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La guerre du Kippour: Le conflit israélo-arabe à l’origine du premier choc pétrolier :
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La Guerre du Kippour (1973) : Résumé Détaillé, Causes et Conséquences d’un Conflit Majeur au Proche-Orient 💥
Introduction Historique : Un Conflit aux Multiples Noms
La guerre israélo-arabe de 1973 fut un conflit armé majeur qui déchira le Moyen-Orient du 6 au 25 octobre 1973. Ce choc opposa Israël à une coalition militaire arabe dirigée principalement par l’Égypte et la Syrie.
En raison des calendriers religieux et des perspectives régionales, cette guerre est désignée sous plusieurs appellations :
- Guerre du Kippour (en hébreu : מלחמת יום הכיפורים), car l’attaque fut lancée le jour de Yom Kippour, jour de jeûne et férié en Israël.
- Guerre du Ramadan (en arabe حرب رمضان), car elle coïncida en 1973 avec la période du ramadan.
- Guerre d’Octobre (en arabe حرب تشرين).
L’offensive fut déclenchée par les forces égyptiennes et syriennes qui attaquèrent simultanément et par surprise la péninsule du Sinaï et le plateau du Golan. Ces territoires, respectivement égyptien et syrien, étaient occupés par Israël depuis la guerre des Six Jours de 1967.
Le Contexte Géopolitique Avant l’Épreuve de Force 🗺️
Depuis la Déclaration d’Indépendance de l’État hébreu par David Ben Gourion en 1948, plusieurs guerres avaient déjà marqué les relations entre Israël et ses voisins arabes du Moyen-Orient. La guerre de 1967 avait permis à Israël de conquérir des territoires significatifs.
Afin de se prémunir contre les attaques sporadiques qui survenaient sur ces nouvelles frontières, Israël avait construit des fortifications sur le Golan et dans le Sinaï. La période allant de 1967 à 1970 fut d’ailleurs caractérisée par une guerre larvée avec l’Égypte et la Syrie. Un investissement de 500 millions de dollars fut notamment consacré en 1971 à l’édification de la ligne Bar-Lev le long de la rive orientale du canal de Suez.
Ambitions et Préparatifs Arabes
Après la disparition du président égyptien Gamal Abdel Nasser en septembre 1970, son successeur, Anouar el-Sadate, bien que considéré comme plus modéré, prit la résolution de restaurer la souveraineté complète de l’Égypte sur son territoire.
Sadate se montra ouvert à la négociation, se déclarant « prêt à négocier un traité de paix avec Israël » en échange de l’application par Israël de la résolution 242 (1967) des Nations unies, suite à la proposition de Gunnar Jarring, intermédiaire onusien. Cependant, les dirigeants israéliens, priorisant la sécurité militaire conférée par leur contrôle du Sinaï, firent preuve de méfiance.
De plus, certains observateurs expliquent que la situation économique désastreuse de l’Égypte, après trois ans de pouvoir de Sadate, l’obligeait à prendre des mesures impopulaires. Une victoire militaire, même mineure, contre Israël s’imposait alors comme une option stratégique pour regagner la popularité auprès d’un peuple humilié par la défaite de 1967.
De son côté, Hafez el-Assad en Syrie concentrait ses efforts sur le renforcement de son armée pour restituer à la Syrie son statut de puissance militaire régionale. Son objectif était de reprendre le Golan par la force, ce qui lui permettrait d’obtenir ultérieurement de plus grandes concessions de la part d’Israël, tout en soutenant les revendications palestiniennes de la jeune OLP menée par Yasser Arafat.
Les Relations Tenseurs et les Superpuissances
La Jordanie, sous le roi Hussein, craignait un nouveau conflit et de nouvelles pertes territoriales (ayant perdu la Cisjordanie en 1967), d’autant plus que la crise du Septembre noir en 1970 avait créé des tensions avec les positions syriennes et palestiniennes. L’Irak refusait également de combattre aux côtés de la Syrie en raison de relations tendues.
Dès 1972, Sadate annonça ouvertement la préparation à la guerre contre Israël, quitte à « sacrifier un million de soldats ». L’armée égyptienne fut modernisée et renforcée par l’apport soviétique, incluant des avions Mig-21, des missiles sol-air SA-6, des tanks T-62, des roquettes antichars RPG-7 et des missiles guidés anti-tanks AT-3 Sagger. Les généraux vaincus en 1967 furent remplacés.
