💥 Hiroshima et Nagasaki : Une Analyse Approfondie des Bombardements Atomiques Décisifs de 1945
Les 6 et 9 août 1945 ont marqué un tournant brutal dans l’histoire de l’humanité, avec les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Ces événements, ultimes frappes stratégiques américaines sur le Japon, non seulement ont précipité la fin de la Seconde Guerre mondiale mais ont également inauguré l’ère nucléaire, dont les répercussions se font sentir encore aujourd’hui. Cet article propose un résumé détaillé et une analyse perspicace de ces bombardements historiques, de leurs motivations à leurs conséquences dévastatrices, en s’appuyant sur les informations clés des sources.
🗺️ Le Contexte Historique : Vers l’Arme Nucléaire
Pour comprendre la décision d’utiliser l’arme atomique, il est essentiel de revenir sur le contexte de la guerre et le développement de cette technologie sans précédent.
La Fin d’une Guerre Mondiale Épuisante ⏳
En 1945, la Seconde Guerre mondiale tirait à sa fin en Europe, mais le conflit dans le Pacifique contre le Japon restait acharné. Les États-Unis, ainsi que les Alliés, cherchaient une voie pour imposer la reddition inconditionnelle du Japon. Les villes d’Hiroshima et de Nagasaki, cibles de ces bombardements, étaient des centres urbains importants au Japon. Hiroshima comptait environ 340 000 habitants et était le siège de la 5e division de la deuxième armée générale, ainsi que le centre de commandement du général Shunroku Hata. Nagasaki, avec environ 195 000 habitants, était un grand port et un pilier du complexe militaro-industriel japonais, abritant diverses industries comme des fabriques d’équipements militaires, des chantiers navals et des usines aéronautiques. Le bâti traditionnel de Nagasaki, majoritairement en bois, la rendait particulièrement vulnérable aux explosions.
Le Projet Manhattan : La Naissance de la Bombe 🔬
La création de l’arme atomique fut le fruit d’un effort scientifique et logistique colossal connu sous le nom de Projet Manhattan. Ce programme secret fut lancé en 1942, moins de sept mois après l’entrée en guerre des États-Unis, avec une assistance cruciale du Royaume-Uni et du Canada, formalisée par l’accord de Québec en 1943. De nombreux scientifiques européens y participèrent également.
Les deux bombes utilisées sur le Japon, Little Boy à l’uranium et Fat Man au plutonium, étaient respectivement la deuxième et la troisième à être construites. Elles furent précédées par un premier essai expérimental, nom de code Trinity, qui eut lieu au Nouveau-Mexique en juillet 1945. Cet essai, réalisé dans le désert du Nouveau-Mexique le 16 juillet 1945, démontra l’efficacité d’une arme nucléaire, utilisant une bombe au plutonium surnommée « Gadget ».
Pour larguer ces bombes, le 509e escadron de bombardement de l’USAAF fut formé dès décembre 1944 sous le commandement du colonel Paul Tibbets, et déployé à Tinian en mai et juin 1945. Cet escadron était équipé de bombardiers B29 de la série spéciale « Silverplate », spécifiquement modifiés pour les bombardements atomiques. Ils s’entraînaient avec des « bombes citrouille », des bombes conventionnelles ayant le gabarit des futures armes atomiques. Les célèbres bombardiers Enola Gay et Bockscar appartenaient à cette série spéciale. Quatre jours après l’essai Trinity, les B-29 modifiés du 509e escadron commencèrent des raids d’entraînement sur des villes japonaises avec ces bombes conventionnelles, ne rencontrant pas de résistance aérienne en raison de leur haute altitude de bombardement.
⚖️ Le Processus Décisionnel : Cibles et Ultimatum
Le choix des villes à frapper et la stratégie de la reddition furent des étapes clés avant le déploiement des bombes.
Le Choix des Cibles 🎯
La sélection des villes japonaises pour les bombardements atomiques fut l’œuvre du « Comité des objectifs » (Target Committee) à Los Alamos, lors de réunions les 10 et 11 mai 1945. L’ordre des cibles initialement choisi était le suivant :
- Kyoto : Jugée particulièrement intéressante pour son impact psychologique en tant que ville ancestrale de la dynastie Tennō et ancienne capitale.
