La Prise de la Bastille : Un Symbole Éternel de la Révolution Française 🇫🇷
La prise de la Bastille, événement survenu le mardi 14 juillet 1789 à Paris, est considérée comme un moment inaugural et emblématique de la Révolution française. Cette journée marque la première intervention d’ampleur du peuple parisien dans le cours de la Révolution et dans la vie politique française. Plus qu’un simple fait militaire, dont l’importance sur ce plan était relative, cette journée a eu des répercussions sans précédent, des implications politiques profondes et un retentissement symbolique majeur, agissant comme un véritable séisme en France comme en Europe, et même jusqu’en Russie impériale.
Dès son déroulement, l’événement fut perçu comme un tournant radical par les Parisiens et le pouvoir royal. Il symbolisa l’effondrement de l’administration royale et provoqua une révolution municipale, mobilisant la capitale puis l’ensemble du pays derrière les constituants. Immédiatement mis en scène et célébré par ses partisans, il a acquis par la suite une charge symbolique extrêmement forte dans la culture politique républicaine. C’est en son honneur que la Fête de la Fédération fut organisée le 14 juillet 1790, et que cette date fut choisie en 1880 pour célébrer la fête nationale française.
Contexte : Une Période de Tensions Explosives 💥
La prise de la Bastille s’inscrit dans un contexte de mobilisation populaire et politique qui agitait les villes du royaume de France durant l’été 1789. Cette agitation était le reflet d’une période de vide gouvernemental, de crise économique et de vives tensions politiques.
La réunion des États Généraux et leur proclamation par le Tiers État en Assemblée constituante, suite au serment du Jeu de paume le 20 juin, avaient déjà mis en marche une révolution politique. Le peuple de Paris, quant à lui, vivait dans une inquiétude grandissante depuis plusieurs jours. La peur était palpable que les troupes mercenaires étrangères, massées autour de la capitale depuis juin, ne soient utilisées contre les États Généraux ou, pire, pour un massacre hypothétique des « patriotes ».
Les débats de l’Assemblée, dont les échos et la publicité parvenaient au peuple, alimentaient cette mobilisation populaire, se mêlant à une « colère et des peurs cumulées dans les différentes strates de la population parisienne ». Parmi ces craintes, on retrouvait la peur d’un « complot aristocratique » et celle de la disette, nourrie par les fantasmes d’un « pacte de famine ». Le jour même du 14 juillet, le prix du pain atteignit son maximum depuis le règne de Louis XIV, faisant de la question frumentaire le cœur même de l’insurrection. Les émeutiers étaient principalement des « gens de métiers », des artisans, des commis de boutiques, des salariés des faubourgs, souvent pères de famille et alphabétisés pour les deux tiers.
En amont de ces événements, entre le 9 et le 17 juillet, des incidents avaient déjà éclaté aux barrières (postes d’octroi) de Paris, avec l’incendie d’une quarantaine de bureaux sur les cinquante-quatre que comptait le mur des Fermiers généraux. L’objectif de ces émeutes était clair : supprimer les droits d’entrée dans Paris. Bien que décorrélée de la prise de la Bastille, cette « prise des barrières », mêlant peuple parisien et brigands, témoignait déjà d’un contexte insurrectionnel généralisé.
L’Attitude de l’Administration Royale et du Gouvernement 🏛️
Malgré l’agitation croissante, le site de la Bastille lui-même était paradoxalement connu pour sa faiblesse stratégique. Son gouverneur, Bernard-René Jourdan de Launay, avait été désavoué par ses supérieurs, et Pierre-Victor de Besenval de Brünstatt, commandant des troupes à Paris, avait même cherché à lui trouver un remplaçant début juillet. La situation exigeait pourtant des moyens humains et militaires supplémentaires. Broglie, supérieur de de Launay, avait bien demandé le renforcement des effectifs de trente soldats suisses et l’envoi de canonniers pour s’assurer de l’état des pièces et les servir si nécessaire, mais avec une conviction apparente que cela ne deviendrait jamais nécessaire.
En 1789, la Bastille était défendue par une garnison dérisoire de seulement 32 soldats suisses détachés du régiment de Salis-Samade et 82 vétérans invalides de guerre.
Le Soulèvement de Paris (11-17 juillet) 🗣️📢
Le soulèvement a pris une tournure décisive suite à l’annonce du renvoi de Jacques Necker, alors très populaire, le dimanche 12 juillet 1789. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre à travers Paris.
