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L’Attaque de Pearl Harbor : Le Jour qui a Plongé les États-Unis dans la Guerre Mondiale 💣
L’attaque de Pearl Harbor, survenue le 7 décembre 1941, constitue l’un des événements les plus marquants de l’histoire des États-Unis et marque le déclenchement de la guerre du Pacifique. Cette offensive fut une attaque surprise menée par les forces aéronavales de l’Empire du Japon contre la principale base navale américaine de Pearl Harbor, située sur l’île d’Oahu, à Hawaï.
L’objectif principal de cette opération, autorisée par l’empereur Hirohito, était d’anéantir la Flotte du Pacifique de l’US Navy. Les Japonais cherchaient ainsi à se prémunir contre toute opposition militaire américaine alors qu’ils établissaient leur sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale. Cette attaque représentait également une réponse directe aux sanctions économiques imposées par Washington en juillet 1941, suite à la politique impérialiste japonaise en Chine et en Indochine française.
L’offensive fut conduite par le service aérien de la Marine impériale japonaise, sous la direction du vice-amiral Chuichi Nagumo. Elle impliqua plus de 400 avions lancés en deux vagues aériennes depuis six porte-avions. L’événement se solda par une victoire tactique japonaise mais provoqua l’entrée immédiate et décisive des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale.
I. Le Contexte de la Montée des Tensions geopoliticales 🌍
A. L’Expansionnisme du Japon Shōwa et l’Isolationnisme Américain
L’attaque de Pearl Harbor trouve ses racines dans la stratégie d’expansion territoriale que l’Empire du Japon poursuivait en Asie orientale depuis l’ère Meiji (1868-1912). Cette croissance, à la fois économique, politique et militaire, visait à garantir au Japon un approvisionnement en matières premières essentiel à son développement.
L’expansionnisme nippon s’était manifesté par l’annexion de Formose (1895), du Sud de Sakhaline (1905) et de la Corée (1910). Dans l’entre-deux-guerres, le pays se dota d’une marine de guerre moderne. Suite à la Grande Dépression, la montée des nationalistes et des militaires durant l’ère Shōwa conduisit à l’invasion de la Mandchourie en 1931, transformée en État fantoche (Mandchoukouo), puis à l’invasion du reste de la Chine à partir de 1937.
Ces conquêtes menaçaient directement les intérêts américains en Asie orientale. Washington intervint alors diplomatiquement et économiquement :
- Le traité de Washington (1922) avait déjà limité le tonnage de la flotte japonaise au troisième rang mondial.
- En 1933, Tokyo quitta la Société des Nations en réponse aux pressions internationales après l’invasion de la Mandchourie.
- Entre 1935 et 1937, les États-Unis adoptèrent une politique de non-intervention avec la promulgation des lois sur la neutralité.
La tension s’accéléra en décembre 1937 lorsque des avions japonais coulèrent la canonnière américaine Panay sur le Yang-tse-Kiang, suscitant des excuses mais augmentant rapidement la crispation entre les deux pays.
En 1939, le gouvernement américain mit fin au traité de commerce de 1911, une démarche préludant à un embargo commercial. Le Japon rejoignit ensuite les forces de l’Axe en signant le Pacte tripartite en 1940. Profitant de la défaite française, le Japon obtint l’implantation de bases militaires en Indochine française cette même année.
B. L’Escalade et l’Embargo de 1941
L’année 1941 fut celle de l’escalade. En mai, Washington accorda son soutien à la Chine via la loi prêt-bail. Le tournant décisif eut lieu le 26 juillet 1941 : suite au refus du Japon de se retirer d’Indochine et de Chine (hors Mandchoukouo), les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas décrétèrent un embargo complet sur le pétrole et l’acier, ainsi que le gel des avoirs japonais sur le sol américain.
Cet embargo fut dévastateur pour le Japon, dont l’approvisionnement en pétrole fut réduit de 90 % en cinq mois. Angoissé à l’idée d’être privé de ces ressources précieuses, le gouvernement japonais réalisa qu’une solution devait être trouvée rapidement pour sortir de l’impasse.
C. La Décision Finale : Négociation ou Guerre
La conférence impériale du 6 septembre 1941 décida que le Japon entreprendrait la guerre contre les États-Unis et le Royaume-Uni si aucun accord n’était trouvé avec Washington sous peu.
Deux courants s’opposaient :
- Fumimaro Konoe (Premier ministre) et l’Empereur soutenaient la poursuite des négociations pour la paix.
