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La Loi du 9 Décembre 1905 : Fondation de la Laïcité Française et Rupture avec l’Ancien Régime ⚖️🇫🇷
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est une loi française fondamentale, reconnue comme l’un des actes fondateurs de la sécularisation de l’État et la codification de la laïcité en France. Adoptée à l’initiative du député républicain-socialiste Aristide Briand, cette législation a mis fin de manière unilatérale au régime concordataire de 1802, régime qui régissait les relations entre le gouvernement français et l’Église catholique depuis la signature du concordat de 1801 entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII.
L’adoption de la loi, entrée en vigueur le 1er janvier 1906, a conclu près de vingt-cinq années d’affrontements violents et de débats passionnés sur la place des institutions religieuses dans la société française. Elle proclame deux principes cardinaux : la liberté de conscience et la garantie du libre exercice des cultes (Article 1er), tout en posant le principe que la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (Article 2).
Cet article propose un examen détaillé du contexte historique, des travaux parlementaires ardus, du contenu précis du texte législatif, des conséquences immédiates (telles que la « tourmente des inventaires ») et de l’évolution de la loi au fil du temps, y compris les régimes d’exception et les polémiques contemporaines.
1. Contexte : Une Séparation Douloureuse et Inéluctable 😫
La loi de 1905 n’est pas une création ex nihilo mais le point d’orgue d’un long processus historique et philosophique.
1.1. Les Racines Historiques de la Séparation
La question de la séparation de l’Église et de l’État est relancée en Europe au XVIIIe siècle par les philosophes des Lumières, notamment John Locke. En France, une première tentative de séparation a lieu sous la Révolution :
- Le décret du 2 sans-culottides an II (18 septembre 1794) de la Convention nationale supprime le budget de l’Église constitutionnelle.
- Le décret du 3 ventôse an III (21 février 1795) sur la liberté des cultes précise à son article 2 que « la République ne salarie aucun culte ». Cette première séparation est de courte durée, prenant fin avec la signature du concordat de 1801.
1.2. L’Affrontement Sous la Troisième République
Au XIXe siècle, l’Église catholique, encouragée par la loi Falloux de 1850 qui instaure la liberté d’enseignement à son bénéfice, s’oppose aux républicains, dénonçant le monde moderne, le libéralisme, la démocratie et la République.
La Troisième République est marquée par une série de mesures de sécularisation qui parachèvent l’œuvre de la Révolution, incluant la laïcisation des hôpitaux et des cimetières (1881), la suppression des aumôneries militaires (1883), la suppression des prières publiques et l’autorisation du divorce (1884).
Malgré une période d’apaisement et la politique de Ralliement sous l’influence de républicains « progressistes » comme Eugène Spuller (qui prône un « esprit nouveau de tolérance » en 1894), cette conciliation se brise à la fin du XIXe siècle avec l’affaire Dreyfus. L’affaire provoque un regain d’anticléricalisme à gauche, car la société se polarise fortement entre dreyfusards et antidreyfusards, ces derniers incluant une grande partie de la hiérarchie militaire et cléricale.
1.3. La Politique de Waldeck-Rousseau et la Loi de 1901
En juin 1899, le cabinet de Défense républicaine, dirigé par Pierre Waldeck-Rousseau, est formé. Bien qu’il s’abstienne de mesures purement religieuses, il promulgue la loi sur les associations en 1901. Cette loi établit un régime de liberté pour la création d’associations, mais impose un régime d’exception pour les congrégations religieuses.
- Chaque congrégation doit être autorisée par une loi.
- Elles doivent se soumettre à l’autorité de l’évêque ordinaire.
- Elles peuvent être dissoutes par simple décret (selon l’article 13).
En octobre 1901, les congrégations refusant de déposer leur demande sont dissoutes. En janvier 1902, le Conseil d’État étend l’obligation d’autorisation préalable à toute école où enseignent des congréganistes, quel que soit leur nombre.
1.4. L’Ère Combes : Le Durcissement Laïque 🔥
L’élection de 1902 voit la victoire du Bloc des gauches, porté par le thème de l’application vigoureuse de la loi de 1901. Émile Combes, ex-séminariste devenu athée et adversaire déterminé de la religion, surnommé « le petit père Combes », est porté à la tête du gouvernement.
Combes met en œuvre une politique « énergique de laïcité » :
- Les demandes d’autorisations sont refusées en bloc pour assurer la victoire du laïcisme anticlérical sur le catholicisme.
- En juillet 1902, environ 3 000 établissements scolaires non autorisés sont fermés, entraînant des incidents limités dans les régions fortement catholiques (Ouest, Massif central) et une « protestation » signée par 74 évêques.