À midi, au Palais-Royal, un avocat et journaliste encore peu connu, Camille Desmoulins, monta sur une chaise du café de Foy et harangua la foule des promeneurs, les appelant « à prendre les armes contre le gouvernement du roi ». Dans les rues de Paris et le jardin du Palais-Royal, de nombreuses manifestations eurent lieu, avec des bustes de Jacques Necker et de Philippe d’Orléans portés en tête des cortèges. La tension culmina lorsque le régiment de cavalerie, le Royal-Allemand, chargea la foule amassée aux Tuileries, faisant plusieurs blessés, dont des femmes et des enfants, et trois tués parmi les émeutiers. En début de soirée, Besenval donna l’ordre aux régiments suisses cantonnés au Champ-de-Mars d’intervenir.
Le lendemain, 13 juillet, la foule des émeutiers continuait d’exiger la baisse du prix des grains et du pain. Une rumeur, celle de l’entreposage de grains au couvent Saint-Lazare et à la Bastille, circula dans Paris. Le couvent fut pillé à six heures du matin. Deux heures plus tard, une réunion des « électeurs » de la capitale – ceux qui avaient élu les députés des états généraux au deuxième degré – se tint à l’hôtel de ville, sous la direction du prévôt des marchands de Paris, Jacques de Flesselles.
Au milieu d’une foule déchaînée, les électeurs prirent des décisions cruciales :
- Former un « comité permanent », qui se substitua à l’ancienne municipalité royale et fut appelé « municipalité insurrectionnelle ».
- Créer une « milice bourgeoise » de 48 000 hommes, dans le but de maîtriser les débordements populaires, mais aussi de soutenir et défendre l’action de l’Assemblée nationale.
- Chaque homme de cette milice porterait une cocarde aux couleurs de Paris, rouge et bleu, comme marque distinctive.
Pour armer cette nouvelle milice, les émeutiers saccagèrent le Garde-Meuble, où étaient entreposées d’anciennes armes de collections. Sur ordre de Flesselles, la fabrication de 50 000 piques fut même lancée. À 17 heures, une délégation des électeurs parisiens se rendit aux Invalides pour réclamer les armes de guerre qui y étaient entreposées. Le gouverneur refusa, et la Cour ne réagit pas, laissant les électeurs sans les armes tant convoitées. Cependant, le sort de la poudre et des balles sera scellé ailleurs. Besenval avait en effet donné l’ordre de stocker la poudre dans la forteresse de la Bastille.
Le 14 Juillet : L’Assaut de la Forteresse ⚔️
La journée du 14 juillet commença par une étape décisive pour les émeutiers : l’obtention d’armes.
À 10 heures du matin, devant le refus du gouverneur, une foule composite de près de 80 000 personnes, dont un millier de combattants, se présenta aux Invalides pour s’emparer de force des fusils qui y étaient entreposés. Bien que des canons fussent disponibles aux Invalides, les soldats invalides ne semblèrent pas disposés à ouvrir le feu sur les Parisiens. À quelques centaines de mètres, sur l’esplanade du Champ-de-Mars, campaient plusieurs régiments de cavalerie, d’infanterie et d’artillerie, sous le commandement de Pierre-Victor de Besenval. Ce dernier réunit les chefs de corps pour évaluer si leurs soldats marcheraient sur les émeutiers. Informé de leur refus catégorique, Besenval décida d’abandonner sa position et de mettre ses troupes en route vers Saint-Cloud et Sèvres.
La foule, sans opposition, escalada les fossés, défonça les grilles, descendit dans les caves et s’empara de 30 000 à 40 000 fusils à poudre noire, ainsi que de vingt pièces de bouches à feu et d’un mortier. Les Parisiens étaient désormais armés, mais il leur manquait encore l’essentiel : de la poudre à canon et des balles. Le bruit courut alors qu’il y en avait au château de la Bastille.
Le Siège de la Bastille 🏰
L’objectif de la Bastille se précisa. À 10 h 30, une première délégation de l’Assemblée des électeurs de Paris se rendit à la Bastille. Les membres du Comité permanent n’envisageaient pas de prendre le bâtiment par la force, mais souhaitaient ouvrir la voie des négociations. Poussés par la foule des émeutiers, notamment ceux du faubourg populaire de Saint-Antoine – marqué par l’affaire Réveillon, un épisode pré-révolutionnaire marquant – les électeurs envoyèrent une délégation au gouverneur de la Bastille, Bernard-René Jourdan de Launay.