- Les chefs militaires (comme Osami Nagano) insistaient pour une entrée en guerre immédiate, estimant que plus elle surviendrait tôt, plus les chances de victoire augmenteraient.
Le compromis fut de poursuivre les préparatifs militaires tout en accordant quelques semaines à la diplomatie.
Le 16 octobre, Konoe démissionna, comprenant que l’élan vers la guerre était difficile à arrêter, et fut remplacé par le général Hideki Tōjō, un partisan ferme de la guerre, mais aussi réputé pour sa fidélité à l’institution impériale. Tōjō accepta de promouvoir les négociations, bien que la guerre fût déjà considérée comme « quasiment assurée ».
Le Japon se retrouva face à un dilemme : « la paix dans l’austérité au sein d’un monde dominé par l’Amérique ou la guerre assortie d’une défaite probable mais en défendant l’honneur national », comme l’expliquait l’historien Ian Kershaw.
Face à l’échec des propositions diplomatiques japonaises (Plans A et B), et le secrétaire d’État Cordell Hull ne souhaitant plus d’entente, l’amiral Osami Nagano présenta la version finale du plan d’attaque à Hirohito le 3 novembre. L’Empereur approuva le 5 novembre 1941 le plan d’opération pour une guerre contre les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, et finalement la guerre de la Grande Asie orientale fut approuvée le 1er décembre.
II. La Base de Pearl Harbor et les Forces en Présence ⚓
A. Le Site et les Installations
Pearl Harbor constituait la plus grande base navale américaine dans l’océan Pacifique. Elle est située sur l’île d’Oahu, dans l’archipel d’Hawaï, isolée à 3 500 km de Los Angeles et 6 500 km de Tokyo. L’entrée de la rade est caractérisée par un chenal très étroit (400 mètres de large).
Par souci d’économie et de manque de place, les bâtiments de guerre étaient amarrés deux par deux. Le commandant des forces terrestres était le général Walter Short, et la flotte du Pacifique était dirigée par l’amiral Husband Kimmel.
Le dimanche 7 décembre 1941, la flotte du Pacifique comptait 86 unités dans la base, dont :
- 8 cuirassés.
- 9 croiseurs.
- 28 destroyers.
- Environ 300 avions et hydravions étaient également stationnés sur l’île.
Il est important de noter que les États-Unis n’étaient pas prêts à entrer en guerre en 1941. Malgré une population de 132 millions d’habitants, leur industrie ne tournait pas à plein potentiel, et l’aviation comptait beaucoup d’avions obsolètes. De plus, 20 % de la flotte du Pacifique (notamment trois cuirassés et un porte-avions) avaient été transférés dans l’Atlantique entre avril et juin 1941 pour soulager le Royaume-Uni dans la bataille de l’Atlantique, ce qui avait laissé la supériorité numérique à la marine japonaise dans la zone.
B. La Puissance Aéronavale Japonaise
En face, le Japon disposait en 1941 d’une force militaire conséquente, forte d’une quinzaine de cuirassés, d’une dizaine de porte-avions et d’environ 1 350 avions. Animés d’un fort patriotisme et d’un esprit de sacrifice, les Japonais étaient confiants dans la supériorité de leur armée.
III. La Stratégie et les Préparatifs Japonais ⚙️
A. Un Plan Audacieux et Secret
L’objectif japonais était de détruire la flotte américaine, forçant ainsi les États-Unis à se replier sur la Californie. L’amiral Isoroku Yamamoto fut chargé des préparatifs, élaborés dès le début de 1941.
Le plan devait surmonter deux défis majeurs :
- L’isolement d’Hawaï rendait l’utilisation de navires classiques difficile.
- Les eaux peu profondes de la rade de Pearl Harbor empêchaient l’utilisation de torpilles conventionnelles, qui auraient explosé sur le fond marin.
La stratégie japonaise s’inspira de l’effet de surprise de l’attaque de Port-Arthur contre la flotte russe en 1904, ainsi que de l’utilisation des bombardiers-torpilleurs lancés depuis un porte-avions par les Britanniques lors de la bataille de Tarente contre la flotte italienne en novembre 1940. Des experts japonais furent envoyés en Italie pour recueillir des informations sur les torpilles.
Afin de contourner le problème des eaux peu profondes, les ingénieurs militaires japonais durent créer des torpilles spéciales (Type 91) munies d’ailerons pour les stabiliser, ainsi que des bombes capables de percer la coque des navires.
