Voici quelques ouvrages ou média pour approfondir la réflexion :
Richelieu: La foi dans la France de Max Gallo : https://amzn.to/44LAgyt
👑 Armand Jean du Plessis de Richelieu : L’Architecte de l’État Moderne Français 🇫🇷
Armand Jean du Plessis de Richelieu, souvent désigné sous le nom de Cardinal de Richelieu, est une figure emblématique de l’histoire française, dont l’action en tant que principal ministre d’État du roi Louis XIII a profondément marqué le XVIIe siècle. Né le 9 septembre 1585 à Paris et décédé dans cette même ville le 4 décembre 1642, il fut à la fois un ecclésiastique (cardinal à partir de 1622) et un homme d’État.
Son ministère, qui s’étend de 1624 à 1642, est considéré comme fondamental dans la formation de l’État moderne en France. Richelieu a bâti sa politique autour de la raison d’État, s’engageant dans un combat triple pour renforcer le pouvoir royal : soumettre la puissance politique des protestants, abattre l’esprit factieux de la noblesse, et affaiblir la puissante maison d’Autriche (les Habsbourg). Réputé pour son habileté et sa fermeté intransigeante, son œuvre a jeté les bases de ce que l’on appellera plus tard l’absolutisme sous Louis XIV.
👶 Jeunesse et l’Appel des Ordres Sacrés
Naissance et Origines Familiales
Armand Jean du Plessis de Richelieu voit le jour à Paris, à l’hôtel de Losse situé rue du Bouloi, le 9 septembre 1585. Sa naissance fut marquée par une faiblesse physique : il fut ondoyé dès sa venue au monde, car on craignait que ce nourrisson chétif et fiévreux ne survive pas. Il ne sera baptisé que plusieurs mois plus tard, le 5 mai 1586, en l’église Saint-Eustache de Paris.
Sa famille appartenait à l’ancienne noblesse (à la fois de robe et d’épée), originaire du Poitou, mais elle était appauvrie. Son père, François IV du Plessis, seigneur de Richelieu, était un soldat et courtisan qui exerçait la charge de Grand prévôt de France, tandis que sa mère, Suzanne de La Porte, était la fille d’un avocat au Parlement. Armand Jean était le troisième d’une fratrie de cinq enfants survivants, incluant son frère aîné Henri (né en 1578), Alphonse (né en 1582), et ses sœurs Françoise et Nicole. Des controverses ont existé concernant l’existence et l’identité d’une sœur nommée Isabelle, et une Marguerite, probablement morte en bas âge.
Le jeune Armand n’avait que cinq ans lorsque son père, capitaine des gardes d’Henri IV, décéda le 10 juin 1590 des suites d’une fièvre pernicieuse. La famille, endettée, fut sauvée par la générosité royale. Auparavant, vers 1584, le roi Henri III avait octroyé l’évêché de Luçon à la famille en récompense des services de François du Plessis durant les guerres de Religion. La famille percevait la majeure partie des revenus de cet évêché, ce qui provoquait le mécontentement des chanoines locaux.
Le Chemine vers la Carrière Militaire et le Détour Théologique
À l’âge de neuf ans, en septembre 1594, Armand fut envoyé à Paris par son oncle Amador de La Porte pour étudier au collège de Navarre. Il y étudia la philosophie, le latin, le grec, l’hébreu, la grammaire et les arts. À sa sortie du collège, il reçut le titre de « Marquis de Chillou », un titre qu’il portera également plus tard à l’Académie française, qu’il fonda.
Il fut ensuite formé à l’Académie équestre de Monsieur de Pluvinel, une institution destinée à préparer les gentilshommes à la carrière militaire. Il y apprit l’équitation, la voltige équestre, l’escrime, la danse, la littérature, les mathématiques, la bague, la quintaine et le dessin, menant la vie typique d’un officier de l’époque, allant jusqu’à être traité pour une gonorrhée par le médecin Théodore de Mayerne en 1605.