- Hiroshima : Importante base militaire et configuration de terrain propice à une détonation aérienne.
- Yokohama (finalement bombardée de manière classique).
- L’arsenal de Kokura.
- Niigata.
Les deux premières cibles étaient classées « AA », les deux suivantes « A » et la dernière « B ». L’idée de cibler le palais impérial à Tokyo fut discutée mais rejetée, la capitale ayant déjà subi d’importants bombardements conventionnels.
Cependant, Kyoto fut retirée de la liste à la demande du secrétaire à la Guerre, Henry Lewis Stimson, en raison de sa valeur culturelle. Stimson connaissait et admirait Kyoto depuis sa lune de miel des décennies auparavant, et la ville avait déjà été épargnée par les bombardements incendiaires pour les mêmes raisons. Ce retrait est parfois attribué à Edwin O. Reischauer, un expert du Japon, mais il a lui-même réfuté cette version, attribuant tout le mérite à Stimson. Nagasaki fut finalement retenue à la place de Kyoto.
L’Ultimatum de Potsdam et la Réponse Japonaise 📜
Le 31 mai 1945, Henry L. Stimson réunit le comité intérimaire pour discuter de l’opportunité d’envoyer un avertissement aux Japonais. Plusieurs craintes furent soulevées : le déplacement de prisonniers de guerre vers les zones ciblées, la possibilité que les bombardiers soient abattus, ou encore que la bombe soit un échec. Edward Teller proposa une explosion nocturne sans avertissement au-dessus de la baie de Tokyo pour minimiser les pertes humaines tout en produisant un choc, mais cette idée fut rejetée, les Japonais ayant déjà démontré leur combativité sans limites. Oppenheimer suggéra d’attaquer avec plusieurs bombes le même jour pour mettre fin à la guerre, mais le général Groves s’y opposa en raison de l’état déjà dévasté des cibles par les bombardements conventionnels et de l’incertitude quant à la puissance réelle des explosions nucléaires à l’époque.
Le 26 juillet, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine émirent la Déclaration de Potsdam, exigeant la capitulation sans condition du Japon, mais sans spécifier clairement le sort de l’empereur Hirohito. L’ultimatum menaçait le Japon d’une dévastation s’il persistait dans la guerre. Le gouvernement japonais rejeta ces demandes le 28 juillet, utilisant le terme « mokusatsu ».
Cette expression, qui signifie « ignorer » ou « traiter avec un silence dédaigneux », fut interprétée par les États-Unis comme un refus catégorique de toute reddition. En réalité, le Premier ministre Kantarō Suzuki, favorable à la capitulation, devait composer avec la faction belliciste de l’armée et avait peut-être voulu simplement éviter d’aborder la question en public ou signifier que l’ultimatum n’apportait rien de nouveau.
Les archives japonaises révèlent que l’empereur Hirohito et son cabinet insistaient pour une reddition conditionnelle, cherchant à protéger le régime impérial, la gestion du désarmement des troupes et du jugement des criminels par les autorités japonaises, ainsi que l’absence de forces d’occupation sur le sol japonais. Des négociations parallèles étaient menées avec l’Union soviétique, le seul pays qui n’avait pas encore déclaré la guerre au Japon, dans l’espoir qu’elle serve de médiateur pour un armistice.
Malgré les pressions internes et les avertissements, l’empereur ordonna le 31 juillet la défense « à tout prix » des insignes impériaux, et le ministre des Affaires étrangères, Shigenori Tōgō, refusait toute négociation directe avec les Alliés en attendant une issue des discussions avec les Soviétiques. C’est dans ce contexte de refus japonais et d’attente diplomatique que, le 21 juillet 1945, le président Harry S. Truman ordonna le largage des bombes sur le Japon. Cet ordre fut relayé le 24 juillet et transmis secrètement le 25 juillet au général Spaatz, autorisant le largage de la bombe après le 3 août sur Hiroshima, Kokura, Niigata ou Nagasaki, avant même la publication de l’ultimatum de Potsdam.
🍄 Le Bombardement d’Hiroshima : « Little Boy »
La première bombe atomique fut larguée sur Hiroshima, une ville au rôle stratégique majeur.