- En juillet 1903, les demandes d’autorisation des congrégations féminines sont rejetées, suivies par celles des congrégations masculines en mars 1904.
- Des milliers de religieux sont expulsés de France (les Chartreux sont expulsés manu militari), trouvant refuge notamment en Belgique et en Espagne.
Waldeck-Rousseau reproche publiquement à Combes d’avoir transformé une loi de contrôle en loi d’exclusion. Combes achève son œuvre en interdisant l’enseignement aux congrégations par la loi du 7 juillet 1904.
1.5. La Rupture Diplomatique avec le Vatican
Combes hésite initialement à s’engager vers la séparation, craignant de perdre le contrôle du clergé français que lui assurait le concordat (notamment la nomination des évêques). Cependant, plusieurs événements le poussent à agir :
- En juin 1903, une majorité de députés décide de débattre de la séparation et constitue une commission.
- Le pape Léon XIII meurt en juillet 1903, et son successeur, Pie X, se montre beaucoup plus intransigeant, multipliant les incidents diplomatiques.
- L’interdiction de l’enseignement aux congrégations provoque un conflit direct.
- La visite du président de la République Émile Loubet au roi d’Italie Victor-Emmanuel III (dont le grand-père avait annexé Rome) est perçue comme un affront majeur par le Vatican.
En mai 1904, le gouvernement français rompt immédiatement les relations diplomatiques avec le Vatican, suite à l’envoi de lettres de protestation antifrançaises aux chancelleries européennes. La fin des relations avec la papauté rendait le régime concordataire de 1802 caduc, rendant la séparation urgente.
Combes, prêt à proposer son propre projet de séparation, est contraint de démissionner par le scandale de l’« affaire des fiches » (l’espionnage des officiers par des réseaux francs-maçons pour freiner l’avancement des officiers jugés insuffisants républicains). C’est son successeur, Maurice Rouvier, qui mènera le processus à terme.
2. Les Travaux Préparatoires : La Conciliation par Aristide Briand 🤝
Le travail préparatoire est confié à la Commission Buisson-Briand, composée de trente-trois membres, dont dix-sept députés favorables à la séparation.
2.1. La Commission Buisson-Briand
- Président : Ferdinand Buisson, célèbre pour son combat en faveur de l’enseignement gratuit et laïque et pour avoir contribué à la diffusion du substantif « laïcité ». Il se revendique « protestant libéral » et préside l’Association nationale des libres penseurs.
- Rapporteur : Aristide Briand. Athée et tolérant, il joue un rôle central et déterminant dans le contenu et le vote de la loi. Poussé par Jean Jaurès à se présenter à la commission, Briand comprend qu’une loi de conciliation est indispensable pour éviter un affrontement désastreux.
La commission voit l’affrontement entre cette ligne de conciliation (Briand et Buisson) et les partisans d’une destruction complète de l’Église (comme Maurice Allard ou Victor Dejeante), qui souhaitent confisquer les biens de l’Église et gérer les cathédrales et églises par un « conseil communal d’éducation sociale » ou les transformer en « maisons du peuple » ou « bourses du travail ».
Briand, dont l’influence est accrue par la chute du gouvernement Combes, prend contact avec des ecclésiastiques et présente son projet synthétique le 4 mars 1905, insistant sur la nécessité d’une « séparation loyale et complète des Églises et de l’État » comme réponse aux divisions politiques.
2.2. L’Action Décisive d’Aristide Briand
Briand est confronté à une tâche complexe : rassurer la droite catholique que la loi n’est pas une loi de persécution, tout en évitant d’être perçu comme trop conciliant par la gauche radicale et l’extrême gauche.
Il réussit à convaincre une partie de la droite catholique, y compris des figures intransigeantes comme le député Constant Groussau, de participer au débat non pour soutenir la séparation, mais pour obtenir des concessions. Briand insiste sur le fait que la loi ne doit pas être « braquée sur l’Église comme un revolver », reconnaissant qu’une loi refusée par les catholiques serait inapplicable sur le terrain.
2.3. La Bataille de l’Article 4 🏛️
Le point le plus conflictuel des travaux préparatoires concerne l’article 4, qui définit à qui reviendront les biens mobiliers et immobiliers de l’Église dans le nouveau régime.
- Les catholiques craignent que l’État n’utilise cet article pour disloquer l’Église et provoquer des schismes.
- Les républicains craignent que le Vatican ne choisisse des associations cultuelles basées à l’étranger pour bénéficier de la dévolution des biens.
