sigmund Freud
L’amitié de Zweig avec Sigmund Freud est cruciale. Dès 1924, Zweig prend l’initiative de présenter Romain Rolland à Freud.
Son travail est profondément marqué par la psychologie. Zweig considérait que l’influence de Freud avait été fondamentale en donnant aux écrivains le courage de sonder et d’exprimer des sujets jusqu’alors inhibés. Ses nouvelles, qui explorent les passions cachées, les obsessions et la folie (Amok, La Confusion des sentiments, Le Joueur d’échecs), sont souvent vues comme des études de cas inspirées par la psychanalyse.
Le thème de la dignité dans le malheur, exploré dans ses biographies de Marie-Antoinette et Marie Stuart, est un exemple de son exploration psychologique des figures historiques. Ses biographies sont d’ailleurs étudiées pour leur mélange de Geschichte (histoire) et Psychologie.
3.3. Le Pacifisme et l’Idéal d’une Europe Unie
L’idéal d’une Europe unie et tolérante est le fil rouge de la carrière de Zweig.
Dès le début de la Première Guerre mondiale, il et Romain Rolland sont atterrés par le conflit, qu’ils voient comme la « faillite de la civilisation ». Le pacifisme de Rolland lui est un soutien essentiel. Après 1918, Zweig reste fermement pacifiste et exhorte les pays à la fraternisation plutôt qu’à l’antagonisme.
Durant la montée du nazisme, il se tourne vers la figure d’Érasme, en qui il voit un modèle humaniste proche de ses conceptions de neutralité et de conscience individuelle, refusant l’alignement politique qui mène à l’affrontement. Il privilégie la liberté individuelle et le travail intellectuel comme biens suprêmes.
Son suicide final en 1942 n’est pas seulement un acte personnel, mais une réaction face à l’épuisement causé par les « longues années d’errance » et l’impossibilité de continuer à assister à la destruction morale et culturelle du monde qui était le sien. Il se disait « trop impatient » pour voir l’aurore après la longue nuit.
4. Postérité et Adaptations 🎬
Malgré sa mort tragique en exil, l’héritage de Stefan Zweig perdure, notamment grâce à ses écrits testamentaires et les nombreuses adaptations de ses œuvres.
4.1. Au cinéma ou à la télévision 📺
Plusieurs des œuvres de Zweig ont été adaptées à l’écran. En plus de l’adaptation précoce de Brûlant secret en 1933, le film The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson (2014) revendique l’œuvre de Zweig comme source d’inspiration dans son générique de fin.
Le film biographique Stefan Zweig, adieu l’Europe (2016) de Maria Schrader témoigne également de l’intérêt contemporain pour les dernières années de l’écrivain.
4.2. Au théâtre 🎭
Des romans et nouvelles de Zweig ont aussi fait l’objet d’adaptations théâtrales. Son adaptation de Volpone de Ben Jonson (1925) a été largement traduite et jouée.
4.3. Reconnaissance
Stefan Zweig est considéré comme un des auteurs les plus traduits et lus de son époque. Ses archives sont conservées par la Houghton Library, Cambridge, Mass.. Divers centres et associations perpétuent sa mémoire, tels que la Casa Stefan Zweig et le Centre Stefan Zweig de Salzbourg.
Son destin tragique est souvent cité comme l’allégorie de la destruction de l’idéal cosmopolite européen par les forces du nationalisme au XXe siècle.
Métaphore pour comprendre l’exil de Zweig et l’effondrement de son idéal :
Le parcours de Stefan Zweig peut être comparé à celui d’un bibliothécaire passionné, gardien d’un savoir universel, qui voit sa vaste et précieuse bibliothèque, l’Europe, s’embraser irrémédiablement, volume après volume. Après avoir tenté de sauver les plus beaux manuscrits (ses idéaux humanistes) et de trouver refuge pour les protéger, il réalise que sans l’espace commun et harmonieux qui a permis l’existence de cette culture (la paix européenne), sa tâche est devenue vaine. Finalement, il choisit de ne pas survivre à la destruction de cet héritage qu’il avait tant célébré dans Le Monde d’hier.