B. Le Renseignement et le Facteur Surprise
Le succès reposait sur le secret et la surprise. L’observation de la base fut confiée à un espion, Takeo Yoshikawa, opérant sous la couverture du consulat japonais. Bien qu’un message clé (le « message 83 ») demandant les positions exactes des navires ait été décodé par les Américains en octobre, il ne fut pas communiqué au commandement d’Hawaï.
Les renseignements confirmèrent qu’il fallait attaquer un dimanche, car la flotte américaine n’était pas en manœuvre et les équipages n’étaient pas complets, sans patrouille ce jour-là.
L’amiral Yamamoto, après avoir menacé de démissionner face aux réticences de l’amiral Nagano, obtint finalement l’approbation de son plan en octobre 1941. Le 5 novembre, l’Empereur Hirohito approuva le plan d’attaque.
C. Le Voyage de l’Armada
Le 14 novembre 1941, la « flotte combinée » se concentra dans la baie d’Hito-Kappu. L’armada, ou Kidô Butai, était composée de six porte-avions : Akagi, Kaga, Sōryū, Hiryū, Shōkaku, et Zuikaku. Elle transportait plus de 400 avions : des chasseurs Zéros (Mitsubishi A6M), des bombardiers-torpilleurs Kate (Nakajima B5N) et des bombardiers en piqué Val (Aichi D3A).
Le 26 novembre, l’armada quitta secrètement le Japon en se dirigeant vers Hawaï par le nord, empruntant une route peu fréquentée.
Le 6 décembre, la flotte, située à 370 km au nord de Pearl Harbor, reçut l’ordre officiel d’attaque : « Escaladez le mont Niitaka ».
D. La Déclaration de Guerre Arrivée Trop Tard
Parallèlement au départ de la flotte, les négociations diplomatiques étaient dans l’impasse. Le 6 décembre, Washington reçut un document codé en 14 points signifiant la rupture des relations diplomatiques, avec consigne de le remettre au secrétaire d’État Cordell Hull le 7 décembre à 13 h, heure de Washington (soit 7 h 30, heure d’Hawaï).
Cependant, le long et complexe message fut remis en retard par l’ambassade japonaise. Les services de renseignement américains avaient réussi à décoder le message plus rapidement, mais il manquait le dernier point (la déclaration de guerre). Le général George Marshall, alerté par la teneur du message, envoya un télégramme d’alerte aux bases américaines (dont Pearl Harbor) à 11 h 58, heure de Washington (6 h 28 à Hawaï). En raison de défaillances techniques et de la mauvaise coordination, cette alerte arriva à Hawaï plusieurs heures après les bombardements.
IV. Le Jour de l’Infamie : Le 7 Décembre 1941 💥
L’attaque débuta massivement dans la nuit du 6 au 7 décembre. Elle fut lancée à 7 h 48 du matin, heure d’Hawaï.
A. Missions de Reconnaissance et Premiers Signes
Vers minuit, cinq sous-marins de poche furent lancés vers l’île d’Oahu.
- À 3 h 58, le dragueur de mines USS Condor signala un sous-marin, mais l’alerte ne fut pas donnée.
- À 6 h 37, le destroyer USS Ward repéra et détruisit un sous-marin, mais l’amirauté de Pearl Harbor ne donna toujours pas l’alerte.
Vers 7 h, la première vague d’avions japonais fut détectée par un radar SCR-270 à Opana Point. Les soldats George Elliot Jr. et Joseph Lockard signalèrent la présence des avions, mais le lieutenant Kermit A. Tyler rejeta l’information, croyant qu’il s’agissait de bombardiers B-17 attendus de Californie.
À 7 h 30, un avion de reconnaissance japonais donna le signal : « Pearl Harbor dort ».
B. Les Vagues d’Assaut
L’attaque fut menée en deux vagues aériennes.
1. La Première Vague (7 h 40)
La première vague de 183 avions, menée par le capitaine de frégate Mitsuo Fuchida, survola la base. Les bombardiers torpilleurs volaient à basse altitude et les bombardiers à haute altitude.
- 7 h 53 : Les premières bombes nippones furent larguées.
- Le contre-amiral Patrick Bellinger donna l’alerte. Le commandant Logan Ramsey prononça le célèbre message : « Air raid Pearl Harbor. This is not a drill » (« Attaque aérienne sur Pearl Harbor. Ceci n’est pas un exercice ») à 7 h 58.