Cependant, en 1605, sa carrière fut brusquement réorientée vers l’Église. Son frère, Alphonse-Louis du Plessis, refusa l’évêché de Luçon pour devenir moine à la Grande Chartreuse. La famille, ne voulant pas perdre cette source de revenus essentielle, contraignit Armand à prendre les ordres. Bien que frêle et maladif (souffrant de migraines potentiellement dues à des crises d’épilepsie et plus tard de tuberculose), la perspective de devenir évêque ne lui déplaisait pas, car les études universitaires l’attiraient. Il commença des études de théologie en 1605 et obtint son doctorat à la Sorbonne en 1607.
L’Évêque de Luçon et l’Investiture Canonique
Armand Jean fut nommé évêque de Luçon par Henri IV le 18 décembre 1606. Il se rendit à Rome et reçut l’investiture canonique des mains du cardinal de Givry le 17 avril 1607. Une anecdote, jugée non conforme à la réalité par Michel Carmona, prétend qu’il aurait triché sur son âge (21 ans au lieu des 26 requis), et que le pape Paul V aurait dit de lui : « S’il vit longtemps, ce garçon sera un grand fourbe ! ». Richelieu avait en fait cherché une dispense à Rome en raison de son jeune âge.
Bien qu’étant prêtre sans vocation initiale, Richelieu était attaché à ses devoirs. Après avoir rencontré le chapitre de Luçon en décembre 1608, il s’installa dans son diocèse l’année suivante et se révéla un réformateur catholique. Il fut le premier évêque en France à appliquer les réformes institutionnelles prescrites par le concile de Trente (1545-1563).
C’est durant cette période qu’il se lie d’amitié avec François Leclerc du Tremblay, le moine capucin plus connu sous le nom de Père Joseph. Cette relation étroite vaudra au Père Joseph, en raison de son froc gris, le surnom d’Éminence grise, et Richelieu l’utilisera fréquemment comme émissaire diplomatique. Dès cette époque, Richelieu manifesta également un engagement contre le protestantisme, assistant notamment à une conférence religieuse à Châtellerault en 1611.
🏛️ L’Ascension Politique et la Conquête du Chapeau 🎓
Débuts Politiques et Première Disgrâce
L’ascension politique de Richelieu commença véritablement le 24 août 1614, lorsqu’il fut élu député du clergé poitevin aux états généraux de Paris (octobre 1614 – février 1615), devenant par la suite le porte-parole du clergé. Grâce aux recommandations du cardinal du Perron, il se mit au service de la régente, Marie de Médicis.
En novembre 1615, Marie de Médicis le nomma grand aumônier auprès de la jeune reine, Anne d’Autriche. Le 26 novembre 1616, il fut nommé secrétaire d’État des Affaires étrangères, intégrant le Conseil du roi. Il partagea l’usufruit de cette charge avec Villeroy et fit partie des quatre ministres au service de Concino Concini, favori de la reine mère.
Ce premier ministériat fut de courte durée. L’exécution de Concini, ordonnée par Louis XIII et le duc de Luynes le 24 avril 1617, entraîna la disgrâce de Marie de Médicis et de ses proches. Louis XIII, croisant Richelieu au Louvre, lui lança : « Eh bien ! Luçon, me voici hors de votre tyrannie ! ». Richelieu, moins sévèrement puni que d’autres ministres, dut suivre la reine mère en disgrâce à Blois. Affligé par la perte de sa carrière politique, il se retira un temps dans son château de Richelieu, où il rédigea son testament. Le roi le bannit même à Avignon en avril 1618, où il se consacra à l’écriture, composant notamment L’Instruction du chrétien.
Rapprochement et Cardinalat
Marie de Médicis s’échappa du château de Blois en février 1619 et prit la tête d’une rébellion aristocratique. Le duc de Luynes fit alors appel à Richelieu pour négocier un accord entre la mère et le fils. Richelieu réussit à rapprocher Louis XIII et Marie de Médicis, menant au traité d’Angoulême (30 avril 1619) et à une première réconciliation au château de Couzières (5 septembre 1619). Ces succès lui valurent une réputation de fin négociateur.