De Launay avait pris ses précautions en défense, calfeutrant des fenêtres, surélevant des murs d’enceinte et plaçant des canons sur les tours et derrière le pont-levis. La délégation avait pour mission de demander le retrait des canons et la distribution de la poudre et des balles aux Parisiens de la « milice bourgeoise ». L’arsenal, magasin d’armes et de poudre, situé au-dessus du portail monumental de la Bastille construit en 1643, avait d’ailleurs été déplacé par de Launay la nuit précédente vers une cour intérieure par mesure de sécurité. Cette délégation fut reçue avec amabilité et même invitée à déjeuner, mais repartit sans avoir obtenu satisfaction. La foule, impatiente, crut à tort que la délégation était retenue prisonnière, aggravant les tensions et la confusion.
À 11 h 30, une deuxième délégation, menée à l’initiative de Jacques Alexis Thuriot et accompagné de Louis Éthis de Corny, procureur de la ville, se rendit au fort de la Bastille. Thuriot, soucieux d’éviter un affrontement, pressa les Invalides pour passer la seconde enceinte, inspecta les lieux et demanda des garanties. Le gouverneur s’engagea à ne pas prendre l’initiative des tirs.
Pendant ce temps, la foule des émeutiers, armée des fusils pris aux Invalides, s’était massivement rassemblée devant la Bastille. Elle y amena cinq des canons pris la veille aux Invalides et au Garde-Meubles, dont deux magnifiques canons damasquinés d’argent, offerts un siècle auparavant par le roi de Siam à Louis XIV. Ces pièces d’artillerie, servies par des militaires ralliés à la foule, commencèrent à tirer sur les portes de la forteresse.
Une explosion, prise à tort par les émeutiers pour une canonnade ordonnée par le gouverneur, déclencha les premiers assauts. Des émeutiers réussirent à pénétrer dans l’enceinte par le toit du corps de garde et attaquèrent à coups de hache les chaînes du pont-levis.
À 13 h 30, les quatre-vingt-deux invalides défenseurs de la Bastille et les trente-deux soldats suisses détachés du régiment de Salis-Samade ouvrirent le feu sur les émeutiers, qui continuaient leurs assauts contre la forteresse. Cette riposte causa une centaine de tués parmi les assiégeants. Pendant trois heures et demie, la Bastille fut soumise à un siège régulier.
Les tentatives de négociation persistèrent :
- À 14 h, une troisième délégation, incluant l’abbé Claude Fauchet, se rendit à la Bastille.
- À 15 h, une quatrième délégation, composée de nouveau de Louis Éthis de Corny, accompagné de Louis-Lézin de Milly, de son secrétaire, du comte Piquod de Sainte-Honorine, de Poupart de Beaubourg, Boucheron, Fleurie, Jouannon et Six, se présenta. Cette dernière délégation, voulue dans les formes par le comité permanent de l’hôtel de ville et affublée d’un tambour et d’un drapeau pour afficher son caractère officiel, se présenta devant le marquis de Launay mais n’obtint toujours rien. Pire encore, les parlementaires reçurent une décharge de mousqueterie qui toucha la foule. Les soldats de la garnison et les assiégeants échangèrent des tirs, et dans la confusion, même cette dernière délégation fut prise à partie par la foule. Les négociations étaient dès lors closes, et c’est par la force que la forteresse allait être prise.
C’est à 15 h 30 que la situation bascula définitivement. Un détachement de soixante-et-un hommes des Gardes françaises, composé en grande partie des grenadiers de Reffuveilles et des fusiliers de la compagnie de Lubersac, et commandé par le sergent-major Wargnier et le sergent Antoine Labarthe, accompagnés de Pierre-Augustin Hulin, ancien sergent aux Gardes-Suisses, et Jacob Job Élie, sergent dans le régiment de la Reine, se présentèrent au milieu d’une vive fusillade devant la Bastille.
Ces soldats expérimentés arrivèrent dans la cour de l’Orme, traînant à bras cinq pièces de canon et un mortier, qu’ils mirent en batterie et dirigèrent sur les embrasures du fort. Ils réussirent à en éloigner les canonniers et les tirailleurs. Deux autres pièces furent braquées sur la porte qui communiquait la cour intérieure avec le jardin de l’Arsenal, et cette porte céda bientôt sous leurs coups. Aussitôt, la foule se précipita pour pénétrer dans la Bastille ; mais les Gardes Françaises, conservant tout leur sang-froid au milieu du tumulte, formèrent une barrière au-delà du pont et, par cet acte de prudence, sauvèrent la vie à des milliers de personnes qui se seraient précipitées dans le fossé.