Sadate réussit même à obtenir de l’URSS des armes de pointe en menaçant de se tourner vers les États-Unis. Cependant, l’Union soviétique cherchait à éviter une nouvelle confrontation afin de préserver la Détente avec les États-Unis. Après une rencontre entre les superpuissances à Oslo pour tenter de maintenir le statu quo, les Égyptiens décidèrent d’expulser 20 000 conseillers militaires soviétiques en juillet 1972. L’URSS jugeait alors faibles les chances d’une victoire égyptienne. Malgré ces tensions, l’Égypte coordonna secrètement son plan d’attaque avec la Syrie, baptisé Opération Badr (« Pleine Lune »).
L’Élément de Surprise : Le Séisme du 6 Octobre 🕵️
L’attaque conjointe égypto-syrienne réussit à prendre Israël totalement au dépourvu, un facteur qui fut décisif dans les premiers jours du conflit.
L’Échec du Renseignement Israélien
Les services secrets israéliens s’appuyaient sur des hypothèses fondamentales, appelées la « Conception ». Ces hypothèses incluaient l’idée que la Syrie n’entrerait pas en guerre sans l’Égypte.
De plus, un informateur égyptien, Ashraf Marwan (le gendre de Nasser, connu sous le nom de « L’Ange » ou « La Source ») avait indiqué que l’Égypte attendait la livraison par l’URSS de chasseurs-bombardiers (pour neutraliser l’aviation israélienne) et de missiles Scud (pour dissuader des attaques contre les infrastructures égyptiennes) avant toute offensive d’envergure. Ces équipements devaient arriver fin août, nécessitant ensuite quatre mois de formation. L’expulsion des conseillers soviétiques fut également interprétée comme un signe d’affaiblissement de l’armée égyptienne.
Ces hypothèses prévalurent malgré de nombreux signaux d’alerte. Des exercices militaires égyptiens en mai et août 1973 avaient déjà coûté 10 millions de dollars en mobilisations israéliennes, jetant le discrédit sur la thèse d’une attaque imminente. Le chef du renseignement militaire (Aman), le major-général Elie Zeira, maintenait notamment sa confiance dans la « Conception ».
Les Alertes Ignorées
Le 5 octobre 1973, Ashraf Marwan prévint pourtant le directeur du Mossad, Zvi Zamir, de l’imminence d’une déclaration de guerre, mais l’information ne fut pas immédiatement transmise au vice-Premier ministre Yigal Allon. Ce fait fut révélé par un document déclassifié en 2012, suite à la Commission Agranat.
Par ailleurs, le roi Hussein de Jordanie, bien qu’il ait refusé de joindre ses troupes à la coalition (craignant de nouvelles pertes), s’envola secrètement pour Tel Aviv dans la nuit du 25 septembre pour prévenir la Première ministre Golda Meir de l’imminence d’une attaque syrienne.
De manière « assez surprenante », cet avertissement ne fut pas pris en compte. Malgré les dizaines de signes d’alerte, le Mossad jugeait toujours improbable l’option d’une guerre lancée par les pays arabes. C’est une rencontre du chef du Mossad, Zvi Zamir, avec un contact (« Babel ») en Europe qui finit par alerter le haut commandement israélien quelques heures seulement avant l’assaut.
La Décision Controversée de Golda Meir
Face à l’imminence de l’attaque, Golda Meir prit la décision, très controversée, de ne pas lancer d’attaque préventive, contrairement à la doctrine stratégique israélienne qui prévoyait un préavis de 48 heures pour une telle action.
Cette décision fut fortement influencée par la nécessité d’obtenir une aide internationale future. Israël ne pouvait compter que sur l’aide américaine, une aide qui était conditionnée par le fait qu’Israël ne devait pas attaquer en premier. Si Israël avait lancé une frappe préventive, même justifiée, l’aide américaine n’aurait pas été assurée, comme l’a confirmé plus tard Henry Kissinger, le ministre américain des affaires étrangères.
Les Nouveautés Tactiques de l’Ennemi
Les Israéliens ne réalisèrent pas à quel point l’armée égyptienne avait évolué. Non seulement elle était mieux équipée et mieux entraînée, mais elle avait également limogé les généraux incompétents et réglé les conflits internes, assurant ainsi un commandement uni et cohérent.