Les Japonais exploitèrent l’effet de surprise pour cibler les navires les plus importants. Les cinq sous-marins de poche participèrent également au torpillage. Sur les dix hommes à bord, neuf moururent, et le seul survivant, Kazuo Sakamaki, fut capturé, devenant ainsi le premier prisonnier de guerre japonais du conflit.
2. La Deuxième Vague (8 h 30)
La seconde vague, composée de 167 appareils et menée par Shigekazu Shimazaki, arriva à 8 h 30, visant le flanc gauche. Contrairement à la première, elle ne mobilisa pas les avions torpilleurs, jugés trop vulnérables face à la DCA désormais en alerte.
La seconde vague s’acheva à 9 h 45. Après l’attaque, des avions, dont le B5N2 de Fuchida, survolèrent le site pour évaluer les dommages.
C. La Résistance Américaine
Malgré la panique et le manque de préparation, plusieurs militaires firent preuve d’héroïsme.
- L’amiral Isaac C. Kidd et le capitaine Franklin Van Valkenburgh furent tués sur le pont de l’USS Arizona en tentant d’organiser la défense et reçurent la Médaille d’honneur à titre posthume.
- Le cuisinier afro-américain Doris « Dorie » Miller, servant sur l’USS West Virginia, utilisa une mitrailleuse anti-aérienne pour tirer sur les avions japonais, touchant au moins un appareil. Il fut récompensé par la Navy Cross.
- Le destroyer USS Aylwin parvint à appareiller avec seulement quatre officiers inexpérimentés à bord.
Dans le ciel, l’opposition principale fut assurée par une poignée de chasseurs (Curtiss P-36 Hawk et Curtiss P-40 Warhawk) et les défenses anti-aériennes.
D. La Troisième Vague Avortée
L’amiral Nagumo, contre l’avis de certains officiers, décida de renoncer à la troisième attaque. Cette décision, considérée par certains historiens comme un échec stratégique majeur, empêcha la destruction des dépôts de carburant et des ateliers de réparation.
Les raisons de ce retrait prématuré étaient multiples :
- L’effet de surprise avait totalement disparu, et les défenses anti-aériennes avaient causé les deux tiers des dommages japonais lors de la seconde vague.
- Le risque d’une contre-attaque américaine (notamment si les porte-avions étaient localisés) était trop grand.
- L’armada avait atteint la limite de ses capacités logistiques et devait éviter le risque de manquer de carburant.
- L’objectif initial, qui était de neutraliser la flotte de combat américaine, semblait atteint.
V. Bilan de l’Attaque : Pertes et Paradoxes 💔
A. Bilan Dévastateur Côté Américain
Le bilan humain fut extrêmement lourd : 2 403 Américains sont morts et 1 178 ont été blessés.
Les pertes humaines se répartissaient entre l’US Navy (2 008 morts), l’US Army (218 morts), l’US Marine Corps (109 morts) et les civils (68 morts). Près de la moitié des pertes, soit 1 177 hommes, fut causée par l’explosion et le naufrage de l’USS Arizona, touché par une bombe modifiée de 800 kg qui traversa le blindage et explosa dans la soute à munitions.
Sur le plan matériel, l’attaque cibla principalement les cuirassés :
| Nom du Navire | Type | Touché par | Bilan | Retour au combat |
|---|---|---|---|---|
| USS Arizona | Cuirassé | 2 bombes de 800 kg | Détruit (explosion) | Définitif (Mémorial) |
| USS Oklahoma | Cuirassé | 5 torpilles | Coulé (chavirement) | Définitif |
| USS Utah | Bateau cible | 2 torpilles | Coulé | Définitif |
| USS West Virginia | Cuirassé | 7 torpilles, 2 bombes | Sérieusement endommagé | Juillet 1944 (31 mois) |
| USS California | Cuirassé | 2 torpilles, 1 bombe | Sérieusement endommagé | Janvier 1944 (25 mois) |
| USS Nevada | Cuirassé | 1 torpille, 5 bombes | Endommagé (échoué) | Octobre 1942 (10 mois) |
| USS Tennessee | Cuirassé | 2 bombes (défectueuses) | Dommages légers | Février 1942 (2 mois) |
| USS Maryland | Cuirassé | 2 bombes (défectueuses) | Dommages légers | Février 1942 (2 mois) |
| USS Pennsylvania | Cuirassé | 1 bombe | Dommages légers | Mars 1942 (3 mois) |
Au total, 2 cuirassés et 1 bateau cible furent coulés, et 6 cuirassés furent endommagés. Cependant, 80 % des navires touchés purent être remis en état et modernisés dans les mois qui suivirent.