La Cible : Hiroshima 🏙️
Hiroshima, capitale de la région de Chūgoku, était construite sur le delta du fleuve Ota-gawa et était composée de sept îles. Elle abritait d’importants camps militaires, dont celui de la 5e division, et était un centre d’approvisionnement et une base logistique cruciale pour les forces armées japonaises. La population y était mobilisée pour l’effort de guerre. La ville fut choisie comme cible principale car elle n’avait encore subi aucun raid aérien majeur, ce qui permettait d’évaluer au mieux les effets de la bombe. Le centre-ville comportait des bâtiments publics en béton armé, mais la majorité des habitations étaient des structures légères en bois et papier, rendant la ville très vulnérable aux incendies. Les estimations de la population au moment du bombardement variaient de 255 000 à 348 000 habitants.
Les Préparatifs Finaux ✈️
Deux heures après l’essai Trinity, les bombes Fat Man et Little Boy furent acheminées de San Francisco à Tinian. Le 26 juillet 1945, elles arrivèrent sur la base américaine. Les composants critiques, tels que le cœur en plutonium pour Fat Man et les cylindres en uranium pour Little Boy, arrivèrent séparément, transportés par la « Green Hornet line » depuis l’Australie.
Le capitaine de l’US Navy William Parsons fut chargé de l’assemblage et de la maintenance des bombes sur place. Les Américains avaient prévu deux attaques supplémentaires si la première ne suffisait pas, et la production de matière fissile continuait aux États-Unis pour une troisième bombe.
Le seul bombardier capable de transporter la bombe était le Boeing B-29 Superfortress. Une vingtaine de ces appareils furent modifiés pour fusionner leurs deux soutes à bombes en une seule. L’unité dédiée, le 509th Composite Group, fut spécifiquement formée pour cette mission. Little Boy fut installée dans le B-29, mais ne fut pas armée au sol par crainte d’un déclenchement accidentel. L’armement, une phase délicate, devait être effectué en vol par Parsons. Le commandant de bord, Paul Tibbets, nomma son B-29 Enola Gay en l’honneur de sa mère, cherchant à placer l’équipage sous une « bonne étoile ».
L’Attaque Dévastatrice 💥
Le 6 août 1945, le ciel au-dessus d’Hiroshima était clair. L’Enola Gay décolla de Tinian à 2h45, avec Little Boy à son bord. En vol, le capitaine William Parsons arma la bombe.
Une heure avant le bombardement, les Japonais détectèrent l’approche d’un avion américain, déclenchant une alerte. Mais l’avion, un B-29 de reconnaissance (Straight Flush), ne fit que signaler de bonnes conditions de visibilité. Les radars japonais détectèrent ensuite un nouveau groupe de trois avions, mais leur petit nombre fit lever l’alerte, pensant à de la simple reconnaissance.
Ces trois B-29 étaient ceux du raid sur Hiroshima, volant à plus de 9 500 mètres d’altitude :
- Enola Gay (bombardement).
- The Great Artiste (mesures et relevé de données).
- Necessary Evil (photographies, films).
Peu avant 8h15, l’Enola Gay arriva au-dessus de la ville. Le major Thomas Ferebee largua la bombe en visant le pont Aioi, reconnaissable à sa forme en « T ». À 8h16min2s, après environ 43 secondes de chute libre, Little Boy explosa à 580 mètres d’altitude au-dessus de l’hôpital Shima, libérant une énergie équivalente à environ 15 000 tonnes de TNT.
L’explosion fut instantanément mortelle pour des dizaines de milliers de personnes et détruisit environ 12 km². Une bulle de gaz incandescent de plus de 400 mètres de diamètre se forma en fractions de seconde, émettant un rayonnement thermique intense qui fit monter la température à près de 4 000 °C près de l’hypocentre. Des incendies se déclenchèrent, et l’onde de choc généra des vents de 300 à 800 km/h, dévastant rues et habitations. Le champignon atomique aspira la poussière et les débris, relâchant ensuite des poussières contaminées.
Le copilote de l’Enola Gay, Bob Lewis, s’exclama : « Mon Dieu, qu’avons-nous fait ? ». Les six appareils américains impliqués retournèrent sans dommage aux Mariannes, où l’équipage fut décoré.