Pour contrer la supériorité israélienne en aviation et en blindés, l’Égypte s’était dotée massivement de missiles antichars et sol-air. La doctrine militaire égyptienne avait été révolutionnée : alors qu’Israël s’attendait à ce que les chars égyptiens traversent rapidement le Sinaï (où ils auraient été facilement neutralisés), les Égyptiens adoptèrent la tactique inverse. Leur stratégie consistait à avancer uniquement à l’abri derrière leur parapluie défensif anti-char et anti-aérien. Cette approche rendit la doctrine militaire israélienne obsolète dans ces conditions, compliquant grandement les contre-attaques.
Enfin, les services secrets égyptiens accomplirent un excellent travail de désinformation, noyant les observateurs militaires de fausses informations sur de prétendus problèmes de maintenance ou de formation. Certains analystes estiment même que l’agent Ashraf Marwan était en réalité un agent double, induisant les Israéliens en erreur sur les intentions égyptiennes réelles.
Le Déroulement des Opérations Militaires (6-14 Octobre) 💣
Le Front du Sinaï : La Destruction de la Ligne Bar-Lev
Le 6 octobre, à 14 heures, les forces armées égyptiennes lancèrent l’Opération Badr. L’aviation, commandée par Hosni Moubarak, frappa les postes de commandement, les batteries, les radars et trois aéroports israéliens, causant la perte de onze avions égyptiens.
Simultanément, un pilonnage d’artillerie intense et des infiltrations de commandos antichars préparèrent la traversée du canal de Suez. La première vague, composée de 8 000 hommes, traversa rapidement le canal, malgré la perte de 280 soldats.
L’armée égyptienne était préparée pour une contre-attaque rapide des blindés israéliens :
- Armement massif antichar : Un soldat égyptien sur trois était équipé pour détruire les blindés, notamment grâce aux missiles antichars AT-3 Sagger (Malyutka).
- Positionnement : Les positions égyptiennes le long du canal étaient surélevées, offrant un avantage de tir certain contre les tanks israéliens.
Les Quatre Surprises Fatales à Israël
Le plan défensif israélien, y compris la Ligne Bar-Lev, reposait sur des hypothèses largement invalidées par l’attaque.
1. Le Sabotage du Dispositif Napalm : Les experts israéliens et occidentaux avaient estimé que la seule façon pour les Égyptiens de maîtriser la ligne Bar-Lev serait d’utiliser des armes nucléaires tactiques. Un point fort du dispositif israélien consistait à couvrir le canal de napalm pour incinérer toute force armée traversante ; or, le génie égyptien sabota ce dispositif avant l’assaut.
2. La Dévastation causée par le Sagger : Les forts de la ligne Bar-Lev cédèrent tous, sauf un, sous le tir de barrage de l’artillerie égyptienne. Le point le plus surprenant fut l’échec total des concentrations de blindés israéliens (qui devaient repousser l’infanterie ennemie le temps de la mobilisation) face à l’infanterie égyptienne. Grâce à l’utilisation massive des missiles Malyutka (AT-3 Sagger), facilement transportables dans une petite valise et guidés par un seul soldat, les chars purent être détruits jusqu’à 3 000 mètres. C’était la première fois dans l’histoire militaire que des forces d’infanterie réussissaient à mettre en déroute des blindés.
3. L’Échec de la Supériorité Aérienne : La stratégie israélienne dépendait de sa supériorité aérienne. Mais les Égyptiens utilisèrent massivement les missiles antiaériens SA-6 Gainful, dotés d’un système radar très sophistiqué. Les pertes israéliennes furent si importantes que l’état-major interdit à ses avions de s’approcher à moins de 5 km du canal de Suez.
4. Les Capacités du Génie Égyptien : Le renseignement militaire israélien (AMAN) avait jugé impossible pour les Égyptiens de construire des ponts rapidement. Or, les Égyptiens réussirent à construire une vingtaine de ponts sur le canal.
Le 6 octobre au soir, les Égyptiens avaient fait traverser 60 000 hommes et cinq divisions mécanisées, se déployant sur la rive est du canal.