Briand accepte un compromis crucial : la nouvelle version de l’article 4 dispose que les associations cultuelles prévues par la loi devront se conformer « aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice ». En d’autres termes, elles devront respecter la hiérarchie catholique (rôle de l’évêque).
Le 20 avril 1905, Briand déclare que l’intention n’est pas d’« arracher à l’Église catholique son patrimoine pour l’offrir en prime au schisme », assurant la loyauté de l’État.
Cette formulation est dénoncée par le sénateur Georges Clemenceau comme une « soumission au gouvernement romain ». Clemenceau, traitant Briand de « socialiste papalin », estime que la Chambre, en voulant rompre le Concordat, est restée dans son esprit en plaçant la société cultuelle dans les mains de l’évêque et du pape. Malgré ces critiques, Clemenceau vota la loi avec la majorité.
L’article 6 (devenu l’article 8), qui prévoyait l’arbitrage des tribunaux civils en cas de conflit d’attribution des biens, fut également modifié : Briand et Jaurès acceptèrent le transfert de l’arbitrage au Conseil d’État (plus dépendant du gouvernement).
2.4. Vote et Promulgation
Malgré les profondes divergences entre les factions, la loi est finalement votée le 3 juillet 1905 par 341 voix contre 233 à la Chambre, et le 6 décembre 1905 par 181 voix contre 102 au Sénat.
Elle est promulguée le 9 décembre 1905 et publiée au Journal officiel le 11 décembre 1905.
La Sacrée Pénitencerie du Vatican confirmera en 1908 que les députés et sénateurs ayant voté la loi encourent l’excommunication.
3. Le Contenu de la Loi et les Conséquences Immédiates 📜
La loi de 1905, loi ordinaire, brise unilatéralement le concordat de 1802 et instaure la laïcité.
3.1. Les Articles Fondamentaux
La loi est construite autour de deux articles clés :
- Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes […] ». Cet article fait l’objet d’un large consensus, engageant l’État à protéger la liberté de croire ou de ne pas croire. Pour rendre le libre exercice effectif, des aumôneries sont instituées dans certaines institutions publiques (prisons, hôpitaux, casernes, lycées).
- Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. […] ». Cet article met fin à la notion de « culte reconnu », obligeant l’État, les départements et les communes à la neutralité en refusant d’accorder des avantages spécifiques en raison des pratiques cultuelles.
Par l’article 2, l’État cesse de rémunérer les ministres des Cultes (évêques, prêtres, pasteurs, rabbins, etc.), se libérant d’un budget annuel de 40 millions de francs. En contrepartie, l’État n’intervient plus dans la nomination des évêques.
3.2. La Gestion du Patrimoine et les Associations Cultuelles
Les établissements publics du culte sont dissous et remplacés par des associations cultuelles, définies comme des associations de droit privé. Ces associations doivent avoir pour objet exclusif l’exercice du culte. Elles ne peuvent donc pas se livrer à des activités sociales, culturelles, éducatives ou commerciales.
Conséquences sur les biens :
- L’État conserve la propriété des biens religieux saisis depuis 1789.
- Les bâtiments de culte (églises, cathédrales, etc.) sont confiés gratuitement aux associations cultuelles.
- Les associations bénéficiaires sont responsables des réparations de toute nature, des frais d’assurance et autres charges, à l’exception des grosses réparations (qui restent à la charge de l’État et des communes).
- Les biens grevés d’une affectation charitable (hôpitaux, écoles) sont attribués aux services ou établissements publics dont la destination est conforme.
La loi prévoit également un inventaire des biens mobiliers et immobiliers (Article 3) avant leur dévolution aux associations cultuelles, le reste devant être saisi.
3.3. Le Refus Catégorique du Vatican
La loi de 1905 est violemment condamnée par le pape Pie X dans l’encyclique Vehementer nos du 11 février 1906.
- Le pape dénonce la rupture unilatérale du concordat.
- Il refuse catégoriquement la mise en place des associations cultuelles, les jugeant incompatibles avec l’organisation hiérarchique canonique catholique.
En conséquence du refus de créer les associations cultuelles, les frais très élevés de réparation des édifices religieux préexistants à 1905 reviennent à la charge de l’État et des communes. En revanche, les ministres du culte, qui ne sont plus salariés ni logés par l’État (l’indemnité de transition n’étant prévue que pour quatre ans), gagnent en indépendance, notamment les évêques.
3.4. La Tourmente des Inventaires ⚔️
L’article 3 de la loi, imposant l’inventaire des biens, fut le dernier épisode douloureux plaçant la France au bord de la guerre civile.