La Réaction à Tokyo 😔
À Tokyo, la destruction fut découverte progressivement. La station radio d’Hiroshima ne répondait plus, et la ligne ferroviaire principale était interrompue. Le commandement japonais, dubitatif en l’absence de raids massifs signalés par leurs radars, envoya un jeune officier en urgence pour constater les dégâts. Ce n’est qu’après trois heures de vol qu’il distingua un immense nuage de fumée et, en arrivant, fut abasourdi par l’étendue des destructions. La capitale ne fut informée de la cause exacte du désastre que seize heures plus tard, lorsque la Maison-Blanche fit son annonce publique à Washington.
Malgré l’ampleur de la catastrophe, le bombardement d’Hiroshima ne modifia pas immédiatement l’attitude de l’empereur Hirohito et du gouvernement. Ils continuaient d’espérer une issue favorable des négociations avec l’Union soviétique. Le ministre de la Guerre, le général Anami Korechika, déclara même que les bombes atomiques n’étaient pas « pires » que les bombes incendiaires au napalm qui ravageaient le pays depuis des semaines.
Profitant du chaos et de l’incertitude créés par le bombardement d’Hiroshima, Staline mit fin aux négociations avec le Japon et déclencha l’offensive de Mandchourie le 9 août, comme convenu lors de la conférence de Yalta. Le président Truman lança alors un second ultimatum, menaçant le Japon d’un « déluge de ruines venu des airs comme il n’en a jamais été vu de semblable sur cette Terre » s’il ne se rendait pas. Le gouvernement japonais ne répondit pas officiellement, se concentrant toujours sur la protection des prérogatives de l’empereur. Parallèlement, des messages imprimés sur des tracts furent largués sur le Japon, avertissant la population de la nouvelle arme et l’exhortant à faire pression sur l’Empereur pour qu’il mette fin à la guerre.
☁️ Le Bombardement de Nagasaki : « Fat Man »
Le destin en a voulu autrement pour Nagasaki, qui devint la deuxième ville à subir l’horreur nucléaire.
Une Cible Secondaire Devenue Prioritaire 🎯
Nagasaki était un port majeur du sud du Japon, abritant d’importantes industries de guerre telles que des usines d’équipements militaires, des chantiers navals et des usines aéronautiques. Son tissu urbain, composé de résidences traditionnelles en bois, était particulièrement vulnérable aux explosions. Avant l’attaque atomique, Nagasaki n’avait pas été massivement bombardée, mais quelques bombes de forte puissance avaient frappé la ville le 1er août 1945, impactant le port, les constructions navales et même l’hôpital Mitsubishi.
Le second bombardement atomique eut lieu le 9 août 1945. Le bombardier B-29 Bockscar, piloté par Charles Sweeney, avait initialement pour cible la ville de Kokura. Cependant, en raison d’une couverture nuageuse à 70% sur Kokura, Sweeney décida de se rabattre sur la cible secondaire, Nagasaki. Deux autres B-29, The Great Artiste et Big Stink, accompagnaient Bockscar.
Après dix minutes de vol, la bombe « Fat Man » fut activée en chargeant les fusibles, avec l’ordre de ne pas descendre en dessous de 1 500 mètres pour éviter une détonation accidentelle. Les avions devaient se retrouver au-dessus de Yaku-shima, mais Bockscar n’y rencontra que The Great Artiste, perdant plus de 40 minutes à attendre l’appareil manquant. Ce délai, couplé à la dégradation soudaine des conditions météorologiques à Kokura, scella le destin de Nagasaki.
L’Explosion et Ses Effets Immédiats 💔
À 7h50, une alerte aérienne fut donnée à Nagasaki mais rapidement levée. Quand les avions apparurent vers 10h56, les Japonais pensèrent qu’il s’agissait d’avions de reconnaissance, et aucune alarme ne fut déclenchée. Quelques minutes avant l’explosion, The Great Artiste largua des instruments scientifiques et des messages à destination du physicien nucléaire japonais Ryôkichi Sagane, l’exhortant à informer le public des dangers de la bombe atomique ; ces messages ne furent trouvés qu’à la fin de la guerre.