La Reddition et ses Conséquences Immédiates 🩸
De Launay, isolé avec sa garnison et constatant que, malgré l’ampleur de leurs pertes (une centaine de tués et soixante-treize blessés parmi les assaillants), les assaillants ne renonçaient pas, négocia l’ouverture des portes. Il obtint la promesse des assiégeants qu’aucune exécution n’aurait lieu après la reddition.
La forteresse fut envahie. Les émeutiers s’emparèrent de la poudre et des balles, puis libérèrent les sept captifs qui y étaient emprisonnés. Lors de leur reddition, les soldats de la garnison avaient hissé le drapeau blanc et mis les fusils crosse en l’air.
La garnison de la Bastille, désormais prisonnière, fut conduite à l’hôtel de ville pour y être jugée. En chemin, de Launay fut roué de coups, massacré à coups de sabre, décapité au couteau par l’aide-cuisinier Desnot, et sa tête fut mise au bout d’une pique. Les têtes de Launay et de Jacques de Flesselles, prévôt des marchands de Paris – assassiné sur l’accusation de traîtrise – furent promenées au bout d’une pique dans les rues de la capitale jusqu’au Palais-Royal. Plusieurs des invalides trouvèrent également la mort pendant le trajet.
À 18 h, ignorant la chute de la Bastille, Louis XVI ordonna aux troupes d’évacuer Paris. Cet ordre ne fut apporté à l’hôtel de ville qu’à deux heures du matin.
Les Prisonniers Libérés 🗝️
Les prisonniers libérés de la Bastille étaient au nombre de sept :
- Auguste-Claude Tavernier, qui avait tenté d’assassiner Louis XV et était enfermé depuis 30 ans (4 août 1759).
- Le comte Jacques-François Xavier de Whyte de Malleville, atteint de folie et enfermé à la demande de sa famille.
- Le comte de Solages, emprisonné depuis 1784 à la demande de son père pour des « actes monstrueux ».
- Quatre faux-monnayeurs : Jean Lacorrège, Jean Béchade, Jean-Antoine Pujade, Bernard Larroche.
Les faux-monnayeurs disparurent dans la foule dès leur libération. Les trois autres furent portés en triomphe dans les rues. Les deux premiers, Tavernier et Malleville, furent cependant de nouveau incarcérés dès le lendemain à l’hospice de Charenton, le comte de Solages regagnant son pays près d’Albi où il mourut en 1824. L’idée que la Bastille regorgeait de prisonniers politiques innocents s’avéra un mythe.
Le sort des Archives de la Bastille 📜
Outre les prisonniers, la forteresse hébergeait les archives du lieutenant de police de Paris, qui furent soumises à un pillage systématique. Les Gardes-Françaises les dispersèrent en partie dans les fossés de la forteresse. Dès le 15 juillet, les autorités municipales tentèrent de les récupérer. Même Beaumarchais, dont la maison était située juste en face, n’avait pas hésité à puiser dans les papiers, et fut dénoncé, devant les restituer. En 1798, ces précieuses archives furent conservées à la Bibliothèque de l’Arsenal et cataloguées depuis le XIXe siècle, représentant 60 000 dossiers comprenant 600 000 feuillets, essentiellement des lettres de cachet, des interrogatoires, des suppliques au roi et des correspondances des embastillés.
Réactions des Contemporains 🌍
La chute de la Bastille eut un retentissement immédiat et profond à tous les niveaux.
Réactions du Roi et de la Cour 👑
Le 14 juillet 1789, le Roi Louis XVI, de retour d’une partie de chasse infructueuse, écrivit sobrement « Rien » dans son journal intime pour cette date. Ce carnet servait principalement à noter ses activités quotidiennes telles que les chasses, réceptions, cérémonies ou voyages. Néanmoins, il est avéré que Versailles et le Roi étaient bien au courant de la prise de la Bastille dès le jour même. La légende selon laquelle le Roi ne fut informé que le lendemain matin par le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, dans un dialogue célèbre (« C’est une révolte ? — Non sire, ce n’est pas une révolte, c’est une Révolution »), bien que souvent citée par les historiens du XIXe siècle, est nuancée par des témoignages contemporains.
Le récit de la marquise de La Rochejaquelein, par exemple, dépeint un tableau vivant de la rapidité avec laquelle la nouvelle se propagea et transforma l’atmosphère à Versailles, passant de la joie insouciante à la crainte subite. Dès le 16 juillet, une première vague d’émigration massive de la noblesse commença, avec le comte d’Artois et le prince de Condé, ainsi que de principaux secrétaires d’État, qui gagnèrent les frontières du royaume.