- Les inventaires suscitent des résistances violentes dans les régions traditionalistes et catholiques (Bretagne, Vendée, Flandre, Massif central).
- La tension monte en février 1906 lorsqu’une circulaire demande aux agents d’inventaire « l’ouverture des tabernacles », ce qui est perçu comme un grave sacrilège par les catholiques.
- Des heurts font des victimes : André Régis est grièvement blessé à Montregard (il mourra le 24 mars), et le paroissien Géry Ghysel est abattu dans l’église de Boeschepe le 6 mars 1906.
Le cabinet Rouvier tombe sur cette question le 7 mars 1906. Georges Clemenceau, devenu ministre de l’Intérieur sous le gouvernement Sarrien, joue l’apaisement. Il met fin à la querelle des Inventaires par une circulaire de mars 1906, suspendant les opérations dans les cas où elles nécessitaient l’usage de la force. À ce moment, il ne restait plus que 5 000 sanctuaires à inventorier sur 68 000.
4. Application, Apaisement et Évolution de la Laïcité 🕰️
L’application de la loi fut une « mission » pour le gouvernement suivant, dirigé par Georges Clemenceau et Aristide Briand.
4.1. Le Gouvernement Clemenceau et la Sortie de Crise
Le Vatican continuant de faire obstacle à la formation des associations cultuelles, Briand, maintenu aux Cultes, doit trouver des solutions pour éviter que les catholiques ne tombent dans l’illégalité.
- En réponse aux attaques, Briand réaffirme que la loi est d’« apaisement », et que l’État laïque est « n’est pas antireligieux » mais « areligieux ».
- Tous les bâtiments ecclésiastiques (archevêchés, séminaires, presbytères) sont mis sous séquestre, faute d’associations pour les recevoir. À Paris, le cardinal Richard est expulsé de l’archevêché.
- La loi du 2 janvier 1907 permet à l’État de recouvrer la libre disposition de ces biens immobiliers et suspend l’indemnité versée aux prêtres non en règle.
- Cependant, cette même loi ouvre la possibilité de donner la jouissance des édifices de culte à des associations loi de 1901 ou à des ministres du culte déclarés.
- Suite au refus du pape de la déclaration annuelle exigée pour les cérémonies religieuses, le gouvernement adopte la loi du 28 mars 1907, qui règle la question en supprimant l’obligation de déclaration préalable pour les réunions publiques.
Afin d’apaiser les tensions, plus de 30 000 édifices sont mis gratuitement à disposition des Églises. La loi du 13 avril 1908 confirme que les églises sont des propriétés communales et prévoit des mutualités ecclésiastiques.
4.2. La Guerre Scolaire
Malgré l’apaisement progressif sur la gestion des biens, le conflit se déplace sur le terrain de l’instruction publique. La loi de 1904, en supprimant les congrégations enseignantes, a désorganisé l’enseignement privé, rendant l’école laïque incontournable et renforçant la vigilance des catholiques. La loi de 1905, en libérant l’épiscopat de sa réserve vis-à-vis du gouvernement, lui permet de condamner publiquement le laïcisme, inaugurant la guerre scolaire (1907-1914).
4.3. L’Union Sacrée et le Compromis de 1924
C’est la Première Guerre mondiale et l’« Union sacrée » qui relèguent la question religieuse au second plan. Dès le 2 août 1914, une circulaire demande que les congrégations catholiques, précédemment expulsées, soient de nouveau tolérées. Une « ouverture appréciable est faite vers le monde catholique ».
L’apaisement se concrétise après la guerre :
- En mai 1921, les relations diplomatiques sont rétablies avec le Vatican.
- En 1924, un compromis est trouvé entre Pie XI et le gouvernement français (le Cartel des gauches), malgré les réticences initiales. L’État français concède aux « associations diocésaines », placées sous l’autorité des évêques, le statut d’« associations cultuelles ». Cette reconnaissance de l’organisation épiscopale de l’Église catholique comme conforme à la loi permet de sortir du blocage de 1905.
4.4. Régimes d’Exception : Outre-Mer et Alsace-Moselle
La loi de 1905 ne s’applique pas uniformément sur tout le territoire français.
4.4.1. Le Statut de l’Alsace-Moselle
L’Alsace et la Moselle n’étant pas françaises au moment de la promulgation de la loi, elles conservent un statut spécial, héritage du Concordat de 1801. Dans ces départements :
- Les évêques, prêtres, rabbins et pasteurs sont toujours assimilés à des fonctionnaires (salariés par l’État).
- L’État participe, au moins formellement, à la nomination des évêques et paie l’entretien des bâtiments.