À 10h58, une percée dans les nuages au-dessus de Nagasaki permit au bombardier du Bockscar de viser une zone industrielle dans une vallée. Fat Man fut larguée et explosa à 469 mètres d’altitude, entre l’usine d’aciérie et d’armement de Mitsubishi au nord et l’usine de torpilles Mitsubishi-Urakami au sud. L’explosion, d’une puissance d’environ 20 kilotonnes, détruisit 3,8 km² de bâtiments dans le district d’Urakami.
Trois ondes de choc atteignirent les avions. Le Bockscar, manquant de carburant de réserve, dut atterrir à Okinawa, alors sous occupation américaine, avant de rejoindre Tinian. The Great Artiste et The Big Stink le rejoignirent ensuite. Les trois avions retournèrent à Tinian sans dommage le 9 août à 23h30.
Ce second bombardement, bien que dévastateur, n’eut selon toute vraisemblance aucune incidence sur la décision immédiate de capitulation japonaise, qui restait concentrée sur les pourparlers avec l’Union soviétique et la préservation de la « Kokutai » (l’identité nationale et impériale). Le même jour, les B-29 continuèrent de larguer des millions de tracts sur les villes japonaises.
La Troisième Bombe ? 💭
Une troisième bombe atomique, de type « Fat Man » au plutonium (modèle Mark MK III), devait être assemblée avant la fin août, et huit autres étaient prévues pour novembre. Le général George Marshall, chef d’état-major de l’armée américaine, avait demandé qu’elles soient gardées en réserve pour des cibles tactiques en soutien d’une éventuelle invasion du Japon. Les militaires américains voulaient faire croire aux Japonais qu’ils disposaient d’un nombre illimité d’armes nucléaires. Il est probable que le général Groves, désireux de justifier l’énorme investissement du Projet Manhattan, ait eu le dernier mot pour le bombardement de Nagasaki.
Des documents suggèrent que l’USAAF souhaitait larguer la troisième bombe sur Tokyo si le Japon ne se rendait pas rapidement, bien qu’il ait été décidé que la cible serait Sapporo. Cependant, les témoignages s’accordent sur le fait qu’une bombe supplémentaire ne pouvait pas être prête avant plusieurs semaines. Richard Frank affirme que Marshall et Groves avaient retardé le transport de la troisième bombe, la rendant indisponible avant le 21 août. Oppenheimer lui-même ordonna de ne pas charger la matière radioactive qui devait partir pour San Francisco, cette matière n’étant censée arriver à Tinian que vers le 20 août.
🩺 Les Conséquences Dévastatrices : Corps et Ville
L’impact des bombardements atomiques fut d’une ampleur sans précédent, marquant profondément les villes et leurs habitants.
Le Bilan Humain : Des Chiffres Incomplets 🔢
Le nombre exact de victimes est difficile à déterminer en raison des circonstances du bombardement (évacuations, destruction d’archives, disparition de familles entières). Seules des estimations sont disponibles, allant de 103 000 à 220 000 morts initialement, sans compter les cas ultérieurs de cancers et d’autres effets secondaires.
- À Hiroshima :
- Le département de l’Énergie des États-Unis (DOE) avance 70 000 morts.
- Le musée du mémorial pour la paix d’Hiroshima estime 140 000 morts.
- Une estimation de 1946 donnait 70 000 à 80 000 morts sur une population de 245 000 habitants.
- Une étude plus récente estime 90 000 à 140 000 morts sur une population de 310 000 personnes.
- En 2005, le maire d’Hiroshima a évoqué un total de 237 062 morts, bien que ce chiffre reste hypothétique.
- Une étude de 1945 par l’université impériale de Tokyo a montré que 73,5% des victimes sont mortes le jour même ou lors du bombardement, 11,3% la première semaine, et 3,4% la deuxième semaine, soit près de 90% des décès dans les deux premières semaines.
- Les causes de décès le premier jour étaient majoritairement « mécaniques » (écrasements, traumatismes, brûlures dues au souffle et aux incendies – 45,5%) et « flash thermique » (16,3%), tandis que seulement 12% étaient dues à l’irradiation directe.
- À Nagasaki :
- Le DOE avance 40 000 morts.
- Une estimation de 1946 rapportait 35 000 tués.