Malgré une nouvelle guerre entre la mère et le fils (la « deuxième guerre »), Richelieu joua prudemment son rôle et participa à la réconciliation solennelle au château de Brissac en août 1620, après le traité d’Angers.
La mort du duc de Luynes en décembre 1621 créa un vide politique, dont Marie de Médicis profita. Elle fut réadmise au Conseil du roi en janvier 1622 et obtint du pape Grégoire XV le cardinalat pour son protégé. Armand Jean du Plessis fut nommé cardinal le 5 septembre 1622 et intronisé à Lyon le 12 décembre 1622.
Malgré les réticences initiales de Louis XIII, qui gardait un souvenir amer de Concini, Richelieu entra de nouveau au Conseil du roi le 29 avril 1624, sous la protection de la reine mère. Cette date marque un tournant décisif et le début de sa période en tant que Principal ministre d’État (une fonction officieusement appelée « Premier ministre »).
👑 La Politique d’État du Cardinal Ministre (1624–1642) 🗡️
Le programme politique que Richelieu proposa à Louis XIII, qui lui accorda sa confiance malgré une méfiance initiale, reposait sur trois piliers fondamentaux visant à affirmer l’autorité royale.
Le Triptyque de la Raison d’État
La politique de Richelieu se concentre sur la rénovation de la vision de la raison d’État, qu’il érige en clef de voûte de ses méthodes de gouvernement et de sa diplomatie. Ses objectifs étaient :
- Détruire la puissance politique du protestantisme en France.
- Abattre l’orgueil et l’esprit factieux de la noblesse.
- Abaisser la maison d’Autriche (les Habsbourg).
Cette orientation, particulièrement la volonté de contrer l’hégémonie des Habsbourg catholiques, fut vivement critiquée par le parti dévot, mené par Marie de Médicis.
L’Éradication de la Puissance Protestante
En 1625, Richelieu affirma au roi qu’il ne pourrait être « absolu dans son Royaume » tant que le parti des huguenots subsisterait. L’édit de Nantes avait permis aux protestants de former un véritable « État dans l’État », avec leurs propres assemblées, organisations territoriales, et places fortes militaires.
La ville de La Rochelle, métropole protestante, s’était affranchie de l’autorité royale et entretenait des relations directes avec des puissances étrangères, notamment l’Angleterre, qui encourageait la sédition des réformés. Richelieu décida de soumettre définitivement la ville.
Le siège de La Rochelle fut un événement dramatique : Richelieu fit ériger une digue de 1 500 mètres pour bloquer toute communication maritime. La ville résista pendant plus d’un an, subissant la mort des quatre cinquièmes de sa population. La reddition, le 28 octobre 1628, marqua la fin de l’autonomie politique et militaire des protestants en France. Toutefois, Louis XIII confirma la liberté de culte par l’édit de grâce d’Alès en 1629.
Richelieu participa activement à la Contre-Réforme catholique, à l’image du roi Louis XIII, en imposant par exemple le rétablissement du culte catholique dans le Béarn en 1620 et en inaugurant l’église Saint-Louis de l’ordre des Jésuites à Paris.
La Suprématie du Pouvoir Royal contre les Grands
Richelieu considérait qu’il était nécessaire de mettre au pas les « Grands » qui abusaient de leur pouvoir contre l’autorité royale. Face à une noblesse turbulente, il fit preuve d’une grande fermeté.
Ses actions comprenaient :
- La suppression des hautes charges exercées par les grands seigneurs auprès du roi.
- Le démantèlement de plus de 2 000 châteaux forts qui n’étaient plus utiles à la défense du royaume (comme Pamiers et Mazères).
- L’augmentation du pouvoir des Intendants envoyés dans les provinces pour appliquer les décisions royales, et la suppression occasionnelle des assemblées provinciales (États). L’institutionnalisation de cette intendance (police, justice, finances) permit l’application d’un « tour de vis fiscal » à partir de 1635, accroissant l’impopularité de Richelieu.