- L’enseignement religieux est préservé dans les écoles publiques. La validité constitutionnelle de cette exception, traditionnellement observée depuis le rattachement en 1919, a été confirmée par le Conseil constitutionnel en février 2013.
4.4.2. Les Territoires d’Outre-Mer
La loi de 1905 est appliquée dans les départements de Guadeloupe, Martinique, et Réunion (décret du 6 février 1911), ainsi qu’à Saint-Barthélemy et Saint-Martin. En revanche, elle ne s’applique pas à la Guyane, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte. C’est notamment le cas en vertu des décrets Mandel de 1939 qui entérinent cette absence de séparation.
5. Bilan et Perspectives : Un Modèle en Constante Évolution 💡
La loi de 1905 est considérée comme une date capitale qui met fin à l’antique union entre l’Église catholique de France et le pouvoir politique.
5.1. Gestion du Patrimoine et Jurisprudence
La jurisprudence a largement complété et parfois modifié la loi initiale par plus de 2 000 pages d’avis et de cours.
Concernant les bâtiments :
- Les 87 cathédrales concordataires sont confiées au secrétariat d’État aux Beaux-Arts (devenu ministère de la Culture) par la loi du 17 avril 1906 et le décret du 4 juillet 1912.
- La plupart des autres églises construites avant 1905 sont la propriété d’une commune.
- Les édifices postérieurs à 1905 demeurent généralement propriétés des associations cultuelles.
Il est à noter que la loi du 19 août 1920 a dérogé ponctuellement à la loi de 1905 en accordant une subvention de 500 000 francs pour l’édification de la Grande Mosquée de Paris. De même, la loi de 1942 modifie l’article 19 pour permettre l’allocation de sommes pour les réparations des édifices non classés, ce qui n’était possible auparavant que pour les monuments classés.
5.2. Caractère Constitutionnel et Notoriété
Bien que le Conseil constitutionnel ait évité, lors de ses décisions en 1977 et 2004, de donner un statut constitutionnel explicite à la loi de 1905, il l’a intégrée de facto au bloc de constitutionnalité en février 2013, à l’occasion d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) sur le Concordat en Alsace-Moselle.
Le 9 décembre est reconnu en France comme Journée nationale de la laïcité depuis 2011.
5.3. Polémiques et Réformes du XXIe Siècle
Au début du XXIe siècle, la loi de 1905 est fréquemment évoquée lors de débats sur la laïcité (notamment les affaires du voile islamique et le statut des crèches de Noël).
- En 2004, la loi sur les signes religieux ostensibles dans les écoles publiques est adoptée.
- Nicolas Sarkozy, en 2004, a soulevé la question d’une possible modification de la loi pour permettre à l’État de contrôler efficacement le financement des cultes et de limiter l’influence de pays étrangers sur la communauté musulmane de France.
- Le président Emmanuel Macron a envisagé puis abandonné une révision de la loi en 2018/2019.
La Loi Confortant le Respect des Principes de la République (2021/2022)
L’élaboration de la loi confortant le respect des principes de la République (ou « loi séparatisme ») en 2021/2022 a introduit de nombreuses modifications, notamment en renforçant le contrôle de l’État sur l’organisation des cultes :
- Elle renforce l’obligation déclarative des associations cultuelles.
- Elle instaure des peines (jusqu’à l’emprisonnement) pour réprimer les provocations par un ministre du culte visant à contester ou remettre en cause les lois de la République au nom de principes religieux.
- Elle permet la fermeture temporaire des lieux de culte si des propos incitant à la haine ou à la violence y sont tenus.
- Elle introduit un « déféré laïcité » dans le Code général des collectivités territoriales, permettant au préfet de saisir en urgence le juge administratif en cas de mesure locale jugée contraire à la laïcité.
Ces changements modifient les équilibres de 1905 concernant les libertés de culte, d’association et d’enseignement, dotant l’État d’un « arsenal de coercition et de répression sans équivalent » pour combattre le séparatisme islamiste.
En conclusion : La Loi du 9 décembre 1905, œuvre de compromis orchestrée par Aristide Briand, a réussi l’exploit de démanteler le système concordataire centenaire sans provoquer la guerre civile totale que redoutaient de nombreux républicains. En garantissant la liberté de conscience (Article 1er) tout en affirmant l’autonomie de l’État (Article 2), la loi a agi comme une charte de neutralité et de liberté. Bien que sans cesse ajustée par la jurisprudence et les réformes du XXIe siècle pour faire face aux nouvelles configurations religieuses, elle demeure la pierre angulaire de l’organisation des relations entre la République et les croyances en France.