- Une estimation plus récente indique 60 000 à 80 000 tués sur une population de 250 000 habitants.
- Nagasaki présentait des particularités : la bombe plus puissante (20 000 tonnes de TNT) causa plus de dommages près de l’hypocentre. Les collines protégèrent certains quartiers, limitant l’étendue des destructions, et la violence des incendies fut plus contenue sans conflagration généralisée. Le type de bombe (plutonium vs. uranium) modifia également la répartition des rayonnements γ et neutrons, influençant la fréquence des leucémies.
Blessures et Phénomènes Uniques 🌡️
Les survivants, connus sous le nom de hibakusha, sont devenus le symbole d’une lutte mondiale contre la guerre et les armes atomiques. Les blessures étaient de plusieurs types :
- Rayonnement thermique et incendies : Retrouvées chez 65% des blessés, elles furent responsables d’environ 50% des décès.
- Brûlures de la peau exposée au rayonnement thermique de l’explosion, dont l’intensité pouvait atteindre 4 000 °C. Des brûlures du premier degré furent observées jusqu’à 4 km, et du troisième degré jusqu’à 2,5 km. Les personnes très proches de l’hypocentre furent instantanément carbonisées.
- Les « ombres d’Hiroshima » : Phénomène unique où l’éclair de la bombe décolora le béton et laissa des silhouettes permanentes d’objets ou de personnes ayant intercepté le rayonnement thermique, créant des « négatifs de photos ».
- Incendies : À Hiroshima, un foyer généralisé se déclencha rapidement, créant une tempête de feu qui dura 16 heures et dévasta 11 km², piégeant de nombreuses victimes. Contrairement aux bombardements classiques, la destruction massive de zones étendues rendit la fuite quasi impossible. Une quantité importante de monoxyde de carbone aurait pu entraîner l’asphyxie, bien qu’aucun témoignage ne le confirme.
- Cécité : Ceux qui regardaient la boule de feu eurent la rétine brûlée ou endommagée, entraînant des cécités réversibles ou non, mais empêchant de nombreuses personnes de se mettre à l’abri.
- Onde de choc et effet de souffle : Retrouvées chez 70% des blessés, mais rarement graves par elles-mêmes. C’est l’effet indirect qui fut le plus meurtrier.
- L’effondrement des bâtiments (en bois jusqu’à 2 km) ensevelit de nombreuses victimes, qui périrent ensuite dans les incendies.
- Les matériaux de construction se transformèrent en projectiles mortels, causant des lacérations jusqu’à 2 km.
- Le souffle déplaça brutalement les victimes, causant des blessures par chute ou écrasement.
- Irradiation :
- Irradiation instantanée : La cause principale, émise par les réactions nucléaires. Une dose létale pour 50% des personnes exposées à l’extérieur était atteinte à un peu plus de 1 km de l’hypocentre. Les bâtiments en béton offraient une protection.
- Radioactivité induite : Moins importante car la bombe explosa en altitude. Les neutrons rendirent les matériaux près de l’hypocentre radioactifs, mais cette radioactivité diminua rapidement.
- Retombées radioactives (« black rain ») : Également moins importantes qu’une explosion au sol à Hiroshima. Il s’agissait de pluie noire contenant des poussières et des cendres radioactives, principalement au nord-ouest du point d’explosion. Ces niveaux d’exposition étaient insuffisants pour causer un syndrome aigu mais pouvaient entraîner un risque faible de cancers à long terme.
- Conséquences sur la Santé à Long Terme :
- Le syndrome d’irradiation aiguë : Observé chez 30% des survivants, responsable de 5 à 15% des décès. Les victimes présentaient des symptômes comme asthénie, nausées, vomissements, diarrhées, perte des cheveux, hémorragies, et affaiblissement du système immunitaire. L’état s’améliorait après une phase de latence, mais l’aggravation pouvait être fatale.
- Leucémies et cancers : Une augmentation de l’incidence des leucémies fut observée à partir de 1947, atteignant un pic en 1951. Les tumeurs cancéreuses (poumon, tube digestif, sein) augmentèrent progressivement à partir de la fin des années 1950.