L’armée égyptienne adopta une position défensive dans une bande de 15 km le long de la rive est. Cette tactique était plus avantageuse dans le désert, car elle permettait de rester sous la protection efficace des missiles antiaériens placés à l’ouest du canal. Les premières contre-attaques israéliennes furent toutes repoussées avec des pertes importantes. Ce revers conduisit au remplacement du commandant du front sud, Shmuel Gonen (en), par Bar-Lev.
Le Front du Golan : Bataille pour l’Altitude
Simultanément au Sinaï, sur le plateau du Golan, les Syriens lancèrent leur attaque. Ils déployèrent cinq divisions et 188 batteries d’artillerie contre seulement deux brigades et onze batteries de défense israéliennes. Environ 1 400 chars syriens (équipés pour le combat nocturne) firent face à seulement 180 chars d’assaut israéliens.
Des commandos syriens, héliportés, prirent immédiatement le bastion de surveillance le plus important sur le mont Hermon.
La chute du Golan était perçue comme un risque existentiel, car elle aurait permis aux Syriens de s’infiltrer facilement en Israël. Le front du Golan devint donc la priorité absolue des Forces de défense d’Israël, qui y envoyèrent des réservistes mobilisés d’urgence, souvent directement dans des chars sans même attendre le calibrage des canons.
Comme les Égyptiens, les Syriens utilisaient des armes antichars soviétiques et restaient sous la protection des SAM. Cependant, le terrain du Golan rendait les tirs antichars moins efficaces que dans le désert.
Malgré les prévisions syriennes, Israël parvint à mobiliser et envoyer ses unités au front après seulement 15 heures de combat. Néanmoins, à l’issue du premier jour, les Syriens remportèrent une victoire et étaient sur le point de contrôler la jonction stratégique de Nafekh, qui abritait le quartier général israélien du plateau.
Pendant quatre jours, la septième brigade israélienne, commandée par Yanush Ben Gal, résista pour maintenir le flanc Nord. La brigade « Barak » subit de lourdes pertes au Sud, où son commandant, le colonel Shoham, fut tué.
Le vent tourna à partir du 8 octobre, avec l’arrivée des réservistes israéliens qui réussirent à bloquer l’offensive. Le 10 octobre, l’armée israélienne repoussa les Syriens au-delà de la Ligne Violette (la frontière d’avant-guerre).
Le Tournant de la Guerre : L’Erreur de Sadate
Le haut commandement israélien était totalement désemparé par les capacités opérationnelles inattendues de l’armée égyptienne. Le ministre de la Défense, Moshé Dayan, faisait des rapports alarmants, craignant une « troisième destruction du Temple ».
Après plusieurs jours de succès initiaux, Sadate décida de reprendre l’offensive dès le 11 octobre pour soulager les Syriens en difficulté. Cette décision provoqua une crise de commandement l’opposant à son chef d’état-major, Saad el-Shazly. Shazly craignait qu’une sortie des blindés hors de la protection du parapluie de missiles sol-air ne mette les chars en grand danger, comme cela fut prouvé par l’anéantissement d’une brigade blindée. Tous les commandants des deuxième et troisième armées égyptiennes étaient hostiles à une attaque en profondeur.
Néanmoins, le 14 octobre, Sadate, obstiné, lança une attaque concentrée. Cet assaut se révéla être un échec cuisant et le tournant de la guerre du Kippour.
400 chars égyptiens attaquèrent 800 chars israéliens qui se trouvaient en position défensive et bénéficiaient du soutien de la force aérienne. 250 des 400 chars égyptiens furent anéantis. En mobilisant ses 4e et 21e divisions blindées pour cette attaque, Sadate vida l’ouest du canal de Suez de ses réserves stratégiques, déséquilibrant ainsi l’ensemble du dispositif égyptien.
La Contre-Offensive Israélienne et l’Encerclement 🛡️
Ayant repris l’initiative après le 14 octobre, les généraux israéliens exploitèrent la faiblesse du flanc ouest et changèrent de tactique dès le 15 octobre.
Traversée du Canal et Déploiement
À partir du 15 octobre, les Israéliens attaquèrent en utilisant leur infanterie pour s’infiltrer à pied jusqu’aux batteries de missiles sol-air et antichars.