- La surveillance sévère des gouverneurs de provinces. Richelieu n’hésita pas à sévir contre les plus grands, faisant décapiter le duc de Montmorency en 1632, après que celui-ci eut pris les armes avec Gaston d’Orléans, frère du roi.
Richelieu fut également implacable dans la répression des duels, une pratique qui l’affectait personnellement depuis la mort de son frère Henri en duel en 1619. Il fit exécuter des nobles pris en flagrant délit, comme François de Montmorency-Bouteville et son cousin en 1627. Pour lui, il fallait « couper la gorge aux duels, ou bien couper la gorge aux lois de Votre Majesté ».
Les Conspirations et la Journée des Dupes
Le cardinal dut déjouer de nombreuses intrigues orchestrées par ses adversaires, notamment Marie de Médicis et Gaston d’Orléans, qui n’hésitaient pas à envisager son assassinat ou à faire appel à des puissances étrangères.
Le complot le plus célèbre fut celui de la Journée des Dupes en 1630. Marie de Médicis, irritée par la politique de Richelieu, qui s’alliait aux États protestants pour contrer l’Espagne catholique (Habsbourg), exigea du roi sa destitution. Richelieu crut sa carrière perdue, mais Louis XIII, dans un acte de confiance retentissant, confirma son soutien au cardinal. Ce fut Marie de Médicis et le chancelier Michel de Marillac qui furent exilés, marquant l’abandon définitif d’une politique favorable à l’hégémonie espagnole.
D’autres conspirations, comme celles menées par le comte de Chalais (1626) et le marquis de Cinq-Mars (1642), furent des échecs éclatants, menant à l’exécution des protagonistes. Seul Gaston d’Orléans s’en sortait sans dommages majeurs, bien qu’il perdît ses droits à la régence.
L’Abaissement de la Maison d’Autriche
Une fois l’autorité royale rétablie à l’intérieur, Richelieu se consacra à l’affaiblissement des Habsbourg en Europe, dans le contexte de la Guerre de Trente Ans (1618-1648). Les Habsbourg régnaient sur un grand nombre d’États européens, dont l’Autriche, l’Espagne, Milan, Naples et les Pays-Bas, et cherchaient à imposer leur autorité en Allemagne au nom du catholicisme militant.
Bien que cardinal, Richelieu fit passer l’intérêt de la France avant les considérations religieuses, n’hésitant pas à financer la Hollande et la Suède, des puissances protestantes en guerre contre les Habsbourg.
Ses succès diplomatiques et militaires incluent :
- La reprise du contrôle de la vallée de la Valteline (un nœud de communication crucial) disputée par l’Espagne (1626).
- L’assurance du duché de Mantoue et du Montferrat au duc de Nevers, lors de la guerre de Succession de Mantoue (1629).
- L’occupation des États de Charles IV, duc de Lorraine, hostile à la France (1632).
Louis XIII déclara la guerre à l’Espagne en 1635. Les débuts furent difficiles, la chute de Corbie en 1636 menaçant Paris. Richelieu, effondré, vit Louis XIII organiser la défense. À partir de 1640, l’effort de guerre, financé par des prélèvements fiscaux massifs (entraînant de dures répressions des révoltes paysannes), commença à tourner en faveur de la France. Richelieu, qui s’était attribué le titre de « Grand Maître et Surintendant de la Navigation », développa une armée de terre et une marine de guerre permanente.
Richelieu exploita également le manque de cohésion de la monarchie espagnole, soutenant la sécession de la Catalogne et le rétablissement de l’indépendance du Portugal en 1640. Les conquêtes françaises s’étendirent à l’Alsace, à l’Artois (1640) et au Roussillon (1642).
💡 Le Legs et la Pensée du Cardinal 🧠
Le Grand Dessein et la Gloire de l’État
Richelieu est souvent crédité d’avoir été le champion de la conquête des « frontières naturelles », mais cette idée était en réalité étrangère à l’époque. Le souci stratégique du Cardinal était plutôt de s’ouvrir des portes vers l’extérieur en possédant des places fortes enclavées en territoire étranger, comme Pignerol ou Philippsburg. Cette stratégie répondait à la diplomatie de l’Ancien Régime, cherchant à la fois à protéger le pays de l’invasion et à permettre le déploiement des armées à l’extérieur.