- Autres effets médicaux : Cataractes, stérilité (souvent réversible), augmentation des maladies pulmonaires, cardiaques ou digestives, et une possible diminution de la durée de vie.
- Le nombre de morts dues aux effets à long terme est cependant dérisoire comparé aux victimes des premiers mois. En mars 2007, moins de 1% des 252 000 « hibakusha » vivants au Japon étaient reconnus comme souffrant d’une maladie liée aux radiations.
- Effets sur la descendance : Le suivi de 30 000 enfants de parents irradiés n’a pas montré d’augmentation des malformations ou des troubles génétiques.
La Résilience des Structures et de la Nature resilient
Environ 171 000 personnes devinrent sans abri à la suite des bombardements. Cependant, certaines constructions ont fait preuve d’une résilience remarquable. La succursale de la Banque du Japon, située à seulement 380 mètres de l’hypocentre à Hiroshima, rouvrit ses portes deux jours après l’explosion. Les bâtiments en béton armé, conçus avec des normes antisismiques, résistèrent mieux, et la détonation aérienne limita peut-être les dommages au sol. Le « Dôme de Genbaku », ancien centre de promotion de l’industrie d’Hiroshima, situé très près de l’hypocentre, résista au souffle et est aujourd’hui le Mémorial de la Paix d’Hiroshima, classé à l’UNESCO.
En revanche, les constructions traditionnelles en bois furent complètement rasées jusqu’à 2 km de l’hypocentre.
Certaines espèces d’arbres, comme le Ginkgo biloba, ont également résisté aux radiations et sont devenues des symboles de résilience et de paix. Des graines d’arbres survivants (« hibakujumoku ») sont même distribuées dans 88 villes du monde par l’initiative Mayors for Peace.
📰 L’Après-Bombardements et l’Héritage
Les jours et les années qui suivirent furent marqués par la médiatisation, les débats et l’occupation américaine.
La Couverture Médiatique 🗞️
Le bombardement d’Hiroshima fut annoncé par la Maison-Blanche seize heures après l’explosion, dans un long communiqué du président Truman. Il mettait en avant l’extraordinaire puissance de la nouvelle arme, soulignait la collaboration anglo-américaine dans son développement et cherchait à rassurer l’opinion publique sur les bienfaits futurs de l’atome pacifique.
- Le New York Times du 7 août consacra un long article, mentionnant l’ignorance initiale de ce qui s’était produit à Hiroshima, cachée par un « nuage impénétrable de poussière et de fumée ». Le journal rapportait la réaction de Churchill : « Par la grâce de Dieu, nous avons battu les nazis dans la course à la Bombe ! ». Il débattait également de l’utilité de révéler l’arme, certains pensant qu’il aurait été préférable de garder le secret.
- D’autres journaux américains comme le San Francisco Chronicle titrèrent sur la « bombe la plus puissante de l’Histoire », présentant Hiroshima comme une base militaire entièrement détruite. Le Washington Post exprima sa « gratitude à l’égard de la science » pour avoir « donné cette nouvelle arme avant la fin de la guerre ».
- En France, Le Monde titra sur une « révolution scientifique », reprenant les éléments du communiqué présidentiel et l’intervention du secrétaire d’État Stimson.
- Le quotidien argentin Critica du 8 août décrivit une ville où « toute vie humaine, animale et végétale a disparu », citant Radio-Tokyo qui dénonçait « la nature diabolique de l’ennemi » et un « crime contre l’Homme et contre Dieu ». Radio-Tokyo évoquait des morts et blessés « brûlés au point d’être méconnaissables » et l’incapacité des autorités à trouver des solutions pour les victimes. Le Japon tenta même d’invoquer le droit international (article 22 de la convention de La Haye), mais les États-Unis notèrent que le Japon n’avait pas ratifié cette convention.
- Un point crucial : le danger des radiations et le syndrome d’irradiation aiguë étaient inconnus de la médecine début août 1945, et donc non évoqués par la presse. Ce sont les médecins japonais qui les découvriraient quelques semaines plus tard.
- L’éditorial d’Albert Camus dans Combat du 8 août 1945 souligna : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie ».
- Le bombardement de Nagasaki fut annoncé simultanément avec l’entrée en guerre de l’Union soviétique contre le Japon.