L’aviation fut également très touchée : 188 avions furent détruits et 128 endommagés. Les Japonais trouvèrent 155 avions stationnés aile contre aile, une disposition adoptée pour éviter le sabotage (la peur d’une cinquième colonne parmi les Américano-Japonais).
B. Bilan Léger Côté Japonais
Les pertes japonaises furent minimes :
- 64 morts (aviateurs et sous-mariniers).
- 29 avions détruits (9 en première vague, 20 en seconde vague).
- 5 sous-marins de poche coulés ou capturés.
C. Un Succès à Relativiser Stratégiquement
L’attaque fut une réussite tactique extraordinaire, mais un échec stratégique.
Le plus grand paradoxe réside dans l’absence des trois porte-avions américains du Pacifique : l’USS Enterprise (à 300 km, rentrant au port), l’USS Lexington (livrant des avions à Midway) et l’USS Saratoga (à San Diego). Ces navires, épargnés, jouèrent un rôle crucial dès 1942.
De plus, l’incapacité de détruire les infrastructures clés (les pistes, le port, les réservoirs de carburant et surtout les ateliers de réparation) assura que la base resta opérationnelle et que les navires endommagés purent être remis en service.
Contrainte de se battre sans l’avantage des cuirassés, la marine américaine se concentra rapidement sur le développement de Task Forces combinant porte-avions et sous-marins, adoptant ainsi la stratégie même utilisée par Yamamoto à Pearl Harbor. L’amiral Yamamoto avait lui-même estimé que l’avantage de la surprise ne durerait que deux ans avant que la capacité industrielle américaine ne donne aux États-Unis une supériorité écrasante.
VI. Conséquences et Portée Historique de l’Événement 📜
A. L’Entrée en Guerre des États-Unis
L’attaque de Pearl Harbor provoqua instantanément l’entrée des États-Unis dans le conflit mondial.
Le 8 décembre 1941, le président Franklin Delano Roosevelt s’adressa au Congrès, qualifiant le 7 décembre 1941 de « date qui restera à jamais marquée dans l’Histoire comme un jour d’infamie ». Il demanda au Congrès de déclarer l’état de guerre contre le Japon. Le Congrès vota la déclaration de guerre à la quasi-unanimité (seule la députée pacifiste Jeannette Rankin s’y opposa).
L’entrée en guerre fut saluée par les Alliés. Winston Churchill écrivit qu’il ressentait une « immense joie », comprenant que la République américaine était désormais engagée « jusqu’au cou et à mort ».
La mobilisation s’élargit avec la loi sur la conscription du 20 décembre 1941, et le pays dut convertir son économie pour répondre aux besoins de la guerre, avec le « programme de la Victoire » annoncé en janvier 1942. L’entrée des États-Unis marqua un tournant décisif dans la mondialisation du conflit.
B. La Réaction des Alliés et de l’Axe
Dans les heures et jours qui suivirent, le Royaume-Uni (et son Empire : Canada, Australie, Afrique du Sud) déclara la guerre au Japon.
L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste déclarèrent la guerre aux États-Unis le 11 décembre 1941. Bien que le pacte tripartite ne les y obligeât pas strictement, les relations s’étaient détériorées, et Hitler sous-estimait la puissance productive américaine et sa capacité à combattre sur deux fronts.
Parallèlement à Pearl Harbor, le Japon lança des attaques sur les bases militaires britanniques et américaines : Malaisie, Hong Kong, Guam et Wake, ouvrant la voie à une expansion rapide dans le Sud-Est asiatique, avec la capture de Hong Kong (25 décembre) et Singapour (janvier 1942).
C. Le Sentiment Anti-Japonais et l’Internement
Aux États-Unis, l’attaque de Pearl Harbor, synonyme de désastre national, galvanisa la nation et unit le peuple contre l’Empire du Soleil levant.
Cependant, elle engendra aussi un sentiment de trahison et une peur de l’espionnage. Le général John DeWitt et le secrétaire à la Marine Frank Knox évoquèrent l’existence d’une « cinquième colonne ». Des rumeurs infondées (comme des ouvriers nippons coupant les champs de canne à sucre en forme de flèches pour guider les avions) circulèrent à Hawaï.