Richelieu, champion de l’État de guerre et de la gloire de son souverain, assura la transition entre la royauté du roi de justice et la monarchie administrative de Louis XIV. Ses adversaires le dépeignirent comme « l’homme à la main sanglante, à la robe écarlate ». Le prix de cette gloire fut cependant lourd : à sa mort, il laissa une guerre à poursuivre et un problème financier « insupportable aux populations » à son successeur, le cardinal Mazarin.
Maximes Politiques Notables
La pensée politique de Richelieu est exprimée dans ses Mémoires et son Testament politique. Ces écrits offrent un aperçu de sa conception pragmatique et autoritaire du gouvernement :
- « La politique consiste à rendre possible ce qui est nécessaire. »
- « L’autorité contraint à l’obéissance, mais la raison y persuade. »
- « Savoir dissimuler est le savoir des rois. »
- « Le secret est l’âme des affaires. »
- « Qui a la force a souvent la raison, en matière d’État. »
- « En matière d’État, il faut tirer profit de toutes choses, et ce qui peut être utile ne doit jamais être méprisé. »
- « En matière de crime d’État, il faut fermer la porte à la pitié. »
Il affirmait également la nécessité d’une vigilance constante : « Il faut dormir comme un lion, sans fermer les yeux ».
Mécénat et Réalisations Culturelles 🎭
Richelieu est également célèbre pour son soutien aux arts. Le fait le plus marquant est la fondation en 1635 de l’Académie française, société responsable des questions relatives à la langue française.
Il donna une grande extension aux établissements coloniaux français, notamment en faisant occuper les Petites Antilles, Saint-Domingue et la Guyane. En 1627, il fonda la Compagnie des Cent-Associés pour soutenir Samuel de Champlain en Nouvelle-France et conserver Québec. Grâce à sa politique, le Canada fut rendu à l’autorité française par le traité de Saint-Germain-en-Laye (1632).
La Pensée Théologique : Attrition et Contrition
Bien que principalement connu comme homme d’État, Richelieu était avant tout un ecclésiastique. Sa pensée théologique, influencée par le concile de Trente, est notamment exposée dans le Traité de la perfection du chrétien, publié après sa mort.
Son point le plus original concernait la nécessité du pardon entier en cas d’attrition. L’attrition est le repentir d’une faute motivé par la honte ou la crainte de l’Enfer. Richelieu affirmait que cela suffisait pour le pardon, alors que la doctrine du concile de Trente considérait l’attrition comme une « contrition imparfaite ». Cette position le plaçait en opposition avec les théologiens jansénistes, qui exigeaient un regret authentique (la contrition, l’amour sincère envers Dieu) comme condition nécessaire au pardon. Pour l’historienne Françoise Hildesheimer, la croisade du cardinal pour l’attrition pourrait être interprétée comme une manière de se déculpabiliser de sa carrière politique dans les plus hautes sphères de l’État et d’assurer sa paix intérieure.
Richelieu a également beaucoup écrit pour justifier sa politique et ses actions, produisant notamment des Ordonnances synodales (1610), La Défense des principaux points de la foi catholique… (1617), et bien sûr, ses Mémoires et son célèbre Testament politique.
🏗️ L’Œuvre Architecturale : Bâtir pour la Postérité
Richelieu laissa une empreinte architecturale et urbanistique significative, souvent confiée à son architecte favori Jacques Lemercier.
La Sorbonne et le Palais-Cardinal
En tant que docteur de la Sorbonne (1606) et proviseur de la Maison et Société de Sorbonne (élu en 1622), Richelieu entreprit un programme de rénovation ambitieux du collège et de sa chapelle, y dépensant 500 000 livres et choisissant ce lieu pour son inhumation.