La Reddition du Japon et l’Occupation 🇯🇵
L’invasion soviétique en Mandchoukouo, combinée aux bombardements atomiques, précipita la décision de l’empereur Hirohito de se rendre. Le 9 août, il demanda l’organisation d’une conférence impériale, annonçant sa décision de se rendre à l’ultimatum allié à condition que cela « ne porte pas préjudice aux prérogatives de Sa Majesté à titre de Souverain ».
Le 14 août, après une tentative de mutinerie matée, Hirohito approuva la déclaration impériale. Le lendemain, son allocution au peuple japonais fut diffusée à la radio, mentionnant clairement la « bombe nouvelle d’une extrême cruauté » et la peur de « l’extinction complète de la civilisation humaine ». Cependant, elle n’évoqua pas l’entrée en guerre de l’Union soviétique ; celle-ci fut mentionnée dans un « édit aux soldats et aux marins » le 17 août, qui passait sous silence les bombardements atomiques.
Le 28 août 1945, les Américains débarquèrent au Japon. Des groupes d’experts furent envoyés à Hiroshima et Nagasaki pour évaluer les dégâts. Le journaliste Wilfred Burchett fut l’un des premiers à décrire les mystérieuses morts post-explosion comme une « peste atomique », le docteur Katsube lui décrivant les symptômes du syndrome d’irradiation aiguë (perte d’appétit, cheveux qui tombent, taches bleuâtres, saignements, destruction des globules blancs).
Le Japon fut placé sous tutelle américaine. Le Détachement de Censure Civile (CCD) fut mis en place par les forces d’occupation pour contrôler la presse et interdire les enquêtes sur les bombes atomiques et leurs effets. La nouvelle constitution, modelée par les Alliés, fut adoptée en 1946 et validée en 1947. L’occupation américaine se termina en avril 1952.
Analyse Comparative des Bombardements ⚖️
Des experts militaires américains estimèrent que la bombe sur Hiroshima était équivalente à un raid aérien de 220 B-29 transportant 1 200 tonnes de bombes incendiaires, 400 tonnes de bombes de forte puissance et 500 tonnes de bombes à fragmentation. En comparaison, le bombardement de Dresde, qui dura 3 jours, nécessita 580 bombardiers et 1 718 tonnes de bombes. L’Opération Gomorrhe sur Hambourg dura 10 jours avec 2 714 avions et 8 650 tonnes de bombes conventionnelles, faisant 40 000 morts. Le nombre total d’Allemands tués par les bombardements conventionnels pendant la Seconde Guerre mondiale est estimé entre 305 000 et 600 000. Ces chiffres mettent en perspective la puissance concentrée de l’arme atomique.
Les films des bombardements, réalisés par des équipes japonaises et américaines, furent confisqués et classés secret défense par les Américains. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1960 ou début des années 1970 que les premiers films d’archive furent montrés au public. Des images inédites continuent d’être révélées, et certaines photos des victimes pourraient encore être classées secrètes.
✅ Conclusion : Un Héritage Durable
Les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, bien que survenus à la fin d’un conflit mondial dévastateur, ont eu un impact sans précédent et ont façonné la géopolitique future.
Ils ont imposé au Japon une reddition inconditionnelle, bien que le rôle exact de chaque facteur (bombes atomiques et invasion soviétique de la Mandchourie) dans la décision finale du Japon reste un sujet de débat parmi les historiens.
Ces événements, uniques dans l’histoire des conflits, ont démontré la puissance destructrice inégalée de l’arme nucléaire et ont servi de message annonciateur de la Guerre Froide, soulignant la supériorité de feu américaine, notamment face à l’URSS. L’impact de ces bombardements a fait craindre par la suite l’usage de l’arme atomique dans une guerre nucléaire, un effet qui est à la base de la dissuasion nucléaire et qui a largement influencé les choix stratégiques de la Guerre Froide.
Les survivants, les hibakusha, sont devenus un symbole universel de la lutte contre la guerre et les armes atomiques. Les cicatrices physiques et psychologiques de ces jours d’août 1945, ainsi que les débats moraux et politiques qu’ils continuent de susciter, rappellent la responsabilité immense qui accompagne le pouvoir de l’atome.