Une division menée par le major-général Ariel Sharon attaqua la ligne égyptienne au point de jonction le plus faible, entre la deuxième armée au nord et la troisième armée au sud. Une brèche fut ouverte, permettant à une petite troupe de traverser le canal sur des canots pneumatiques pour établir une tête de pont. Une fois les missiles antiaériens et antichars neutralisés grâce à ces infiltrations, l’infanterie put à nouveau bénéficier du support de l’aviation et des blindés.
Au sud, la division de Avraham « Bren » Adan parvint à mettre en place un pont flottant dans la nuit du 16 au 17 octobre, traversant le canal dans le but d’encercler la Troisième armée égyptienne.
Une crise de commandement éclata lorsque Sharon attaqua Ismaïlia sans ordres, cherchant à couper le ravitaillement de la deuxième armée. Après avoir court-circuité la hiérarchie pour obtenir l’autorisation de Moshé Dayan, la bataille d’Ismaïlia s’engagea et dura quatre jours. Le terrain (des domaines agricoles et des manguiers) y était plus favorable à une défense d’infanterie. La division blindée de Sharon fut mise en échec par la 182e brigade de parachutistes égyptiens, appuyée par l’artillerie.
Néanmoins, au sud, les batteries de missiles côté est furent en partie détruites. Avant la fin du conflit, une division israélienne parvint à seulement 101 kilomètres de la capitale égyptienne, Le Caire.
La Poussée Israélienne en Syrie
Sur le front Nord, une fois la Ligne Violette franchie le 11 octobre, la poussée israélienne se poursuivit du 11 au 14 octobre, les amenant à 40 km des banlieues de Damas, ville désormais à portée d’artillerie.
Face à l’avancée israélienne, le roi Hussein de Jordanie décida d’envoyer son armée en soutien aux Syriens, tout en prenant soin d’éviter d’être attaqué par les Israéliens à ses propres frontières. L’Irak expédia également un contingent important (30 000 hommes, 500 chars et 700 APC). Les efforts combinés des armées arabes stoppèrent l’avancée israélienne.
Le 22 octobre, après de lourdes pertes dues aux francs-tireurs syriens, les brigades israéliennes récupérèrent finalement la position stratégique du mont Hermon.
Les Opérations Navales
La marine israélienne remporta une victoire retentissante lors de la bataille navale de Lattaquié contre les Syriens le 7 octobre, démontrant l’efficacité de ses moyens d’auto-défense (ECM). Israël confirma sa supériorité navale en Méditerranée avec une seconde victoire le 9 octobre à Damiette contre la marine égyptienne.
Le bilan de la guerre navale fut largement favorable à Israël, qui coula ou endommagea gravement quinze bâtiments, ne perdant pour sa part que deux patrouilleurs légers. Des opérations commando (par nageurs de combat) furent également menées par les deux marines contre les bases adverses.
L’Intervention Internationale et le Cessez-le-feu 🕊️
Durant cette période décisive, le ravitaillement des belligérants par les deux superpuissances fut intense.
Les États-Unis mirent en place l’opération Nickel Grass pour réapprovisionner Israël après de lourdes pertes dans le Sinaï. De leur côté, l’Algérie, le Maroc, l’Arabie saoudite et le Koweït fournirent une aide militaire ou financière à la coalition arabe. L’Algérie envoya notamment des escadrons de bombardiers et de chasseurs dès le 9 octobre, ainsi qu’une brigade blindée. L’Iran refusa de fournir ses F-4 Phantom II à Israël, mais lui fournit du matériel militaire tout en livrant du pétrole à l’Égypte. Même la Corée du Nord et l’Allemagne de l’Est contribuèrent en envoyant des pilotes.
Résolution 338 et Crise Nucléaire
Le Conseil de sécurité des Nations unies adopta la Résolution 338 le 22 octobre 1973, négociée par les États-Unis et l’Union soviétique. Cette résolution réaffirmait la validité de la Résolution 242 (1967) et exigeait un cessez-le-feu immédiat ainsi que l’ouverture de négociations.
Le cessez-le-feu devait prendre effet douze heures plus tard, à 19 heures, à la tombée de la nuit.
Cependant, alors que les armées se regroupaient, les combats reprirent sur les fronts égyptiens et syriens après l’heure du cessez-le-feu, à l’initiative d’Israël. Sans en référer à l’état-major, les officiers de terrain israéliens profitèrent de cette rupture pour encercler la Troisième armée égyptienne à l’ouest du canal de Suez.