En 1624, il acquit l’hôtel Forget de Fresnes à Paris, près du Louvre. En 1633, il obtint l’autorisation de démolir une partie de l’enceinte de Charles V pour agrandir le terrain. Il transforma alors l’hôtel en un véritable palais, le Palais-Cardinal (l’actuel Palais-Royal). Ce palais était doté d’appartements somptueux et d’une salle de théâtre, considérée comme la plus belle de Paris. Il comprenait également la célèbre Galerie des Hommes Illustres, décorée de vingt-cinq portraits peints par Philippe de Champaigne et Simon Vouet.
La Cité de Richelieu
Au sommet de sa puissance, Richelieu obtint en 1631 l’autorisation royale de construire en Touraine la cité fortifiée de Richelieu, à l’emplacement du domaine de ses ancêtres. Conçue comme une cité idéale à deux foyers, sa ville est considérée comme un chef-d’œuvre de l’urbanisme occidental du XVIIe siècle. Bien que le château, très admiré à l’époque, ait en grande partie disparu, la ville subsiste.
Il acquit également en 1633 le château du Val à Rueil, qu’il transforma en palais et qui devint sa résidence favorite.
⚰️ Fin de Vie, Fortune et Postérité
Maladies et Décès
Les dernières années de Richelieu furent marquées par de graves problèmes de santé. Il souffrait de fièvres récurrentes (peut-être le paludisme), de rhumatismes, de la goutte (le forçant à utiliser une chaise à porteurs) et de ténesme, provoqué par des hémorroïdes récurrentes et probablement la gonorrhée contractée dans sa jeunesse. Il était également atteint de tuberculose intestinale et pulmonaire, qui se manifestait par des crachements de sang et une ostéite tuberculeuse suppurant son bras droit.
Malgré les lavements et saignées pratiqués par ses médecins, son état s’aggrava. Armand Jean du Plessis de Richelieu est mort le 4 décembre 1642 à Paris, à l’âge de 57 ans. Son décès, dû probablement à une tuberculose pulmonaire (l’autopsie ayant révélé des nécroses caséeuses des poumons), fut célébré par des feux de joie allumés par le peuple en raison de sa grande impopularité.
L’Héritage Financier et la Succession
Richelieu recommanda à Louis XIII celui qui allait lui succéder : Jules Mazarin. Les deux cardinaux eurent des trajectoires similaires, régnant le même temps (Richelieu : 1624-1642 ; Mazarin : 1643-1661) et parvenant au pouvoir grâce à l’appui des reines mères. Passablement désargentés à leur arrivée, tous deux édifièrent d’immenses fortunes.
La fortune de Richelieu à sa mort fut estimée à 20 millions de livres, un montant supérieur à celui d’Henri II de Bourbon-Condé. Cette richesse reposait sur :
- Une richesse foncière importante, répartie en trois pôles : Poitou-Touraine, Aunis-Saintonge, et Paris/Île-de-France.
- Le contrôle des activités économiques et financières maritimes grâce à sa charge de Grand maître de la Navigation.
- Le cumul de bénéfices ecclésiastiques, car il était abbé commendataire de nombreuses abbayes bien dotées, telles que Cluny, Cîteaux, et La Chaise-Dieu.
Son testament, rédigé en mai 1642, précisait la répartition de ses biens. Les principaux légataires étaient :
- Le roi Louis XIII, qui reçut, entre autres, le Palais-Cardinal (dont Richelieu avait conservé l’usufruit).
- Son petit-neveu, Armand-Jean de Vignerot du Plessis, légataire universel du duché de Richelieu et de terres.
- Sa nièce, Marie-Madeleine de Vignerot d’Aiguillon, qui hérita du Petit Luxembourg.
La Sépulture et les Tribulations Posthumes
Le corps de Richelieu fut inhumé dans la chapelle de la Sorbonne, sous un mausolée en marbre de Carrare commandé par la duchesse d’Aiguillon et sculpté par François Girardon, achevé seulement en 1694. Le monument représente le cardinal demi-couché, s’abandonnant dans les bras de l’allégorie de la Piété. Au-dessus, son chapeau rouge authentique pend à trente pieds de hauteur.