Dans ce climat, le président Roosevelt signa l’ordre exécutif 9066 le 19 février 1942. Cet ordre conduisit à l’internement de 110 000 Japonais et citoyens américains d’origine japonaise dans des camps (à l’exception des Japonais d’Hawaï, dont l’armée avait besoin de la main d’œuvre). Le Congrès américain présenta des excuses officielles pour ces arrestations arbitraires et indemnisations en 1988.
L’attaque de Pearl Harbor est parfois citée comme explication de la détermination américaine à procéder aux bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki. L’événement est toujours comparé soixante ans plus tard aux attentats du 11 septembre 2001.
VII. Controverses et Erreurs Américaines 🔍
L’ampleur du désastre provoqua des polémiques immédiates. Entre 1941 et 1946, sept commissions enquêtèrent sur les responsabilités et les négligences.
A. Les Négligences Locales
La première commission (Roberts, janvier 1942) accusa l’amiral Kimmel et le général Short de manquement à leur devoir, les relevant de leurs fonctions.
Plusieurs erreurs et défaillances s’étaient accumulées, contribuant au succès japonais :
- Défenses inadéquates : L’entrée de la rade n’était pas protégée par des filets anti-torpilles.
- Cibles parfaites : Les navires étaient alignés côte à côte pour des raisons d’économie, offrant des cibles idéales.
- Aviation vulnérable : Short, craignant le sabotage par les populations japonaises d’Hawaï, avait ordonné que les avions soient regroupés aile contre aile, facilitant leur destruction par l’attaque aérienne.
- Erreur de jugement : Le radar fut ignoré, et les premiers bombardements furent pris pour un exercice ou l’arrivée des B-17 de Californie.
- Renseignement manquant : La cryptanalyse des messages japonais n’a pas été transmise à temps à Hawaï, en partie parce que Marshall préféra le télégraphe, et qu’il n’y avait aucun décodeur sur place.
B. La Controverse Roosevelt
Une thèse historique très controversée affirme que le président Franklin Delano Roosevelt était au courant de l’attaque et l’aurait délibérément laissé faire pour provoquer l’indignation populaire, briser l’isolationnisme dominant, et faire ainsi entrer son pays en guerre.
Cette théorie fut avancée initialement par les officiers déchus (comme Kimmel dans ses Mémoires de 1955) et reprise par des critiques de Roosevelt et de sa politique étrangère. Le contre-amiral Robert Alfred Theobald affirma que Roosevelt « mainten[ait] la flotte du Pacifique dans les eaux hawaïennes comme appât ».
Les arguments cités par les partisans de cette thèse incluent :
- L’absence prétendument providentielle des trois porte-avions le jour de l’attaque.
- Le fait que les nombreux messages d’avertissement (y compris ceux de l’agent double Dušan Popov) aient été ignorés ou délibérément non transmis à Hawaï.
- Le fait que la déclaration de guerre japonaise n’ait été reçue qu’après les bombardements.
C. Le Démenti Stratégique
La plupart des historiens et des éléments factuels réfutent la thèse du complot délibéré.
- Le rôle du cuirassé : En 1941, la valeur tactique des porte-avions était encore méconnue ; le cuirassé était considéré comme le navire principal. Si Roosevelt ou l’état-major avaient été au courant, ils auraient fait partir les cuirassés au large et auraient sacrifié les porte-avions, un choix qui aurait été bien plus néfaste stratégiquement pour la suite de la guerre.
- L’amiral Chester Nimitz a d’ailleurs analysé en 1945 qu’une alerte précoce (24 heures) aurait conduit l’amiral Kimmel à envoyer la flotte à la rencontre des Japonais en haute mer, où, sans porte-avions efficaces, « les Japonais auraient coulé chacun de nos bateaux ».
- Erreur humaine : L’échec de la transmission du message d’alerte fut attribué au décalage horaire, aux maladresses, et aux problèmes techniques, ainsi qu’à l’incompétence et au cloisonnement des services de renseignement américains.
Rien ne prouve que Roosevelt ait souhaité l’attaque de Pearl Harbor. Le désastre fut le résultat de la planification minutieuse du Japon, combinée à une série de négligences locales et de circonstances défavorables aux Américains. La priorité de Roosevelt était le théâtre européen, et c’est finalement la déclaration de guerre de l’Allemagne et de l’Italie le 11 décembre qui a pleinement impliqué les États-Unis dans le conflit européen.