Au matin, les vols de reconnaissance soviétiques confirmèrent cette avancée, et l’URSS accusa Israël de non-respect du cessez-le-feu. L’Union soviétique intensifia la pression, et Brejnev envoya une lettre à Nixon dans la nuit du 23 au 24 octobre, menaçant même d’intervenir militairement aux côtés de l’Égypte si les États-Unis n’assuraient pas le respect du cessez-le-feu.
Bien qu’affaibli par le scandale du Watergate, Nixon ne fut pas consulté par ses conseillers qui prirent des mesures d’apaisement. Cependant, le responsable soviétique Nikolaï Podgorny confia plus tard avoir été surpris par la peur des Américains, car les Soviétiques n’auraient probablement pas déclenché la Troisième Guerre mondiale pour ce conflit. Les États-Unis suggérèrent finalement à Sadate de renoncer à sa demande d’assistance aux Soviétiques, ce qu’il accepta.
Les négociations aboutirent à un cessez-le-feu ratifié par l’ONU le 25 octobre 1973. Sur le front Nord, Hafez el-Assad décida d’abandonner une contre-attaque massive prévue pour le 23 octobre après l’imposition du cessez-le-feu.
Les Négociations d’Après-Guerre
Bien que les combats organisés aient cessé vers le 26 octobre, les tensions persistaient, notamment autour de la Troisième armée égyptienne, encerclée et privée de ravitaillement.
La situation offrit aux États-Unis une opportunité stratégique : ils purent convaincre l’Égypte de se retirer définitivement de l’influence soviétique, en échange du sort de la Troisième armée. Henry Kissinger fit pression sur Israël, mais Sadate proposa de négocier directement avec Israël le ravitaillement du contingent encerclé, ce qui mena au cessez-le-feu définitif.
Les discussions directes eurent lieu le 28 octobre entre les majors généraux Aharon Yariv (Israélien) et Muhammad al-Ghani al-Gamasy (Égyptien). Un accord de désengagement fut trouvé au sommet de Genève, suivi par le retrait israélien de la partie ouest du canal de Suez le 5 mars 1974.
En 1974, un accord de désengagement final fut établi par Kissinger, prévoyant l’échange de prisonniers, le retrait israélien jusqu’à la Ligne Violette et l’établissement d’une zone tampon surveillée par l’ONU dans le Golan.
Bilan et Conséquences Durables du Conflit 📉
Bilan Humain et Coûts
Le conflit se solda par des pertes significatives:
| Camp | Nombre de Morts | Nombre de Blessés |
|---|---|---|
| Coalition Arabe (Égypte, Syrie, Irak) | Environ 9 500 | 19 850 |
| Israël | 2 297 à 2 691 | 8 135 |
Le Choc Pétrolier de 1973 ⛽
La principale conséquence mondiale de cette guerre fut le choc pétrolier de 1973. En réaction au soutien américain à Israël, les pays arabes décidèrent, le 17 octobre 1973, d’un embargo sur le pétrole à destination des États occidentaux. L’Opaep (Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole) décida alors d’augmenter le prix du baril de pétrole de 70 % et de réduire sa production.
Crise Politique et Remise en Question en Israël 🇮🇱
La guerre du Kippour fut un véritable choc moral pour Israël. Les mythes de l’invincibilité de l’armée et de l’infaillibilité des services de renseignement s’effondrèrent. L’image de marque d’Israël se dégrada dans le monde, amplifiant son isolement diplomatique.
Quatre mois après la fin de la guerre, d’intenses protestations s’élevèrent contre le gouvernement, visant particulièrement Moshé Dayan. La Commission Shimon Agranat fut demandée pour enquêter sur les erreurs ayant précédé et marqué les premiers jours de la guerre.
Les résultats, publiés le 2 avril 1974, désignèrent six personnes responsables des erreurs :
- Le général David Elazar fut poussé à la démission pour ses hypothèses erronées et le manque de préparation.
- Eli Zeira (Renseignement) et le député Aryeh Shalev furent contraints de démissionner.
- Le commandant du front sud, Shmuel Gonen (en), fut démis de ses fonctions militaires.