Le 5 décembre 1793, durant la Révolution, son tombeau fut saccagé par des révolutionnaires. Le corps fut exhumé et décapité, malgré les efforts d’Alexandre Lenoir pour l’en empêcher. Cet événement engendra un trafic de reliques, incluant des fragments de crâne, des cheveux et un petit doigt. La tête momifiée, subtilisée et transmise à travers plusieurs mains, fut finalement rapportée à la Sorbonne en 1866. En 1896, l’historien et biographe Gabriel Hanotaux examina le crâne avant de le placer dans un coffret scellé, recouvert d’une chape de ciment armé dans un lieu secret près du tombeau. Ce n’est que le 4 décembre 1971 que la tête fut ré-inhumée officiellement dans la chapelle, et le cénotaphe replacé au centre du chœur.
🖼️ Le Cardinal dans les Arts et les Chroniques Contemporaines
Le Tempérament et la Santé
Richelieu était décrit par ses contemporains comme un homme au tempérament complexe. Françoise Hildesheimer le présente comme un névrosé dont l’hypersensibilité, la tension nerveuse extrême et les accès incontrôlés de colère, de larmes ou de mélancolie faisaient partie du quotidien. Il réussit à acquérir un contrôle de soi apparent. Marie de Médicis, qui s’y connaissait en la matière, affirmait qu’« Il pleure quand il veut », suggérant une duplicité.
Galanteries Supposées
Des sources non confirmées par les historiens prêtent des liaisons galantes au cardinal. Les Historiettes de Tallemant des Réaux affirment que « le Cardinal aimait les femmes ; mais il craignait que le roi soit médisant ».
Marion Delorme, une courtisane, est citée. Plus proche de lui, Marie-Madeleine de Vignerot d’Aiguillon, sa nièce (femme d’une grande beauté), fut l’objet de rumeurs et de chansons sarcastiques insinuant une liaison incestueuse. Le journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson mentionne une requête en 1647 visant à désavouer les enfants de Mme d’Aiguillon, affirmant qu’ils étaient ceux du Cardinal. Madame de Chaulnes est une autre femme citée dans les Historiettes.
Les Chats, Fidèles Compagnons 🐈
Richelieu était réputé pour son affection pour les chats, ayant beaucoup contribué à les faire considérer comme des animaux de compagnie. Il avait installé une chatterie au Palais-Cardinal et travaillait souvent avec un chat sur ses genoux. À sa mort, il en possédait quatorze, principalement des Persans au poil Angora, dont les noms sont parvenus jusqu’à nous : Félimare, Lucifer, Ludovic-le-Cruel, Ludoviska, Mimi-Piaillon, Mounard-le-Fougueux, Perruque, Rubis-sur-l’ongle, Serpolet, Pyrame, Thisbe, Racan, Soumise et Gazette.
Le Cardinal de Richelieu fut un homme de contradictions, à la fois ecclésiastique zélé pour les réformes tridentines et homme d’État impitoyable privilégiant l’intérêt de la France sur les alliances religieuses. Son action, menée avec une volonté de fer (son fameux « Quand une fois j’ai pris ma résolution, je vais droit au but et renverse tout de ma robe rouge »), permit à la monarchie de s’affirmer triomphalement, créant les structures administratives et militaires qui caractériseront le Grand Siècle. L’État, sous Richelieu, s’est transformé en un État militaire, focalisé sur le contrôle de la violence intérieure et la conquête extérieure, un État qui a légué à la France les outils de sa future hégémonie européenne.
Analogie pour la Raison d’État : La politique de Richelieu peut être comparée à un chirurgien qui, pour sauver le corps (l’État), n’hésite pas à amputer des membres malades (les Grands et la puissance politique protestante) et à engager des luttes coûteuses et sanglantes à l’extérieur (les Habsbourg), estimant que seule la survie de l’organisme tout entier justifie la douleur infligée.