Réaction de l’Armée Royale 🎖️
Les événements parisiens creusèrent un fossé déjà ancien au sein des armées royales. Les officiers perdirent confiance en leurs hommes. Le 14 juillet, cinq des six bataillons des Gardes françaises s’étaient mutinés, et certains avaient même rejoint les émeutiers. La semaine précédant les événements, on dénombrait déjà soixante-neuf désertions dans le régiment de Provence et vingt-neuf dans celui du Régiment Royal-Picardie cavalerie.
Le régiment allemand Royal-Hesse-Darmstadt, alors cantonné à Strasbourg, apprit la nouvelle le 23 juillet 1789 et l’accueillit avec une joie tapageuse, ce qui lui valut d’être envoyé en garnison à Neufbrisach. Cependant, son ardeur patriote – il fut le premier à adopter la cocarde tricolore – lui valut un retour triomphal à Strasbourg, où il fut acclamé par les bourgeois de la ville.
Réactions des Observateurs Étrangers 🌐
La prise de la Bastille suscita des réactions fortes et diverses à l’étranger.
- Dès le 16 juillet, le duc de Dorset, ambassadeur d’Angleterre, écrivait au Foreign Office : « Ainsi, mylord, s’est accomplie la plus grande révolution dont l’Histoire ait conservé le souvenir, et, relativement parlant, si l’on considère l’importance des résultats, elle n’a coûté que bien peu de sang. De ce moment, nous pouvons considérer la France comme un pays libre ».
- Pour Charles James Fox, un éminent homme politique britannique, c’était tout simplement « le plus grand événement qui soit jamais arrivé au monde ».
- Ce spectacle inouï provoqua chez le philosophe et homme politique irlandais Edmund Burke un tel étonnement qu’il ne savait s’il devait y souscrire ou le condamner.
Un voyageur anglais, le docteur Edward Rigby, présent à Paris du 7 au 19 juillet, rapporta à sa famille son incrédulité face à la capacité d’une foule inexpérimentée à s’emparer d’une telle forteresse. Il relata également les propos de Parisiens qui, les ayant reconnus comme Anglais, exprimèrent leur joie d’être à présent des citoyens aussi libres qu’eux. Rigby décrivit aussi le spectacle « horrible, à faire frissonner » des têtes du gouverneur de Launay et de Flesselles fichées sur des piques, suivi de la « sauvagerie féroce [qui] saisit les spectateurs ».
Devenir de l’Édifice après l’Insurrection et sa Postérité 🏗️✨
La Bastille fut ensuite démolie à partir du 15 juillet, dès le lendemain de sa chute, sous la direction de l’entrepreneur privé Pierre-François Palloy, qui employa pour ce faire 800 ouvriers. Son chantier attira de nombreux visiteurs célèbres, tels que Beaumarchais et Mirabeau, attirés par la poétique des ruines ou désirant participer à cet événement historique. Palloy, astucieux, développa un commerce annexe, transformant les chaînes de la Bastille en médailles patriotiques et vendant des bagues serties d’une pierre de l’ancienne forteresse.
Il fit également réaliser des maquettes de l’édifice, qui furent envoyées dans tous les chefs-lieux des départements français. Le bois et les ferronneries de la vieille forteresse furent transformés en objets de piété et de culte. La plus grande partie des pierres servit à construire le pont de la Concorde.
Des fragments de la Bastille devinrent des symboles et des reliques. Le marquis de La Fayette envoya une des clés de la Bastille à George Washington, l’une des grandes figures de la révolution américaine et premier président des États-Unis. Cette clé est aujourd’hui exposée à la résidence de Mount Vernon, transformée en musée. Une autre des clés fut envoyée à Gournay-en-Bray, lieu de naissance de Stanislas-Marie Maillard, considéré comme le premier révolutionnaire à être entré dans la Bastille, mais cette dernière clé a depuis disparu.
L’horloge et les cloches de la forteresse furent conservées à la fonderie de Romilly, dans l’Eure, jusqu’à sa fermeture. Le carillon, quant à lui, se trouve actuellement au Musée européen d’art campanaire, à L’Isle-Jourdain (Gers).
La disparition physique de la Bastille n’empêcha pas son mythe de renaître dès la Révolution, notamment sous la forme d’une mode « à la Bastille », avec des bonnets, des souliers et des éventails inspirés de l’événement. La prise de la Bastille, bien au-delà de sa réalité militaire, est ainsi devenue un pilier de la mémoire collective française, un symbole de la lutte pour la liberté et un rappel constant de la force du peuple uni face à l’arbitraire.