Bien que les responsabilités de Moshé Dayan et Golda Meir n’aient pas été officiellement reconnues, l’opinion publique mécontente réclama leur départ. Finalement, Golda Meir démissionna le 11 avril 1974, entraînant la chute de son gouvernement. Yitzhak Rabin prit la tête du nouveau gouvernement en juin.
Vers la Paix : La Normalisation Égypto-Israélienne
Pour les Arabes, et particulièrement les Égyptiens, le succès militaire initial permit de guérir le traumatisme de la défaite de 1967. Cela leur permit de négocier avec Israël sur un pied d’égalité. Bien que le plan arabe ait démarré comme prévu, la guerre démontra qu’Israël ne pouvait pas être vaincu militairement. Il devint alors évident que les négociations de paix étaient la seule voie pour obtenir ce qui ne pouvait être gagné sur le terrain.
En novembre 1977, le président égyptien Anouar el-Sadate, désireux de récupérer le Sinaï et frustré par la lenteur des discussions, effectua un voyage officiel inattendu en Israël. Il prononça un discours historique devant la Knesset, devenant le premier dirigeant arabe à reconnaître de facto l’existence d’Israël.
Ce geste accéléra le processus de paix. Le président américain Jimmy Carter invita Sadate et Menahem Begin (le nouveau Premier ministre israélien, suite à la victoire du Likoud en 1977) à un sommet à Camp David. Les discussions eurent lieu du 5 au 17 septembre 1978 et aboutirent aux accords de Camp David, formalisant la normalisation des relations entre l’Égypte et Israël.
Le traité de paix israélo-égyptien de 1979 prévoyait qu’Israël retire ses troupes et ses implantations de toute la péninsule du Sinaï en échange de relations normales et d’un engagement égyptien à ne plus attaquer Israël, un engagement toujours respecté de nos jours. La frontière entre les deux pays fut rouverte, permettant aux populations de voyager chez leur ancien ennemi.
Ce traité suscita cependant un scandale au sein de la communauté arabe. L’Égypte fut exclue de la Ligue arabe. Tragiquement, Sadate fut assassiné le 6 octobre 1981, jour du huitième anniversaire du début de la guerre, par des éléments de son armée appartenant au Jihad islamique égyptien qui désapprouvaient ses négociations avec Israël.
Héritage Militaire et Enseignements Stratégiques 💡
La guerre du Kippour fut un conflit plus équilibré et plus disputé que ce qui a souvent été présenté, et elle marqua une étape cruciale dans l’évolution de la doctrine militaire moderne. Les forces en présence étaient moins déséquilibrées, et l’impact de l’aide matérielle des superpuissances n’était pas aussi décisif que prétendu.
Ce conflit fut le premier conflit mécanisé de haute intensité depuis la Seconde Guerre mondiale. Il a permis de tirer des leçons fondamentales :
- Renseignement et Surprise : La guerre démontra l’importance critique du renseignement pour contrer l’effet de surprise.
- Haute Technologie : La haute technologie eut un impact considérable. La notion de C3I (Commandement, Contrôle, Communications et Renseignement) s’imposa comme une donnée fondamentale du combat moderne.
- Le Rôle des Missiles : L’efficacité des missiles (comme le SA-6 et le Sagger) fut réelle, mais a parfois été exagérée.
- Interarmes : Le char et l’avion restèrent des vecteurs essentiels du combat mécanisé, mais à la condition impérative de s’intégrer dans un environnement interarmes leur assurant soutien et protection. Contrairement à la guerre des Six Jours, l’aviation, bien qu’importante, ne fut pas aussi décisive et fut entravée par la défense antiaérienne égyptienne. Ce sont les chars qui, une fois le dispositif de missiles neutralisé, ouvrirent la voie aux avions.
- Le Facteur Humain : Malgré l’introduction de technologies avancées, le facteur humain continua de jouer un rôle essentiel dans la conduite de la bataille.
- Victoire au Sol : De manière globale, les événements confirmèrent que la guerre se gagnait ou se perdait au sol.
La guerre du Kippour a ainsi validé, nuancé ou rejeté de nombreux concepts opérationnels, servant de banc d’essai à de nombreuses armes récentes, et forçant les doctrines militaires à s’adapter à l’ère des missiles guidés et de l’approche interalliée.
